Journal of Clinical Oncology

Immunochimiothérapie néoadjuvante des patients atteints de CBNPC de stade IIIA-N2. Une nouvelle étude de phase II.

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
août 2021

Immunothérapie, Traitement péri-opératoire, Traitement des stades III

Nous avons commenté sur ce site les résultats de deux études de phase II d’ immunochimiothérapie  néoadjuvante conduites chez des patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules. La première a été menée aux USA chez 30 patients atteints de cancers bronchiques non à petites cellules de stade IB à IIIA (cliquer ici) et la deuxième en Espagne chez 46 patients atteints d’un cancer bronchique non à petites cellules de stade IIIA (cliquer ici). Les résultats de ces études de phase II étaient intéressants et plusieurs autre études sont ont en cours (cliquer ici) et (ici)

C’est le groupe coopérateur SAKK qui a beaucoup travaillé sur le traitement préopératoire par chimiothérapie et radiochimiothérapie des cancers bronchiques non à petites cellules de stade IIIA-N2 qui explore à nouveau ce concept d’immunochimiothérapie préopératoire dans un essai réalisé dans 14 sites suisses. 

Pour être éligibles à cette étude ouverte de phase II, les patients devaient avoir de 18 à 75 ans, un PS à 0 ou 1, un cancer bronchique non à petites cellules histologiquement prouvé de stade IIIA-N2  (T1-3N2M0) dans la 7e classification TNM. Leur bilan devait comporter une TEP-FDG et une IRM cérébrale. L’atteinte ganglionnaire N2 devait être prouvée par EBUS ou médiastinoscopie. Plusieurs chaines ganglionnaires pouvaient être atteintes. 

La chimiothérapie consistait en 3 cycles de cisplatine à 100 mg/m2 et docetaxel à 85 mg/m2 (J1=J22) associés à du GCSF. Deux doses de 750 mg de durvalumab ont été administrées successivement trois semaines après la dernière dose de chimiothérapie, à deux semaines d'intervalle. La chirurgie par lobectomie ou pneumonectomie avec curage ganglionnaire était réalisée 2 à 4 semaines après la réception de la dernière dose de durvalumab. Les patients dont la résection n’était pas complète recevaient une radiothérapie post-opératoire commençant 4 à 6 semaines après la chirurgie. 

Un traitement adjuvant par 750 mg de durvalumab toutes les 2 semaines,  commençant 4 à 6 semaines après la chirurgie,  était administré pendant 26 cycles. 

L'objectif principal était le taux de survie sans événement à 1 an (les événements associaient aux récidives ou aux décès, les progressions selon RECIST 1.1[1] et les deuxièmes tumeurs). Les objectifs secondaires étaient la survie sans événement, la survie globale, le taux de réponse, le taux de réponse complète, le taux de réponse histologique majeure (cliquer ici), le taux de R0, le taux de ypN2 et la toxicité.

Pour objectiver un passage du taux de survie sans événement de moins de 49% (taux estimé de la radiochimiothérapie dans l’essai du SAKK) à plus de  65 %,  il fallait au moins 68 patients. Une analyse intermédiaire était prévue à 25 patients pour suivre la mortalité à 30 jours. 

L’efficacité était appréciée en « full analysis set » (FAS) c'est à dire les patients éligibles qui avaient reçu au moins une dose de chimiothérapie et FAS2 pour les patients les patients éligibles qui avaient reçu au moins une dose de chimiothérapie et d’immunothérapie. 

Résultats

De juin 2016 à janvier 2019, 68 patients ont été inclus. Leur âge moyen était de 61 ans et il y avait 48% de femmes. Leur PS était à 0 (78%) ou 1. Presque tous étaient fumeurs (42%) ou anciens fumeurs (54%). Plus de la moitié avaient un adénocarcinome. L’expression de PD-L1  était ≥1% chez 48% des patients et ≥25% chez 19% des patients. Le T initial était T1 (22%), T2 (49%) ou T3 (28%). 

Au total, 67/68 patients constituaient la population de malades éligibles qui avaient reçu au moins une dose de chimiothérapie (FAS), 60 (90%) patients ont complétement reçu les 3 cycles de chimiothérapie, 62 (93%) ont commencé le durvalumab et 55 (82%) ont été opérés. Ceux qui n’ont pas été opérés l’ont été le plus souvent du fait d’une progression. Parmi les 55 patients opérés, 43 (78%) ont eu une lobectomie, 7 (13%) une bilobectomie et 5 (9%) une pneumonectomie. 

Le taux de mortalité post-opératoire à 30 jours était de 2%. La résection a été jugée R0 chez 51 (93%) patients, R1 chez 3 et R2 chez 1. Six patients ont reçu une radiothérapie adjuvante. Un « downtaging » ganglionnaire a été observé chez 11 (ypN1) et 26 (ypN0) patients. 

Avec une durée médiane de suivi de 28,6 mois, 45 (67%) patients étaient vivants sans récidive et 22 (33%) de la population FAS ont progressé ou sont décédés. Le taux de survie sans événement (EFS) à un an étant de 73% l'objectif principal de l’étude était atteint.  Les autres résultats figurent au  tableau ci-dessous : 

EFS médiane (mois) 

NA

EFS à 1 an et 2 ans (%)

73/68

Survie médiane

NA

Survie à 1 an et 2 ans (%)

91/83

Réponse après chimiothérapie  (N/%) 

29 (43)

Réponse complète  après chimiothérapie  (N/%)

2 (3)

Réponse après immunothérapie  (N/%) 

36 (58)

Réponse complète  après immunothérapie   (N/%)

4 (7)

Progression sous traitement 

7 (11)

Réponse pathologique majeure (%)

34 (62)

Réponse complète histologique (%)

10 (18)

On notera que dans des analyses post-hoc l’EFS, était plus longue chez les patients en réponse pathologique majeure ou complète. On retiendra enfin que l’expression de PD-L1 n’était pas significativement associée avec le taux de réponse pathologique majeure, le « downstaging » ganglionnaire et l’EFS à un an.  

En tout, 59 (88%) patients ont eu un effet adverse de grade ≥3 dont 2 sont décédés. Ces deux décès (une insuffisance respiratoire vraisemblablement par progression et une hémorragie post-opératoire) n’ont pas été considérés comme liés au traitement. 

Cette très belle étude consacrée exclusivement à des patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules N2 suggère non seulement que chez ces patients l’immunochimiothérapie séquentielle néoadjuvante est faisable mais aussi qu'elle ne s’accompagne pas d’un excès de mortalité post-opératoire même lorsqu’on utilise une chimiothérapie d’induction relativement toxique. Elle suggère aussi que cette association soit beaucoup plus active que la seule chimiothérapie et fait de ce fait de ce traitement une voie de recherche prioritaire pour les cancers bronchiques non à petites cellules de stade IIIA-N2. N’oublions pas cependant  que cette étude a été conduite par un groupe coopérateur très habitué à cette problématique dont les investigateurs ont sans doute, comme c’est habituel dans les études de phase II,  sélectionné leurs malades. Il est donc possible que ces résultats ne soient pas reproduits partout si les malades ne sont pas bien sélectionnés ou s’ils sont traités par des équipes moins entrainées à la prise en charge de ceux-ci. 

 

 

[1] Ce qui est différent de la survie sans maladie (DFS) qui prend en compte les  récidives, les décès,  et les deuxièmes tumeurs et de la RFS qui ne prend en compte que les  récidives et les décès.  

Reference

SAKK 16/14: Durvalumab in Addition to Neoadjuvant Chemotherapy in Patients With Stage IIIA(N2) Non-Small-Cell Lung Cancer-A Multicenter Single-Arm Phase II Trial.

Rothschild SI, Zippelius A, Eboulet EI, Savic Prince S, Betticher D, Bettini A, Früh M, Joerger M, Lardinois D, Gelpke H, Mauti LA, Britschgi C, Weder W, Peters S, Mark M, Cathomas R, Ochsenbein AF, Janthur WD, Waibel C, Mach N, Froesch P, Buess M, Bohanes P, Godar G, Rusterholz C, Gonzalez M, Pless M; Swiss Group for Clinical Cancer Research (SAKK).

J Clin Oncol 2021. Online ahead of print.

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