Annals of Oncology

La durée du traitement est-elle le reflet de la survie sans progression ou de la survie ?

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
juillet 2019

Traitement des stades IV, Méthodologie / Essais thérapeutiques

La survie sans progression est l’objectif qui est le plus habituellement choisi dans les essais thérapeutiques car, comparativement à la survie globale, il n’est pas impacté par la mise en œuvre de traitements ultérieurs et notamment par un éventuel crossover.  Jusqu’à récemment on pouvait penser que la survie sans progression se confondait avec la durée de traitement puisque ce dernier était logiquement interrompu au moment de la progression qui avec le décès marque le terme de la survie sans progression, Toutefois avec l’avènement des traitements ciblés, dont la tolérance est très supérieure à celle de la chimiothérapie, cette notion est peut-être en train de changer si on admet que beaucoup de médecins maintiennent le traitement ciblé après la progression en espérant ralentir l’évolution de la maladie, 

De ce fait une donnée nouvelle qui refléte le « monde réel »  (real-world evidence)  et appartient donc à ce qu’on appelle les « données du monde réel » (real-world data ») est le temps jusqu’à arrêt du traitement qui est défini comme le temps depuis le début du traitement jusqu’à l’arrêt de celui-ci, quel que soit la cause de cet arrêt, Mais ce temps reflète-t-il bien la survie sans progression et la survie globale ? 

C’est à cette question que cherche à répondre cette étude qui est une analyse poolée chez 8 947 patients inclus dans 37 bras de 18 grands essais randomisés bien connus. Ces essais explorent un doublet de chimiothérapie avec maintenance (n=1151), une monochimiothérapie (n=2952), des thérapeutiques ciblées (n=2816) ou une immunothérapie (n=2028). 

Les coefficients de corrélation étaient plus élevés entre le temps jusqu’à arrêt du traitement (TAT) et la survie sans progression qu’entre le TAT et la survie globale pour tous les traitements comme le montre le tableau ci-dessous : 

 

Corrélation TAT/PFS

Corrélation TAT/survie

Ensemble des patients (n=8947)

0,87 (0,86, 0,87)

0,68 (0,67, 0,69)

Anti EGFR (mutés)

0,91 (0,90, 0,92)

0,71 (0,68, 0,73)

Anti ALK (translocation) 

0,82 (0,80, 0,84)

0,79 (0,76, 0,81)

Immunothérapie

0,85 (0,84, 0,86

0,72 (0,70, 0,74

Doublets de chimiothérapie

0,88 (0,87, 0,90)

0,61 (0,57, 0,64)

Monochimiothérapie

0,78 (0,77, 0,79)

0,55 (0,52, 0,57)

Quelques points sont néanmoins différents selon les traitements étudiés :

-      Pour les thérapeutiques ciblées (EGFR et ALK), les durées médianes de traitement excèdent les durées médianes de survie sans progression de 2 à 3 mois).

-      A l’inverse pour l’immunothérapie les durées médianes de traitement sont plus courtes que les durées médianes de survie sans progression.

Cette étude qui porte sur les données individuelles de près de 9 000 patients démontre donc globalement une corrélation importante entre la durée du traitement et la survie sans progression et une corrélation modérée entre la durée du traitement et la survie globale. Les auteurs concluent qu’ils ont franchi là une étape importante et que cette donnée est maintenant validée comme une « donnée du monde réel ». 

Cette conclusion parait discutable, non pas du fait de la méthodologie de l’étude qui est excellente, mais parce que l’objectif même de celle-ci nous parait discutable. En effet, la durée de traitement est bien corrélée avec la survie sans progression mais est-ce si important quand on sait que la survie sans progression est d’autant moins corrélée à la survie globale que la survie post-progression est importante (cliquer ici). Or, au fur et à mesure que des progrès  thérapeutiques sont observés, la survie post-progression ne va cesser de s’allonger. On voit déjà se profiler des groupes de patients qui ont souvent de très longues survies après des traitements très cours : c’est le cas par exemple des patients dont l’immunothérapie est définitivement interrompue après un effet adverse immunologique grave … Et qui ont tout de même souvent de longues survies … Il nous semble qu’actuellement encore, les règles de traitement de nos malades dans la vraie vie doivent rester  proches  de celles qui sont utilisées dans les essais thérapeutiques. 

 

Reference

Analysis of time-to-treatment discontinuation of targeted therapy, immunotherapy, and chemotherapy in clinical trials of patients with non-small-cell lung cancer,

Blumenthal GM, Gong Y, Kehl K, Mishra-Kalyani P, Goldberg KB, Khozin S, Kluetz PG, Oxnard GR, Pazdur R,

Ann Oncol2019; 30 : 830-838

77 lectures

Coup de ♥ du mois

Risque de cancer du poumon chez les mineurs exposés à de faible taux de radon

novembre 2015

Si les données concernant les expositions à de fortes concentrations de radon sont bien connues,...

Lire la suite
Thématiques : Épidémiologie, Prévention
Revue : British Journal of Cancer