Journal of Thoracic Oncology

Facteurs associés à la survenue d’effets neurocognitfs sous Lorlatinib

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
janvier 2023

Thérapeutique ciblée, ALK, Effets secondaires des médicaments

Probablement parce qu’il a une capacité importante à pénétrer la barrière cérébro-méningée et à s’accumuler dans l’encéphale, ce qui explique son excellente activité sur les métastases cérébrales (cliquer ici) (et ici), le lorlatinib a des effets secondaires  neurocognitifs qui le distingue des autres anti-ALK. Ces effets sont maintenant bien connus mais les éventuels  facteurs favorisant leur survenue  le sont beaucoup moins.

Pour tenter de préciser ces facteurs, les auteurs de cet article ont travaillé sur deux cohortes :

  • Une première cohorte est composée de 124 patients ayant reçu du lorlatinib pour un cancer bronchique non à petites cellules métastatique avec un réarrangement ALK ou ROS1 au Massachusetts General Hospital (MGH) entre octobre 2014 et décembre 2020. Tous étaient traités après échec d’un autre anti-ALK dans le cadre d’essais thérapeutiques prospectifs. 
  • Une deuxième cohorte de 248 patients inclus dans une étude de phase I/2 mondiale, l’étude de  B7461001, menée en deuxième ligne chez des patients également atteints de cancer bronchique non à petites cellules métastatique avec un réarrangement ALK ou ROS1

Tous les patients de la première cohorte ont été traités à la dose initiale de 100 mg par jour après progression sous un autre inhibiteur de la tyrosine kinase anti ALK. Dans cette cohorte, 91 (73%) patients avaient un réarrangement ALK et 33 (27%)  un réarrangement ROS1. L’âge médian des patients de cette cohorte était de 56 ans et la majorité des tumeurs 97 % étaient des adénocarcinomes. La grande majorité des patients (83 %) avaient des métastases cérébrales initiales, 51 % avaient reçu antérieurement une radiothérapie cérébrale et 3% avaient été opérés pas neurochirurgie.  La durée médiane de suivi après le début du traitement par lorlatinib était de 6,2 mois.

Tous les patients de la seconde cohorte ont aussi été traités à la dose initiale de 100 mg par jour également après progression sous un autre inhibiteur de la tyrosine kinase anti ALK. Il y avait  212 (85%) patients avec un réarrangement ALK et 36 (15%) un réarrangement ROS1. La majorité des patients (65 %) avaient des métastases cérébrales initiales, 40 % avaient reçu antérieurement une radiothérapie cérébrale et également 3% avaient été opérés pas neurochirurgie.  La durée médiane de suivi après le début du traitement par lorlatinib était de 6,9 mois.

 

Effets cognitifs

Dans la cohorte du MGH 40% des  patients ont développé des effets cognitifs sous lorlatinib et aucun facteur n’a été significativement lié à la survenue de ceux-ci. Dans la cohorte  B7461001, les effets cognitifs étaient moins nombreux à 29% mais plusieurs facteurs étaient significativement liés à la survenue de ces effets : métastases cérébrales, radiothérapie cérébrale, maladie psychiatrique antérieure, traitements psychotropes, antiépileptiques et stimulants. 

Le traitement a été interrompu chez 26 des 50 patients (52%) de la cohorte du Massachusetts General Hospital et 14 des 72 (19%) de la cohorte  B7461001 et une réduction des doses a été nécessaire pour 54% et 17% des malades de ces deux cohortes. Ces mesures ont diminué ces effets chez 96% et 75% des malades des deux cohortes mais ces symptômes ont persisté chez les autres. 

Effets sur l’humeur

Chez les 124 patients de la série du MGH, 45 (36%)  ont eu des effets sur l’humeur et des antécédents psychiatriques et la prise concomitante de médicaments stimulant étaient associés avec ces troubles. Dans la cohorte  B7461001, 58 (23%) des patients ont eu des troubles de l’humeur. Ces troubles n’étaient pas liés aux deux facteurs précédents mais aux antécédents de neurochirurgie et à l’utilisation de médicaments psychotropes au début du traitement. 

Le traitement a été interrompu ou réduit chez 21 patients de la cohorte du Massachusetts General Hospital et 19 des patients de la cohorte  B7461001. Ces modifications ou arrêt ont diminué ces effets dans la plupart des cas. 

Effets psychotiques 

Ces effets ont été observés chez 4 (3%) et 22 (9%) des patients des deux cohortes. Dans la première la neurochirurgie antérieure était un facteur favorisant et l’âge l’était dans la deuxième. En revanche ni les antécédents psychiatriques ni  la prise de médicaments psychotropes n’étaient liés à ces événements. L‘arrêt du traitement ou la diminution des doses a été proposé aux 4 patients du MGH. Les symptomes se sont améliorés mais n’ont pas disparu notamment les hallucinations.  Les mêmes mesures ont été prises chez 10 malades de la cohorte  B7461001 dont l’évolution n’est pas précisée. 

Troubles du langage

Ces troubles ont concerné 28 (23%) et 27 (11%) des patients des deux cohortes. Dans la cohorte du MGH aucun facteur n’était prédictif de la survenue de ces troubles de la parole. En revanche une radiothérapie cérébrale préalable ou l’usage préalable d’anti épileptiques était associés à une plus grande fréquence de ces troubles dans la cohorte B7461001. La réduction des doses ou l’arrêt du traitement  a été proposée à tous les patients du MGH et seulement à un patient de la cohorte B7461001. L’amélioration a été observée chez tous. 

Les limitations essentielles de cette étude sont liées au fait que, bien que ces  cohortes aient été constituées de façon prospective, l’analyse de la toxicité neurocognitive qui en a été faite est rétrospective ce qui sous-entend qu’il y a certainement des différences de recueil de données et de conduite à tenir (par exemple on ignore quelles étaient les raisons de l’arrêt ou de la réduction des doses dont la gestion semble différente dans ces deux cohortes) et probablement aussi un certain nombre de données manquantes. On peut regretter aussi que les auteurs aient choisi de juxtaposer les résultats des deux études plutôt que d’en effectuer une analyse poolée des résultats portant sur plus de 350 patients. Retenons cependant qu’une radiothérapie cérébrale antérieure, les antécédents psychiatriques et l’usage de médicaments psychotropes semblent bien représenter des facteurs de risque. 

 

Reference

Factors Associated With Developing Neurocognitive Adverse Events in Patients Receiving Lorlatinib After Progression on Other Targeted Therapies 

Dagogo-Jack I, Abbattista A, Murphy JF, Krulewicz S, Do A, Peterson J, Lin JJ, Gainor JF, Messina R, Krueger EA, Thurm H, Yeap BY. 

J Thorac Oncol. 2023 Jan;18 : 67-78

484 lectures

Coup de ♥ du mois

Risque de cancer du poumon chez les mineurs exposés à de faible taux de radon

novembre 2015

Si les données concernant les expositions à de fortes concentrations de radon sont bien connues,...

Lire la suite
Thématiques : Épidémiologie, Prévention
Revue : British Journal of Cancer