Immunothérapie, Traitement des stades IV, Biomarqueurs / Facteurs pronostiques et/ou prédictifs, Anatomo-pathologie
Le bénéfice apporté par les inhibiteurs de point de contrôle immunitaire dans le cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) n’est pas discuté. Néanmoins, son ampleur varie considérablement d’un patient à l’autre, et la sélection basée sur le niveau d’expression de PDL1 s’avère clairement imparfait. La nécessité d’identifier d’autres biomarqueurs est évoquée de longue date sans qu’aucune caractéristique clinique ou biologique n’ait finalement été validée. L’étude rapportée ici concerne la charge mutationnelle (définie comme le nombre de mutations non synonymes par zone de génome tumoral codant séquencée) évaluée en tant que marqueur d’infiltration immunitaire et d’efficacité des anti PD1/PDL1.
Les patients ayant un CBNPC traités au Memorial Sloan Kettering Cancer Center (MSKCC), au Dana- Farber Cancer Institute (DFCI), et au Stand Up To Cancer (SU2C)/Mark Foundation dont les tumeurs ont pu être analysées soit par séquençage de type MSK-IMPACT, ou de type DFCI-OncoPanel, ou même par séquençage du génome en totalité, ont été inclus.
Au total ce sont 3591 échantillons tumoraux de CBNPC qui ont été séquencés et pour lesquels des données démographiques et cliniques étaient disponibles. L’âge médian était de 66 ans (18- 99) et 78.3% avaient des antécédents de tabagisme. Sur la totalité de la cohorte des 1552 patients qui ont été traités par anti PD1 ou anti PDL1, l’âge médian était identique à 66 (22-92) ans, 830 (53.5%) étaient de sexe féminin, and 1347 (86.8%) avaient un CBNPC de type non épidermoïde. La charge mutationnelle médiane (TMB) était 9.8 (0-104.9) mutations par mega base. Les valeurs de TMB étaient plus élevées chez les fumeurs actifs, suivies des ex fumeurs et les taux les plus faibles étaient retrouvés chez les non-fumeurs. Le niveau de TMB était plus élevé chez les patients ayant des stades II,III ou IV comparés aux patients de stade I. Concernant la présence de drivers oncogéniques, les patients ayant des mutations de BRAF et KRAS avaient des TMB supérieurs aux patients sans mutations, alors que les patients présentant des mutations de l’EGFR ou des réarrangements de RET ou ALK, avaient des TMB inférieurs aux patients sans anomalie moléculaire.
En termes d’efficacité, les patients ayant obtenu des réponses sous immunothérapie présentaient des TMB significativement supérieurs aux patients n’ayant eu qu’une stabilité voire une progression (p<0.001), ce qui avait déjà été rapporté dans la littérature. Après analyse des résultats des différentes méthodes de séquençage selon l’origine des patients, les auteurs ont identifié des cut off définissant une catégorie de patients présentant une « forte charge mutationnelle ». Ces patients présentent un devenir significativement meilleurs que les autres patients (y compris après exclusion des patients EGFR, ALK et RET), quel que soit le paramètre d’efficacité, avec de meilleurs ORR (49.1% vs 21.5%; 95% CI, 19.6%-35.6%; P < .001) une meilleure médiane de PFS (11.4 vs 2.8 mois; HR, 0.40; 95% CI, 0.33-0.50; P < .001) et d’ OS (36.1 vs 12.4 mois; HR, 0.46; 95% CI, 0.37-0.59; P < .001).
Ces différences en faveur des « fortes charges mutationnelles » se retrouvent quel que soit le niveau d’expression de PDL1 (patients répartis en 3 groupes <1%, 1-49%, >50%). Les patients qui ont à la fois une forte charge mutationnelle et un haut niveau d’expression de PDL1 (>50%) sont clairement les meilleurs candidats à un traitement par immunothérapie avec des taux de réponse de 57% une médiane de PFS à 18.1 mois et une médiane d’OS à 47.7 mois. A l’inverse, le bénéfice de l’immunothérapie en cas de faible charge mutationnelle et sans expression de PDL1 parait très limité, avec des taux de réponse de 8.7%, une médiane de PFS à 2.1 mois et une médiane d’OS à 10.4 mois.
Pour tenter d’expliquer ces différences d’efficacité, les auteurs ont analysé différents paramètres de l’environnement péri tumoral tels que l’infiltration par les cellules CD8+, Foxp3, PD-1, et PD-L1 sur 428 échantillons. On retrouve une association entre la fort charge mutationnelle et le niveau d’infiltration par les CD8+, à la fois de façon globale, mais également à l’interface du stroma avec la tumeur. Les tumeurs avec forte charge mutationnelles présentent une plus grande quantité de cellules tumorales, de cellules infiltratives immunitaires et de cellules PDL1+.
Le type d’anomalie mutationnelle semble également différents entre les tumeurs à haut TMB versus les autres tumeurs, on retrouve ainsi plus de transversions que de transitions dans les hauts TMB et inversement pour les autres.
Il s’agit de résultats très intéressants qui vont dans le sens de ce qui avait déjà été publié, mais ici à travers une très large cohorte harmonisée entre plusieurs centres américains. Certes, ce sont des résultats issus d’analyses rétrospectives et le statut PDL1 est manquant dans un grand nombre d’échantillons, mais ls confirment que quelle que soit la technique utilisée (TMB établi à partir de quelques gènes d’intérêt ou au contraire sur séquençage de génome en totalité) il est possible d’identifier des patients avec un haut niveau de TMB. Les auteurs proposent de se servir potentiellement de cet outil pour sélectionner les patients dont le niveau d’expression de PDL1 est >50 chez lesquels un haut niveau de TMB permettrait de s’affranchir en toute sécurité de la chimiothérapie et de ses toxicités.
Reference
Association of High Tumor Mutation Burden in Non-Small Cell Lung Cancers With Increased Immune Infiltration and Improved Clinical Outcomes of PD-L1 Blockade Across PD-L1 Expression Levels
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JAMA Oncol 2022; 8 : 1160-1168