European Journal of Cancer

Immunothérapie chez des patients de PS2 : une étude rétrospective italienne.

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
mai 2020

Immunothérapie, Mauvais PS

Nous avons déjà abordé sur ce site la problématique de l’immunothérapie chez les patients qui présentent un PS > 1. En juin 2017 nous avions commenté deux observations dans lesquelles l’équipe de Bichat rapportait deux évolutions favorables chez un un patient de PS 3 et chez un patient de PS 4 (cliquer ici). Depuis nous avons commenté plusieurs études qui ont montré que cette question restait ouverte (cliquer ici) et (ici)

L’étude observationnelle rétrospective du Gruppo Oncologico Italiano di Ricerca Clinica (GOIRC) s’intéresse à nouveau à cette question dans une étude rétrospective multicentrique menée dans 21 centres italiens. Ce sont les investigateurs qui ont recueilli dans leur centre de façon rétrospective les données des patients non antérieurement traités, dont le PS était à 2, et qui ont reçu au moins une injection de pembrolizumab en première ligne. L'objectif principal était de préciser le taux de patients sans progression à 6 mois. Les objectifs secondaires étaient l’appréciation de la réponse et du taux de contrôle de la maladie. 

Entre juillet 2017 et décembre 2018, 153 patients ayant ces caractéristiques ont commencé un traitement de première ligne par pembrolizumab. Parmi ceux-ci, 71% étaient des hommes, 48% étaient anciens fumeurs et 33% étaient fumeurs.  Les 3/4 des patients avaient un adénocarcinome. 

Les auteurs ont attribué le PS à 2 : 

  • Soit au cancer lui-même (n=112, 73%) , 
  • soit aux comorbidités surtout respiratoires ou cardio-vasculaires (n=41, 27%). 
  • Soit aux deux dans 5 cas (analysés dans le premier groupe). 

Cette détermination de la cause du PS était effectuée par le médecin qui avait traité le malade lors de la révision de son dossier (donc a posteriori). 

Tous les patients avaient une expression de PD-L1  ≥50%, de 50 à 74% dans 71 cas et de 75 à 100% dans 52 cas et sans que cette valeur soit définie précisément autrement que ≥50% dans 30 cas. 

Le nombre médian d’administrations de pembrolizumab était de 3 (1-35) et à la date de point, le 30 sept 2019, 21 (14%) patients étaient toujours sous traitement. 

Durant ce traitement, le PS s’est amélioré chez 41 patients (33 PS 1 et 8 PS 0) après un délai médian de 2 mois.  

Deux réponses complètes, 30 réponses partielles (taux de réponse 21%) , 24 stabilités (16%) et 97 progressions ont été observées. 

Avec un suivi médian de 18,2 mois, 42 (27%) patients n’avaient pas progressé à 6 mois, et respectivement 20% et 5% à 1 et 2 ans. Les taux de survie à ces 3 dates étaient respectivement de 34, 29 et 8%. 

Enfin les durées médianes de survie sans progression et de survie globale étaient respectivement 2,4 et 3 mois. 

Dix huit (12%) patients ont reçu en deuxième ligne une chimiothérapie et une seule réponse a été observée. 

Existait-il des facteurs liés à la réponse ? Pour répondre à cette question les auteurs ont considéré deux groupes de patients, les malades dont la maladie était contrôlée (répondeurs ou stabilisés) et les progressifs et ils ont cherché quels étaient les facteurs significativement liés à la réponse : 

  • Le sexe, l’âge, le tabagisme, l’histologie , le statut PD-L1 , le fait d’avoir reçu des antibiotiques durant les 6 mois précédents et le fait d’avoir reçu une radiothérapie n’avait pas d’influence sur la réponse.
  • Deux facteurs seulement étaient significativement liés à la réponse :
    • Le fait de recevoir une corticothérapie (p=0,028). 
    • Et le fait que la dégradation du PS soit attribuée au cancer et non aux comorbidités. 

De même la cause de la dégradation du PS influait significativement la survie sans progression et la survie globale comme le montre le tableau ci-dessous : 

 

Cause de la détérioration du PS

 

 

Cancer

Comorbidités

 

PFS médiane

1,8

5,6

 

HR de PFS (95% CI)

0,5 (0,3-0,8)

0,002

Survie médiane

2,8

11,8

 

HR de survie (95% CI)

0,5 (0,3-0,7)

0,001

En analyse multivariée, seule la cause du PS influençait significativement la survie sans progression et la survie globale.

En ce qui concerne la toxicité, 44 (29%) des patients ont eu un évènement secondaire immunologique (notamment colique, cutané ou thyroïdien) et la plupart de ces évènements étaient de grade 1 ou 2. Seulement un évènement de grade 3 (encéphalite limbique) et 2 de grade 4 (hépatite et myocardite) ont été observés. Deux décès par pneumopathie ont été attribués au traitement. 

Les auteurs concluent ce travail en affirmant que l’immunothérapie donne globalement des résultats médiocres chez les patients dont la PS est à 2 mais que, lorsque cette altération du PS est liée aux comorbidités, les résultats sont meilleurs. 

Ces résultats sont intéressants mais ils doivent être retenus avec beaucoup de prudence car il s’agit d’une étude rétrospective. Déjà la définition d’un PS à 2 lorsqu'elle est établie de façon prospective n’est pas toujours parfaitement consensuelle, mais définir la cause de cette altération du PS  est encore plus difficile. Enfin définir cette cause a posteriori à la lecture rétrospective d’un dossier médical parait une gageure …   Qui, nous semble-t-il  interdit de retenir une quelconque conclusion définitive de cette étude. Il est donc urgent d’inclure massivement dans l’étude SAVIMMUNE de l’IFCT (cliquer ici)   

 

Reference

First-line pembrolizumab in advanced non-small cell lung cancer patients with poorperformance status.

Facchinetti F, Mazzaschi G, Barbieri F, Passiglia F, Mazzoni F, Berardi R, Proto C, Cecere FL, Pilotto S, Scotti V, Rossi S, Del Conte A, Vita E, Bennati C, Ardizzoni A, Cerea G, Migliorino MR, Sala E, Camerini A, Bearz A, De Carlo E, Zanelli F, Guaitoli G, Garassino MC, Ciccone LP, Sartori G, Toschi L, Dall'Olio FG, Landi L, Pizzutilo EG, Bartoli G, Baldessari C, Novello S, Bria E, Cortinovis DL, Rossi G, Rossi A, Banna GL, Camisa R, Di Maio M, Tiseo M.

Eur J Cancer 2020; 130 : 155-167

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Thématiques : Épidémiologie, Prévention
Revue : British Journal of Cancer