Lung Cancer

Interactions médicamenteuse possible entre le Pemetrexed et les inhibiteurs de la pompe à protons

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
mai 2022

Traitement des stades IV, Effets secondaires des médicaments

Quelques études rétrospectives portant sur de petits nombres de malades ont suggéré que la consommation d’inhibiteurs de la pompe à protons, en agissant sur l’excrétion du pemetrexed (comme sur celle du méthotrexate) augmenterait la toxicité hématologique du pemetrexed. Le but de cette étude prospective, multicentrique, non randomisée, française menée dans 5 centres hospitaliers, est de le confirmer. 

Les patients inclus dans cette étude devaient être âgés de plus de 18 ans, devaient recevoir du pemetrexed par cycles de 21 jours pour un cancer bronchique non à petites cellules non épidermoïde ou un mésothéliome pleural. Ils ne devaient pas avoir d’insuffisance rénale. Une supplémentation par acide folique et cobalamine était administrée systématiquement.

L'objectif principal était le délai entre l’inclusion et la survenue d’une toxicité hématologique de grade 3. Les objectifs secondaires comprenaient notamment l’analyse des différentes toxicités et de leurs conséquences sur les suites du traitement (report de cure, diminution de doses….).

Au total, ce sont 156 patients éligibles qui ont été identifiés, dont 55 (35%) étaient traités par IPP. On notait une différence entre les patients consommant des IPP et les autres, en termes de polymédication (56.0% versus 30.0%, p < 0.0001), d’utilisation d’inhibiteur de hOAT3 (51.0% vs. 31.0%, p = 0.02) et au niveau du taux basal d’hémoglobine (12.76 ± 1.98 g/dL vs. 13.37 ± 1.80 g/dL, p = 0.04), néanmoins, on ne retrouvait plus de différence significative entre les groupes après analyses appariées au score de propension.

Concernant l’objectif principal, on retrouve la survenue d’une toxicité hématologique sévère chez 61.8% des patients sous IPP contre 35.6% chez ceux n’en prenant pas. En analyse multivariée, la prise d’IPP était associée au facteur de risque le plus élevé ((HR) = 2.51; 95% CI = [1.47–4.26]) après ajustement sur l’âge, l’IMC, le centre, le platine utilisé en combinaison, la poly médication….

Les toxicités concernaient majoritairement l’hémoglobine et les neutrophiles. Pour les thrombopénies, il n’était pas retrouvé de différence, que les patients prennent ou non des IPP. La conséquence principale de la toxicité hématologique, qu’il y ait ou non prise d’IPP, était le report de cure avec ou sans ajustement de posologie. Venait ensuite l’utilisation de facteurs de croissance (EPO ou GCSF) voire les transfusions. Enfin, les hospitalisations prolongées ont concerné 20 patients (dont 14 prenaient des IPP). Le faible nombre de patients prenant chaque type d’IPP (esomeprazole, pantoprazole et lansoprazole majoritairement) n’a pas permis d’identifier de corrélation selon l’IPP.

Il s’agit donc d’une confirmation d’interaction médicamenteuse, qui ne concerne donc pas exclusivement les traitements anticancereux oraux. Le type de platine utilisé ne semble pas impacter sur la toxicité. On notera que dans l’étude, le nombre de patients sous IPP est important (35.3%), sensiblement plus élevé que ce qui est publié usuellement dans la littérature.  L’interaction des IPP avec le methotrexate avait déjà été rapportée. La supplémentation donnée avec le pemetrexed (pour en diminuer la toxicité hématologique) se fait per os pour l’acide folique et de plus en plus fréquemment pour la vitamine B12 également. L’impact des IPP dans l’absorption des molécules de supplémentation n’est pas connu. Dans les études rétrospectives, le lansoprazole semblait être particulièrement impliqué, peut être en partie par sa capacité (in vitro) inhibitrice d’hOAT3 (non confirmé ici mais peut être par manque de puissance). Une solution pour personnaliser la chimiothérapie et éviter les excès de toxicités serait peut-être de monitorer la circulation de la molécule, ou d’adapter la posologie au débit de filtration glomérulaire.

 

Reference

Association between proton pump inhibitors and severe hematological toxicity in patients receiving pemetrexed-based anticancer treatment: The prospective IPPEM study.

Slimano F, Le Bozec A, Cransac A, Foucher P, Lesauvage F, Delclaux B, Dory A, Mennecier B, Bertrand B, Gubeno-Dumon MC, Dukic S, Mongaret C, Bouché O, Hettler D, Boulin M, Dewolf M, Kanagaratnam L.

Lung Cancer 2022; 166 : 114-121

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