L’association d’une chimiothérapie à un inhibiteur de la tyrosine kinase de l’EGFR a été étudiée dès les premiers développements des inhibiteurs de la tyrosine kinase notamment durant ces dernières années en associant par exemple au gefitinib une chimiothérapie par pemetrexed ou même une bithérapie par pemetrexed et carboplatine.
Nous avons par exemple commenté il y a 3 ans sur ce site une importante étude de phase II randomisée industrielle et multicentrique menée en Asie (cliquer ici) dans laquelle lespatients atteints de cancer bronchique non à petites cellules non épidermoïde de stade IV avec une mutation activatrice de l’EGFR étaient randomisés sur un mode 2/1 pour recevoir soit du gefitinib exclusivement à 250 mg/jsoit ce même traitement associé à du pemetrexed à 500 mg/m2 tous les 21 jours. La survie sans progression était significativement augmentée et ceci aussi bien qu’il s’agisse d’une délétion de l ‘exon 19 ou d’une mutations L858R de l’exon 21. Il était intéressant de constater que les courbes de PFS étaient superposées pendant les 7-8 premiers mois puis s‘écartaient franchement ensuite. Les données de survie de cette étude qui avait inclus près de 200 malades n’étaient à l ‘époque pas matures.
Nous avons commenté également sur ce site il y a plus de 4 ans une étude de phase II japonaise (cliquer ici) qui comparaitune association concomitante (gefitinib à 250 mg quotidiennement et chimiothérapie par carboplatine (AUC 6), et pemetrexed (500 mg/m2), à J1, répétée toutes les 3 semaines) ou séquentielle (8 semaines de gefitinib puis 2 cycles de cette même chimiothérapie) de gefitinib et d’une chimiothérapie par carboplatine et pemetrexed. La médiane de survie du bras concomitant était très nettement supérieure à celle du bras séquentiel.
A la suite de ces résultats plusieurs études prospectives comparant un bras concomitant au seul gefitinib ont été entreprises, dont cette étude de phase III dont les résultats viennent de paraitre dans le Journal of Clinical Oncology. C’est une étude académique indienne dans laquelle étaient inclus des patients présentant un cancer bronchique non à petites cellules de stade étendu ou métastatique avec une mutation de l’EGFR (19, 21 ou 18) et un PS de ≤ 2. Ils étaient randomisés sur un mode 1/1 pour recevoir :
- Soit du gefitinib (250 mg quotidiennement) et une chimiothérapie par 4 cycles de carboplatine (AUC 5), et pemetrexed (500 mg/m2), à J1, répétée toutes les 3 semaines suivis par une maintenance de pemetrexed aux mêmes doses.
- Soit du gefitinib (250 mg quotidiennement).
Ils étaient stratifiés selon le type de mutation et le PS.
L'objectif principal était la survie sans progression appréciée par les investigateurs. Le but était de faire passer celle-ci de 10 à 15 mois.
Les objectifs secondaires étaient la survie globale, les taux de réponse, la toxicité et la qualité de vie.
Entre août 2016 et août 2018 350 patients ont été recrutés et 174 ont été traités dans le bras expérimental et 176 dans le bras standard. Les caractéristiques des patients des deux groupes étaient bien réparties. Au total, 21 % des patients avaient un PS à 2 et 18 % des métastases cérébrales. La durée médiane de suivi était de 17 mois.
Dans le bras expérimental 139 (80 %) des patients ont reçu les quatre cycles qui était prévus, 14, 5 et 11 n’ont reçu que 3, 2 ou 1 cycles. Par ailleurs 13 % des patients ont eu une réduction de doses. La majorité (79 %) de ces patients ont commencé un traitement de maintenance avec un nombre médian de cycle élevé à 11. Dans ce bras, la durée médiane du traitement par gefitinib était de 327 jours.
Dans le bras contrôle, la durée médiane de traitement était de 262 jours.
Le tableau ci-dessous résume les principaux résultats :
| Gefitinib +CT | Gefitinib | p |
Réponses (%) | 75,3 | 62,5 | 0,01 |
PFS médiane (mois) | 16 | 8 | |
HR de PFS | 0,51 (0,39-0,66) | <0,001 |
Survie médiane (mois) | NA | 17 | |
Taux de survie à 18 mois | 74,3 | 48,7 | |
HR de survie | 0,45 (0,31-0,65) | <0,001 |
Toxicités de grade ≥3 (%) | 75 | 49,4 | <0,001 |
On voit sur ce tableau que les taux de réponses, la survie sans progression et la survie globale étaient significativement supérieurs dans le bras associant une chimiothérapie au gefitinib. Dans une analyse exploratoire, le bénéfice du traitement expérimental était observé quel que soit l’âge, le sexe, le PS, le type de mutation et la présence ou non de métastases cérébrales.
Cette étude de phase III dont la méthodologie est bonne apporte avec un niveau de preuve élevé d’importants arguments en faveur de la supériorité de l’association chimiothérapie-gefitinib sur le seul traitement par gefitinib. Nous ne pensons pas en revanche, contrairement aux auteurs, que l’association gefitinib-pemetrexed-carboplatine puisse devenir un nouveau standard de première ligne pour les patients qui présentent un cancer bronchique non à petites cellules avec mutation activatrice de l'EGFR. En effet, l’osimertinib en monothérapie dans l’étude FLAURA (cliquer ici) permet d’obtenir une survie sans progression de 18,9 mois (comparativement à 16 mois) avec une toxicité de grade ≥3 nettement inférieure 34% (vs 75%) … Ce qui justifie son AMM en première ligne. C’est donc maintenant à l’osimertinib que doivent se comparer les associations de chimiothérapie et d’inhibiteur de la tyrosine kinase de l’EGFR.
Reference
Gefitinib Versus Gefitinib Plus Pemetrexed and Carboplatin Chemotherapy in EGFR-Mutated Lung Cancer.
Noronha V, Patil VM, Joshi A, Menon N, Chougule A, Mahajan A, Janu A, Purandare N, Kumar R, More S, Goud S, Kadam N, Daware N, Bhattacharjee A, Shah S, Yadav A, Trivedi V, Behel V, Dutt A, Banavali SD, Prabhash K.
J Clin Oncol2019 Aug 14. [Epub ahead of print]