European Respiratory Journal

Inégalités d’accès à la recherche de mutations EGFR dans le monde

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
mai 2016

Thérapeutique ciblée, Biomarqueurs / Facteurs pronostiques et/ou prédictifs, Aspects médico-économiques

Depuis maintenant plusieurs années on sait bien que les facteurs cliniques (sexe féminin, pas ou peu de tabagisme, origine asiatique) ne suffisent pas pour définir les malades qui doivent recevoir un inhibiteur de la tyrosine kinase de l’EGFR et que la recherche de mutations de l’EGFR est incontournable. Mais on devine que l’accès à cette recherche, qui est maintenant, grâce à la politique qu’a menée l’INCa, parfaitement accessible partout en France, n’est pas toujours possible  partout dans le monde.

Méthodes

Pour connaître l’accès à cette recherche de mutations EGFR, les auteurs français de cette étude ont réalisé une enquête prospective basée sur un questionnaire adressé à des spécialistes avec comme objectif principal d’établir une carte mondiale de cet accès et de définir les couts de ces tests et des inhibiteurs de la tyrosine kinase de l’EGFR.

Ces couts étaient comparés à l’index de développement humain, IDH, une mesure sommaire prenant en compte les dimensions clés du développement : la durée de vie en bonne santé, l’éducation et le niveau de vie notamment (cliquer ici)

Ces spécialistes ont été recrutés principalement à partir des annuaires de différentes sociétés savantes (ERS, APSR, ALAT etc), de l’IASLC  ou de l’UICC.

Outre ces questionnaires, une recherche bibliographique pour chaque pays était réalisée.

Résultats

Au moins une réponse provenant de 74 états sur 194 membres des Nations Unies a été obtenue, ces 74 états représentant 78% de la population mondiale. L’index de développement humain (IDH) était par ailleurs disponible pour 187 pays.

Les pays pour lesquels aucune réponse n’a été obtenue avaient un IDH significativement plus bas.

Une organisation permettant en routine la recherche de mutations dans les établissements publics était en place dans 36 pays (37,5% de la population mondiale) et une organisation par des sociétés privées existait dans 12 pays (28% de la population mondiale). 

L’accès à ce test n’était disponible partout que pour 41 pays.

Les pays qui n’avaient pas d’accès à la recherche de mutations étaient exclusivement localisés en Afrique et en Asie.

L’index de développement humain était très significativement corrélé à la disponibilité de la recherche de mutations :

  • 67 % des pays avec IDH bas ou moyens n’avaient pas accès aux tests,
  • alors que c’était le cas de seulement 6% des pays à  IDH haut ou très haut (p<10-4).

La recherche de mutations était gratuite dans 18 pays représentant 6,5% de la population mondiale et coutait moins de 500 US$ dans 31 pays. Cette recherche était plus fréquemment gratuite dans les pays à IDH élevé ou très élevé.

Les 3 inhibiteurs de la tyrosine kinase de l’EGFR enregistrés dans notre pays, le gefitinib, l’erlotinib et l’afatinib n’étaient disponibles que pour respectivement 67%, 75% et 31% de la population mondiale.

Enfin comme on peut le voir sur le tableau ci dessus le gefitinib et l’erlotinib étaient significativement plus facilement disponibles dans les pays à index de développement humain élevé et très élevé que dans les pays à IDH bas ou moyen.

 

Disponibilité (%)

Gratuité (%)

 

Erlotinib

Gefitinib

Erlotinib

Gefitinib

Pays à IDH élevé ou très élevé

98

85

53

49

Pays à IDH moyen ou faible

57

43

0

0

p

<10-4

<10-4

<10-4

<10-4

Il aura fallu attendre 10 ans après l’arrivée des analyses moléculaires et la mise à disposition en France des inhibiteurs de la tyrosine kinase de l’EGFR pour que cette étude démontre à quel point l’accès à l’innovation est inégal dans le monde. Cet article important et très intéressant est à rapprocher de celui sur le prix des médicaments anticancéreux dans l’Union européenne que nous avons commenté récemment (cliquer ici).

 

Reference

Inequalities in lung cancer: a world of EGFR.

Carbonnaux M, Souquet PJ, Meert AP, Scherpereel A, Peters M, Couraud S.

Eur Respir J 2016; 47 : 1502-1509

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