Journal of Clinical Oncology

Doit-on faire une double maintenance par pemetrexed et bevacizumab ?

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
août 2019

Traitement des stades IV

A l’heure des thérapeutiques ciblées et de l’immunothérapie, le temps des études de maintenance est déjà bien loin et beaucoup d’entre nous pensaient que toutes les questions étaient définitivement réglées. Il est vrai que les résultats des grandes études de phase III avaient démontré il y a 10 ans que le pemetrexed prolongeait significativement la survie sans progression et la survie des patients qui avaient reçu une chimiothérapie ne comportant pas de pemetrexed (cliquer ici) et un peu plus tard que le pemetrexed prolongeait aussi significativement la survie sans progression et la survie de ceux qui avaient reçu initialement un doublet comportant du pemetrexed dans le cadre de l’étude PARAMOUNT menée de 2008 à 2010 (cliquer ici) et (ici). Les concepts de « switch » maintenance et de maintenance de continuation étaient donc définitivement  validés pour le pemetrexed par des essais de phase III dont la méthodologie était indiscutable. 

En revanche, même si tout le monde en faisait, l’utilité de la maintenance par bevacizumab restait non démontrée. En effet le bevacizumab avait été développé avec des études dans lesquelles il était administré en première ligne puis systématiquement en maintenance de sorte que la démonstration de son utilité en maintenance n’avait pas été faite. 

Toutefois, une autre étude, l’étude AVAPERL, coordonnée par Fabrice Barlesi explorait la question de la double maintenance chez des patients qui en première ligne avaient reçu une association de cisplatine, pemetrexed et bevacizumab en comparant en maintenance le seul bevacizumab (considéré comme le standard) à l’association pemetrexed et bevacizumab.  La double maintenance prolongeait significativement la survie sans progression (cliquer ici) mais ne prolongeait pas significativement la survie globale (cliquer ici)  (mais les effectifs n’étaient pas calculés pour cette démonstration). L’étude AVAPERL menée en 2009-2010 ne répondait donc pas de façon définitive à la question de la double maintenance de sorte que deux traitements de routine ont été majoritairement utilisés pour le traitement des cancers bronchiques non à petites cellules de stade IV, soit une bithérapie par un sel de platine associé au pemetrexed suivi d’une maintenance par pemetrexed, soit une trithérapie par carboplatine, paclitaxel et bevacizumab suivie d’une maintenance par bevacizumab. La question de la double maintenance restait ainsi non résolue après la publication de ces grands essais menés de 2009 à 2014. 

On peut penser que l’étude de phase III académique ECOG-ACRIN 5508 arrive très tard dans ce débat puisque ses résultats sont publiés 5 ans après la dernière publication d’AVAPERL. En fait ce retard s’explique facilement par le fait qu’il a fallu recruter 1500 patients pour répondre à la question posée, ce qui a nécessité 5 ans d’inclusion de 2010 à 2015 puis une attente d’encore 3 ans pour que les résultats soient matures.

Pour être inclus les patients devaient avoir un cancer bronchique non à petites cellules non épidermoïde étendu ou métastatique. Ils devaient avoir un PS à 0 ou 1, pouvaient avoir des métastases cérébrales à condition qu’elles aient été traitées par un traitement local et qu’elles ne soient pas progressives.

Après un traitement d’induction par 4 cycles administrés toutes les 3 semaines de carboplatine (AUC 6), paclitaxel (20 mg/m2) et bevacizumab (15 mg/kg), les patients répondeurs ou stabilisés étaient randomisés en 3 bras de maintenance par :

  • Soit bevacizumab (15 mg/kg), 
  • Soit pemetrexed (500 mg/m2),
  • soit une combinaison des deux aux mêmes doses. 

L'objectif principal était la survie globale calculée à partir de la randomisation.   Les objectifs secondaires étaient la survie sans progression, la réponse et la toxicité. 

L’essai était conçu pour détecter une réduction de 25% du risque de décès c'est à dire une augmentation de la survie de 12 à 16 mois.

Les facteurs de stratification étaient le sexe, le stade, le tabagisme et la meilleure réponse obtenue avant la randomisation. 

Au total 1516 patients ont été inclus dans cette étude de 2010 à 2015. Leur âge médian était de 64 ans, 48% étaient des femmes, 92% des cancers avaient un cancer de stade IV, l’adénocarcinome a été l’histologie principale et 9% des patients étaient non-fumeurs. Enfin 17 % avaient des métastases cérébrales. 

Parmi ces patients 874 (57%), répondeurs ou stabilisés, ont été randomisés et les caractéristiques des patients des trois groupes étaient bien réparties.

Le tableau ci-dessous résume les principaux résultats avec un temps de suivi médian de 50,6 mois : 

 

Pemetrexed

Bevacizumab

Bevacizumab Pemetrexed

p

N

294

287

293

 

N inéligibles

8

6

7

 

Survie médiane (mois)

15,9

14,4

16,4

 

HR Pemetrexed vs Bevacizumab (97,5% CI)

0,86 (0,70-1,07)

 

0,12

HR Traitement combiné vs Bevacizumab (97,5% CI)

 

0,90 (0,73-1,12)

0,28

PFS médiane (mois)

5,1

4,2

7,5

 

HR Pemetrexed vs Bevacizumab (97,5% CI)

0,85 (0,69-1,03)

 

0,06

HR Traitement combiné vs Bevacizumab (97,5% CI)

 

0,67 (0,55-0,82)

<0,001

Réponses (%)

18,7

12,5

21,2

 

 

 

 

 

 

On note qu’aucune différence significative de survie entre les trois groupes n’a été observée. Aucune différence de survie sans progression n’était observée entre les patients qui ont reçu du pemetrexed et ceux qui ont reçu du bevacizumab. Les patients qui ont reçu un traitement combiné avaient en revanche une meilleure survie sans progression que ceux qui ont reçu du bevacizumab seul. 

Les pourcentages de toxicités de grade ≥3 étaient de 30% chez les patients qui ont reçu du bevacizumab, 38% chez ceux qui ont reçu du pemetrexed et 51% chez ceux qui ont reçu le traitement combiné. 

Cette importante étude nous parait particulièrement intéressante par trois points : 

  1. Elle est la seule qui ait remis en question le dogme de la maintenance de continuation obligatoire pat le bevacizumab : après un traitement d’induction par 4 cycles de carboplatine, paclitaxel et bevacizumab la survie et la survie sans progression des patients traités en maintenance par bevacizumab ne différent pas significativement de celle des patients qui reçoivent une switch maintenance par pemetrexed.
  2. Elle confirme 10 ans après les résultats de l’étude de Ciulenau (cliquer ici) dont certains doutaient à l’époque et valide a posteriori ce concept de switch maintenance.
  3. Elle confirme aussi a posteriori les résultats de l’étude de Barlesi (cliquer ici) qui montrait une supériorité significative de la survie sans progression chez les malades qui recevaient une double maintenance par pemetrexed et bevacizumab par rapport aux malades qui recevaient une maintenance par bevacizumab. Mais comme l’étude AVAPERL elle ne démontre pas de bénéfice significatif de survie. Il est vrai que le traitement initial n’est pas le même dans ces deux études mais il est probable que les conclusions soient définitivement les mêmes que le traitement d’induction comporte ou non du pemetrexed. 

Après un traitement d’induction par 4 cycles de carboplatine, paclitaxel et bevacizumab deux traitements de maintenance sont globalement équivalents le bevacizumab et le pemetrexed. L’addition des deux ne prolongeant pas significativement la survie et étant plus toxique et aussi plus couteuse nous semble avoir peu d’avenir, d’autant que nous sommes maintenant à l’heure de l’association de l’immunothérapie à la chimiothérapie (cliquer ici)  (et ici) ou à la chimiothérapie associée au bevacizumab (cliquer ici)

 

 

 

 

 

Reference

Pemetrexed, Bevacizumab, or the Combination As Maintenance Therapy for Advanced Nonsquamous Non-Small-Cell Lung Cancer: ECOG-ACRIN 5508.

Ramalingam SS, Dahlberg SE, Belani CP, Saltzman JN, Pennell NA, Nambudiri GS, McCann JC, Winegarden JD, Kassem MA, Mohamed MK, Rothman JM, Lyss AP, Horn L, Stinchcombe TE, Schiller JH.

J Clin Oncol. 2019 Jul 30. [Epub ahead of print]

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