Journal of Clinical Oncology

Soins palliatifs immédiats ou retardés ?

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
mai 2015

Traitement des stades IV, Qualité de vie / Soins palliatifs

L’étude de Témel et al (Temel JS N Engl J Med 2010; 363 : 733-42) a montré il y a 5 ans que les soins palliatifs précoces améliorent la qualité de vie et prolongeaient même la durée de vie des patients atteints de cancer broncho-pulmonaire métastatique aux Etats Unis (/prev-em-onco/2722, /prev-em-onco/2129).

Voici une autre étude randomisée dans laquelle 207 patients ont été randomisés pour recevoir soit des « soins palliatifs précoces » avec une consultation et plusieurs réunions de coaching avec des infirmières spécialisées, soit ces mêmes soins 3 mois plus tard.

L’objectif principal était la qualité de vie et le calcul des effectifs nécessaires  avait montré qu’il fallait 360 patients pour avoir 80% de chances de détecter une différence à trois mois de 6 points dans une échelle de qualité de vie (FACIT-Pal) qui évalue des critères physiques, émotionnels, sociaux et de bien-être, et une différence de 2,5 points dans une échelle évaluant la dépression (CES-D).

Le taux de survie à un an était un objectif secondaire.

Finalement les inclusions ont été interrompues à 207 patients au lieu de 360 dont plus de 40% de cancer broncho-pulmonaire Cet arrêt précoce était lié à une lenteur d’inclusion puisqu’à cette date la totalité des patients prévus aurait du être incluse;  l’objectif principal était à l’époque considéré comme atteint.

Les consultations de soins palliatifs précoces et tardives ont eu lieu dans les deux groupes dans 66% des cas. En ce qui concernait les réunions de coaching avec des infirmières : 88 % des patients du groupe soins palliatifs précoces et 69% du groupe tardif ont participé à ces réunions.

Aucune différence significative n’a été objectivée en ce qui concerne les échelles de qualité de vie. 

La médiane de survie a été de 18,3 mois dans le groupe soins palliatifs précoces et de 11,8 mois dans le groupe tardif. Globalement il n’y avait pas de différence significative mais les taux de survie à un an différaient significativement (63 vs 48%).

Les durées de séjour hospitalier et en soins intensifs, les consultations aux urgences et les taux de décès à domicile ne différaient pas significativement. Les taux d’utilisation de la chimiothérapie dans les deux dernières semaines ne différaient pas non plus.

Cette étude est donc globalement négative sur l’objectif principal. Elle montre par ailleurs une différence de survie à un an qui est significative comme dans l’étude de Temel.  Il est possible que cette prise en charge précoce suffise à expliquer cette différence de survie à un an même si on peut avoir un peu de mal à comprendre comment une consultation et quelques séances de coaching peuvent être responsables d’un tel bénéfice.  Il faut alors penser que dans le bras où les soins palliatifs sont différés, aucune prise en charge symptomatique n’était offerte.

Attention aussi au fait que,  même si aucune différence concernant les caractéristiques des patients n’est significative, certaines différences non significatives peuvent peut-être également expliquer au moins en partie cette différence de survie : on notera par exemple que la maladie était considérée en progression chez 35% des patients ayant des soins retardés contre seulement 26% de ceux qui avaient des soins précoces.

Quoiqu’il en soit, une prise en charge palliative précoce des cancers avancés telle qu’elle est préconisée par l’ASCO doit rester un standard.

Reference

Early Versus Delayed Initiation of Concurrent Palliative Oncology Care: Patient Outcomes in the ENABLE III Randomized Controlled Trial.

Bakitas MA, Tosteson TD, Li Z, Lyons KD, Hull JG, Li Z, Dionne-Odom JN, Frost J, Dragnev KH, Hegel MT, Azuero A, Ahles TA.

J Clin Oncol 2015; 33 : 1438-45

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