New England Journal of Medicine

Osimertinib en adjuvant : premiers résultats publiés de l’étude ADAURA

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
octobre 2020

Thérapeutique ciblée, Traitement péri-opératoire, EGFR

Nous avons plusieurs fois sur ce site commenté les résultats de plusieurs études explorant les traitements adjuvants par inhibiteur de la tyrosine kinase de première ou deuxième génération de patients opérés d’un cancer bronchique non à petites cellules : il s’agissait notamment  d’études de phase II comme l’étude SELECT menée avec de l’ erlotinib chez des patients mutés de stade de  stades I à IIIA (cliquer ici) ou comme l’étude EVAN (cliquer ici) menée avec de l’erlotinib chez des patients opérés d’un stade IIIA-N2 et de deux importantes études de phase III : 

  • l’étude  RADIANT menée avec de l’erlotinib chez 973 patients exprimant l’EGFR dont seulement 161 avaient une mutation (cliquer ici). Cette étude était globalement négative mais la survie sans maladie DFS) était de 48 mois chez les mutés traités par erlotinib vs  28 mois chez les patients traités par un placebo. 
  • Et l’étude ADJUVANT/CTONG1104 (cliquer ici) dans laquelle les patients atteint d’un cancer bronchique non à petites cellules avec une mutation usuelle de l'EGFR de stade II ou IIIA étaient randomisés pour recevoir soir du gefitinib pendant deux ans, soit une chimiothérapie adjuvante par cisplatine et vinorelbine. L'objectif principal était la DFS et cet objectif a été atteint puisque la DFS était significativement supérieure dans le bras expérimental (HR = 0,60 (0,42-0,87). 

Dans un contexte récent où, dans les cancers bronchiques non à petites cellules de stade IV avec mutation activatrice de l'EGFR, l’osimertinib était démontré par l’étude FLAURA comme nettement plus efficace et moins toxique en première ligne que le gefitinib ou  l’erlotinib  (cliquer ici) (et ici) on attendait avec beaucoup d’impatience la publication des résultats (déjà rapportés en partie à l’ASCO) de l’étude randomisée de phase III internationale et à promotion industrielle ADAURA. 

Cette étude, menée en double aveugle,  s’adressait à des patients opérés d’un cancer bronchique non à petites cellules de stade pIB, pII ou pIIIA er R0, avec une mutation activatrice de l'EGFR (délétion de l’exon 19 ou mutation L858R isolées ou associées à une autre mutation)  et ayant éventuellement reçu une chimiothérapie adjuvante. Les patients étaient randomisés pour recevoir pendant 3 ans soit 80 mg d’osimertinib, soit un placebo. Ils étaient stratifiés sur le stade, le type de mutation et l’origine ethnique (asiatique ou non). 

L'objectif principal était la DFS (appréciée par les investigateurs) des patients opérés d’un cancer de stades II et IIIA. Les objectifs secondaires étaient la DFS des stades IB, II et IIIA, la survie, la qualité de vie, et la toxicité. Il est précisé dans l’article que les effectifs de l’essai n’avaient pas la puissance nécessaire à l’étude de la survie globale. La première analyse d’efficacité qui était planifiée en février 2022 a été finalement avancée à janvier 2020. 

Résultats

De 2015 à 2019, 682 patients ont été randomisés. La majorité des patients avaient un adénocarcinome et étaient non-fumeurs et 64% étaient d’origine asiatique. La répartition des patients par stade était à peu près égale (stade IB (32%), stade II (34%) et IIIA (34%)). Les ¾ des patients de stades II et IIIA et ¼ des patients de stade IB ont reçu une chimiothérapie adjuvante. Les caractéristiques des patients des deux groupes étaient bien réparties. Pour l’ensemble des patients la durée médiane du traitement était de mois 22,5 dans le groupe osimertinib et de 18,7 mois dans le groupe placebo. 

Parmi les 470 patients atteints d’un cancer de stade II ou IIIA, avec un suivi médian de 22,1 mois dans le groupe osimertinib et de 14,9 mois dans le groupe placebo, 26 événements (récidive ou décès) ont été observés dans le bras osimertinib et 130 dans le bras placebo. Les principaux résultats sont résumés sur le tableau ci-dessous : 

 

Osimertinib

Placebo

p

Stades II et IIIA

DFS à 2 ans (%)

90 (84-93)

44 (37-51)

 

DFS médiane (mois)

NA

19,6

 

HR de DFS  (99%CI)

0,17 (0,11-0,26)

<0,001

Stades IB,  II et IIIA 

DFS médiane (mois)

NA

27,5

 

HR de DFS  (99%CI)

0,20 (0,14-0,30)

<0,001

Le bénéfice de l’osimertinib était observé pour toutes les catégories de patients , y compris les stades IB (HR = 0,39 (0,18-0,76)),  les non asiatiques (0,15 (0,07-0,28)) et que les malades aient ou non reçu une chimiothérapie adjuvante. 

Une réduction du nombre de récidives était observée quel que soit le site de récidive :

  • Des récidives locorégionales isolées sont survenues chez 7% des patients du bras osimertinib et chez 18% des patients du bras placebo. 
  • Des récidives métastatiques isolées ou non sont survenues chez 4% des patients du bras osimertinib et chez 28% des patients du bras placebo. 
  • Et surtout  des récidives ou des décès liés à des métastases cérébrales  sont survenues chez 2% des patients du bras osimertinib et chez 11% des patients du bras placebo. Ainsi à 2 ans, 98% des patients du bras osimertinib et 85% du bras placebo étaient vivants sans métastase cérébrale. 

A la date de point, 9 patients du bras osimertinib et 20 du bras placebo sont décédés. 

Des effets adverses ont été rapportés chez 98% des patients du bras osimertinib et 89% du bras placebo. Il s’agissait surtout d’effets de grade 1 et 2 ou rarement 3. Aucun évènements secondaires de grade 4 ou 5 n’a été rapporté. Il s’agissait des effets habituellement décrits sous osimertinib. Dix et 0 cas de pneumopathie interstitielle ont été décrits. 

Actuellement 90% des patients de stade II et IIIA du bras osimertinib sont vivants sans récidive à 24 mois et seulement 44% des patients du bras placebo. 

Cette différence qui est observée pour tous les sous-groupes de patients, parait pour l’instant bien plus importante que celle qui était attendue initialement : au début de l’essai, l'objectif principal était la DFS de l’ensemble des malades qui devait passer de 46 à 66 mois. L’amplitude de ce bénéfice devra être confirmé avec un suivi plus long même s’il est probable qu’il reste très important. 

Les données de survie ne sont pas matures mais il est également probable qu’un bénéfice de survie soit démontré ultérieurement à moins que le grand nombre de patients qui vont probablement recevoir un inhibiteur de la tyrosine kinase à la progression dans le bras standard empêche d’objectiver ce bénéfice. Quoi qu’il en soit, ce retard à la progression est déjà un étément très important : notamment réduire  à deux ans le pourcentage de métastases cérébrales de 11% à 2% est déjà un bénéfice majeur qui devrait suffire à proposer dès maintenant ce traitement à nos malades.

Enfin un point reste inexpliqué, la très mauvaise DFS des patients du bras placebo. Dans cet essai qui compte un tiers de patients de stade IB, II et IIIA traités par chirurgie et éventuellement chimiothérapie adjuvante,  la survie sans maladie médiane n’est que de 27,5 mois alors que dans l’essai MAGRIT qui est le dernier essai adjuvant de grande ampleur, elle était de 57,9 mois. Il est vrai que cet essai comptait davantage des cancers de stades IB que l’essai ADAURA (46% vs 32%). 

On pourrait imaginer que les modalités de la surveillance puisse  jouer un rôle, en faisant l’hypothèse que les malades que l’investigateur devinerait être dans le bras placebo seraient mieux suivis et donc qu’une récidive puisse être détectée plus tôt ? Le protocole précise que seul le scanner thoraco-abdominal doit être effectué à rythme régulier et il n’y avait pas de surveillance systématique de l’encéphale. Mais, même si c’était le cas, Il est difficile de supposer qu’une hypothétique meilleure surveillance cérébrale suffisent à expliquer une telle différence.

Il est vraisemblable que le fait de sélectionner des malades qui présentent des mutations de l’EGFR puisse expliquer cette DFS inférieure à celle des non mutés,  si on admet que ces malades récidivent plus vite. En faveur de cette hypothèse, il est frappant de constater que la DFS médiane des 59 patients mutés EGFR traités par placebo dans l’étude RADIANT (cliquer ici) était extrêmement proche à 25,8 mois.  

Reference


Osimertinib in Resected EGFR-Mutated Non-Small-Cell Lung Cancer.

Wu YL, Tsuboi M, He J, John T, Grohe C, Majem M, Goldman JW, Laktionov K, Kim SW, Kato T, Vu HV, Lu S, Lee KY, Akewanlop C, Yu CJ, de Marinis F, Bonanno L, Domine M, Shepherd FA, Zeng L, Hodge R, Atasoy A, Rukazenkov Y, Herbst RS; ADAURA Investigators.

N Engl J Med. 2020 Sep 19. Online ahead of print.

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