Clinical Lung Cancer

Faut-il reprendre l’immunothérapie après un effet secondaire immunomédié ?

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
décembre 2022

Immunothérapie, Effets secondaires des médicaments

Les effets secondaires immunomédiés sous traitement par inhibiteurs de point de contrôle immunitaire sont rares mais peuvent être suffisamment graves pour conduire à l’arrêt au moins transitoire du traitement. Leur prise en charge est relativement bien codifiée notamment au travers des guidelines des sociétés savantes et il est généralement recommandé de réinstaurer l’immunothérapie lorsque la sévérité de l’effet secondaire est de nouveau inférieur ou égal à 1. Néanmoins, la reprise du traitement peut représenter un risque de récidive qui conduit bien souvent les cliniciens à choir d’autres options thérapeutiques lorsque cela est possible. Le bénéfice de la réinstauration du traitement fait d’ailleurs débat dans la mesure où de nombreux essais ont montré que le devenir des patients chez lesquels le traitement avait été arrêté pour toxicité, est finalement meilleur que pour les patients en ITT, faisant émettre l’hypothèse que ces toxicités sévères seraient le reflet d’un système immunitaire particulièrement efficace.  

L’étude rapportée ici compare le devenir des patients qui ont été traités à nouveau par immunothérapie versus ceux qui n’ont pas été « rechallengé », après une toxicité sous immunothérapie ayant conduit à l’arrêt du traitement. Il s’agit d’une étude rétrospective mono centrique qui a comparé les patients traités (par anti PD1, anti PDL ou anti CTLA4 en monothérapie ou en association) entre janvier 2015 et décembre 2020. L’identification des patients a été possible via le dossier pharmaceutique sur la base de l’interruption du traitement. Seules les interruptions pour toxicités sont sélectionnées.  

Au total ce sont 1051 patients consécutifs de stades IV qui ont été sélectionnés, dont 99 (9.4%) patients ont interrompu le traitement pour toxicité (de grade 2 ou plus) et sont donc inclus dans cette analyse. Parmi ces 99 patients, 40 (41.4%) ont été de nouveau exposés à une immunothérapie (groupe « rechallenge »), tandis que 59 (59.6%) non pas été réexposés (groupe « interruption »). Les caractéristiques cliniques de ces deux groupes sont comparables mais il y a significativement plus de patients traités par IO en première ligne (versus 2eme ligne ou au-delà) dans le groupe re-challenge par rapport aux patients du groupe « interruption » (75.0% vs. 55.9%, p = 0.05). 

Parmi les 40 patients qui avaient été réexposés, l’iO avait été interrompue en raison d’une progression du cancer chez 6 patients (15%), et en raison de toxicité chez 34 patients (85%). Deux patients initialement traités nivolumab + ipilimumab ont été rechallengé par nivolumab monothérapie. A noter que 3 patients (7.5%) étaient sous corticoïdes au moment du rechallenge.  La moitié (n=20) des patients ont développé de nouveau une toxicité de grade supérieure ou égale à 2 (mais sans toxicité de grade 4 rapportée). Dans deux tiers des cas, il s’agissait du même effet secondaire que lors de la première exposition, et dans 1 tiers il s’agissait d’une nouvelle toxicité. 

En termes d’efficacité, après un suivi médian de 572 jours, la différence de survie entre les deux groupes n’était pas significative (p=0.29), tandis que la PFS dans le groupe « rechallenge » semblait significativement meilleure (p=0.02) mais cela ne ressort pas en analyse multivariée (HR: 0.87, 95% CI: 0.45-1.71, p=0.69). La seule variable qui ressort comme facteur prédictif d’une meilleure efficacité en rechallenge est le type de réponse obtenue lors de la première exposition (les patients ayant présenté une CR ou PR avaient la meilleure PFS (HR: 0.37, 95% CI; 0.19-0.73, p=0.004) et la meilleure OS (HR: 0.45, 95%CI: 0.23-0.87, p= 0.02) par rapport aux patients n’ayant présenté qu’une stabilité ou une progression (ou réponse inconnue). Néanmoins parmi les 44 patients qui avaient une CR ou PR durant la première exposition, il n’est pas noté de différence en PFS ou OS (p= 0.10 et p= 0.84, pour la PFS et l’OS, respectivement) entre le groupe « rechallenge » et le groupe « interruption ». De la même façon, parmi les 55 patients qui n’ont eu qu’une progression ou une stabilité, les PFS et OS sont identiques dans les deux groupes.   

Il s’agit d’une étude rétrospective avec les réserves qui s’imposent. Ainsi, il y a moins de toxicités pulmonaires dans le groupe rechallenge par rapport au groupe interruption. De la même façon, les toxicités cardiaques et neurologiques ne sont généralement pas rechallengées. 

Le taux de récidive des effets secondaires est similaire à ce qui est habituellement rapporté dans la littérature (environ un patient sur deux) avec le plus souvent la même toxicité mais un nouvel effet secondaire dans un cas sur 3 ce qui impose de rester prudent même si la première toxicité était jugée peu dangereuse. Néanmoins, le taux de toxicité de grade 3 n’était pas plus élevé en rechallenge que lors de la première exposition. Les auteurs concluent donc que le rechallenge est une option acceptable sous surveillance attentive. Néanmoins son intérêt reste difficile à établir avec certitude dans la mesure où il n’est pas retrouvé de différence en terme de PFS ou OS entre les deux groupes. En pratique, il semble surtout intéressant de challenger dans des situations d’impasse thérapeutique, et idéalement après validation en RCP.

 

 

 

 

 

Reference

Immune Checkpoint Inhibitor Rechallenge Safety and Efficacy in Stage IV Non-Small Cell Lung Cancer Patients After Immune-Related Adverse Events. 

Guo M, VanderWalde AM, Yu X, Vidal GA, Tian GG. 

Clin Lung Cancer 2022; 23 : 686-693

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