European Journal of Cancer

Données de qualité de vie dans les études conduisant à l’enregistrement des anticancéreux par l’EMA

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
avril 2020

Qualité de vie / Soins palliatifs

Les auteurs de cet article s’appuient sur la notion que, pour qu’un traitement anticancéreux soit reconnu comme utile, il faut non seulement qu’il prolonge la durée de vie des malades mais aussi qu’il améliore (ou au moins n’aggrave pas) la qualité de vie. Ces auteurs pressentaient que beaucoup d’études d’enregistrement de médicaments anti-cancéreux prises en compte par l’agence européenne lors de l’enregistrement de nouveaux anti-cancéreux ne comportent pas d’études de la qualité de vie ou s’appuient sur des objectifs de substitution.  Pour le vérifier, ils ont examiné sur le site de l’EMA 110 indications approuvées par l’agence européenne entre janvier 2009 et octobre 2015 dans de nombreux cancers dont 11 (10%) concernaient le cancer broncho-pulmonaire. Parmi ces indications, 77 (70%) concernaient les tumeurs solides et le reste les indications hématologiques. 

Au moment de l’approbation par l’EMA 

  • Dans 58 cas (52,7%) on ne disposait pas de données de qualité de vie. La majorité de ces études (n=33, 57%) concernaient les tumeurs solides, notamment le mélanome et les cancers gastro-intestinaux. 
  • Dans 52 cas on disposait d’études de qualité de vie et celle-ci :
    • Ne variait pas significativement dans 32 (29,1%) cas,
    • S’améliorait dans 20 cas (18,2%). 
    • Aucune détérioration de la qualité de vie n’était enregistrée.  

Trois ans après l’enregistrement,  dans 24 des 58 situations pour lesquelles on ne disposait pas initialement de données de qualité de vie,  celles-ci étaient devenues disponibles dans 24 cas : 10 ne montraient pas de modification significative, 14 démontraient une amélioration significative et aucune n’a montré de détérioration.  

Finalement, au moment de l’enregistrement 

  • Dans 13,6% des cas la qualité de vie et la survie étaient l’une et l’autre améliorées. 
  • Et dans 19,1 % des cas la qualité de vie n’était pas augmentée mais la survie l’était.

Et après l’enregistrement

  • Dans 23,6% des cas la qualité de vie et la survie étaient l’une et l’autre améliorées. 
  • Et dans 25,5 % des cas la qualité de vie n’était pas augmentée mais la survie l’était.

Ces résultats incitent les auteurs à conseiller une amélioration urgente des évaluations (et des réévaluations) des médicaments avant d’autoriser (ou de poursuivre) leur remboursement dans un contexte où les ressources économiques sont limitées. 

Cette étude nous amène à 3 commentaires :

  1. Certes la survie et de loin le meilleur critère de jugement mais elle a des limites. Ce sont toutes les études ou l’autorisation d’un crossover, souvent pour des raisons éthiques peu discutables, permet de « rattraper »  le bras standard. Souvenons nous des études qui comparaient les inhibiteurs de la tyrosine kinase de l’EGFR à la chimiothérapie, elles ne démontraient pas de gain de survie et pourtant qui nierait maintenant la supériorité de ces traitements en première ligne ? De plus nulle part n’est fait mention dans cette étude de la nécessité de quantifier le gain de survie car plus il est important, plus l’enregistrement est justifié.
  2. Est-il incontestable que pour qu’un traitement anticancéreux soit reconnu comme utile, il faut non seulement qu’il prolonge la vie mais aussi qu’il améliore (ou au moins n’aggrave pas) la qualité de vie ?  Bien des malades sont  prêts à subir une détérioration de la qualité de vie temporaire pour bénéficier d’une survie plus longue. Qui peut nier par exemple que, même si la chimiothérapie péri-opératoire dégrade la qualité de vie, beaucoup de malades sont prêts à le supporter pour vivre plus longtemps. 
  3. Enfin pourquoi limiter ce propos à l’oncologie ?  Il y a beaucoup d’autres domaines ou des médicaments sont enregistrés sans que les autorités disposent d’études de qualité de vie. A un moment où beaucoup de malades sont traités par immunothérapie ou thérapeutiques ciblées qui altèrent beaucoup moins la qualité de vie que la chimiothérapie pourquoi imposerai-t-on aux études conduites avec les anticancéreux l’obligation de démontrer une amélioration ou au moins une non détérioration de la qualité de vie alors qu’on ne l’exige pas dans d’autres domaines ? 

 

Reference

Publicly accessible evidence of health-related quality of life benefits associated with cancer drugs approved by the European Medicines Agency between 2009 and 2015.

Grössmann N, Robausch M, Rothschedl E, Wild C, Simon J.

Eur J Cancer  2020; 129 : 23-31

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Thématiques : Épidémiologie, Prévention
Revue : British Journal of Cancer