Journal of Clinical Oncology

Immuno-chimiothérapie néoadjuvante : quelles sont les données actuelles ?

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
août 2022

Immunothérapie, Traitement péri-opératoire, Traitement des stades III

Le traitement du cancer bronchique non à petites cellules de stade précoce connait des (r)évolutions depuis l’arrivée des inhibiteurs de point de contrôle immunitaires dans cette situation de tumeur opérable. Les essais péri-opératoires en monothérapie ou en association avec la chimiothérapie montrent tous un bénéfice par rapport à la prise en charge habituelle (standard of care). Néanmoins de nombreuses interrogations subsistent à ce jour quant à la sélection des patients, le choix des marqueurs d’efficacité, le meilleur timing pour administrer le traitement…

La publication de Passaro et al. rapporte le cas d’un homme de 62 ans sans comorbidités majeures, avec un diagnostic d’adénocarcinome bronchique peu différencié classé cT1cN2 avec un ganglion 4R prouvé histologiquement. Le patient a finalement été traité par chimiothérapie néoadjuvante mais le cas est l’occasion de discuter des stratégies actuelles potentiellement applicables en de telles situations.

La meilleure place de l’immunothérapie en périopératoire reste inconnue. Sur modèles murins, l’administration en néo adjuvant apparait supérieure en termes d’efficacité par rapport à l’adjuvant. Le rationnel semble effectivement simple à concevoir, la tumeur (et donc les néo antigènes) sont toujours en place et stimulent le système immunitaire, lequel est « intact » non impacté par la période de convalescence post opératoire ni par les traitements antalgiques (rôle immunomodulateur de la morphine notamment). Le doute qui pouvait exister sur le marqueur d’efficacité choisi dans les essais néoadjuvants semble en passe d’être dissipé. Toutes les études ont pris comme objectif principal la réponse histologique obtenue par le traitement d’induction, anticipant que ce marqueur de substitution serait avec l’immunothérapie, corrélé à la survie, comme cela a été démontré avec la chimiothérapie. Ceci est resté longtemps un postulat mais semble se confirmer sur les dernières données, à partir des analyses de l’essais IFCT IONESCO d’abord, puis plus récemment à partir des données de l’essais CheckMate 816. Dans les récents  résultats de NADIM 2 (cliquer ici) présentés au WCLC 2022, il n’y actuellement (après un suivi médian de 26.1 mois) aucune rechute chez les patients ayant obtenu une réponse pathologique majeure après le traitement néoadjuvant. On peut donc raisonnablement penser que le bénéfice histologique obtenu par le traitement en néoadjuvant va se traduire en survie.

Dans un contexte adjuvant, seule la survie (sans évènement, sans récidive, globale…etc…) peut servir d’objectif principal. Mais à ce jour, seules les données de survie sans évènement ou de survie sans rechute sont disponibles, et là encore, on ne peut qu’espérer que ce bénéfice se traduise à terme en survie globale. Ceci semble le cas, du moins lors de l’analyse intermédiaire de l’OS de IMPower 010 présentée en présidentiel au WCLC 2022. On note un bénéfice de survie globale à ce stade pour les patients PDL1>50%. 

Une différence majeure entre les deux stratégies péri-opératoires réside dans le nombre de cures administrées au patient. En adjuvant, le traitement est administré à tout le monde pour une durée planifiée de 1 ans. Le risque de toxicité est relativement élevé pour un certain nombre de patients que l’on peut considérer comme guéris par la chirurgie. On comprend alors le besoin ressenti par les cliniciens de pouvoir identifier les patients qui en tirent réellement un bénéfice et surtout les patients qui pourraient en faire l’économie. Des stratégies basées sur l’ADNt circulant post opératoire pour sélectionner les patients à traiter sont à l’étude mais non validées à ce jour. Par ailleurs, la sélection des patients sur leur statut PDL1 semble hasardeuse dans la mesure où deux essais comparables adjuvants, l’un avec l’atezolizumab, l’autre avec le pembrolizumab, montrent des résultats opposés. Dans IMPower 010 (atezolizumab), seuls les patients PDL1>50% tirent un bénéfice du traitement, alors que dans PEARLS (pembrolizumab), ce sont les patients 1-49% qui tirent le bénéfice, pas les >50%.

La question de la toxicité et de la sélection des patients se pose également en néoadjuvant, la crainte étant que la toxicité éloigne le patient de la chirurgie. Les données de CheckMate 816 dans son aspect technique chirurgical étaient toutefois rassurantes, à la fois en ce qui concerne le nombre de patients réellement opérés après l’induction, le nombre de R0, la qualité du curage, le temps opératoire, les durées d’hospitalisations et les complications per et post opératoires. Cette stratégie nécessitera certainement une courbe d’apprentissage de la part de nos chirurgiens thoraciques (notamment pour ne pas conclure à tort à des progression sous traitement d’induction lorsqu’il ne s’agit que d’un flare ganglionnaire inflammatoire). Dans l’étude de phase II NADIM 2, seuls 7% des patients (pourtant de stades IIIA-B) n’allaient pas à la chirurgie après le traitement néoadjuvant par chimiothérapie et Nivolumab.

En conclusion, l’immunothérapie en péri-opératoire devrait très prochainement faire partie du traitement de nos patients en stades précoces. Les autorités de santé vont certainement nous « aider » à sélectionner les patients (la FDA par exemple a approuvé l’atezolizumab en adjuvant pour le sous-groupe des patients PDL1>1% alors que l’EMA ne le retient que pour les patients PDL1>50%....avant la communication des résultats de PEARLS). C’est toute la question de la valeur des analyses en sous-groupes qui se pose ici.

Reference

Neoadjuvant Chemotherapy Plus Immunotherapy in Early-Stage Resectable Non-Small-Cell Lung Cancer 

Passaro A, Attili I, de Marinis F. J Clin Oncol

2022. Epub ahead of print

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