Annals of Oncology

La prise de bisphosphonates protège-t-elle du risque de cancer du poumon ?

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
juillet 2018

Épidémiologie, Prévention, Cancer du non fumeur, Cancer de la femme

Des études expérimentales ont montré que les bisphosphonates, qui sont prescrits de façon courante pour la prévention et le traitement de l’ostéoporose des sujets âgés, et particulièrement les femmes ménopausées, aurait une action anti-tumorale par plusieurs mécanismes : inhibition de l’angiogenèse et de la prolifération cellulaire, prévention de l’adhésion des cellules tumorales, induction de la poste de l ‘apoptose. Toutefois le rôle éventuel de ces médicaments dans la prévention du cancer est controversé. 

Les auteurs de ce travail font l’hypothèse que ces traitements pourraient jouer un rôle dans la prévention des cancers du poumon chez les femmes ménopausées et plus particulièrement chez les non-fumeuses. 

Pour étudier cela ils ont utilisé les données de Women’s Health Initiative qui a enrôlé plus de 160 000 femmes ménopausées incluses soit dans un observatoire, soit dans trois essais cliniques dans 40 centres américains de 1993 à 1998. Ces personnes répondaient à un questionnaire initial sur les facteurs démographiques, le tabagisme, les antécédents, l’absorption d’alcool, l’alimentation et l’activité physique. Des données concernant les prises médicamenteuses et notamment celles de bisphosphonates ont été recueillies lors de plusieurs consultations. 

La prise de bisphosphonates lors du premier questionnaire était peu commune puisqu’elle ne concernait que 2,1 % des personnes interrogées. Ensuite, elle a augmenté jusqu’à 9,7 % à six ans. 

Après un suivi moyen de 13 ans, le diagnostic de cancer broncho-pulmonaire a été porté chez 2511 femmes et le risque de cancer ne différait pas significativement selon que les femmes avaient reçu ou non des bisphosphonates.

Deux sous-groupes ont alors été effectué en fonction du tabagisme : 

- Parmi les non-fumeuses, la prise de bisphosphonates était inversement associé avec le risque de cancer du poumon en analyse multivariée (HR = 0,57, 95% CI : 0,39–0,84, p < 0,01). Cette association était d’autant plus forte que la durée totale d’utilisation des bisphosphonates dépassait 1,5 ans.

- Parmi les fumeuses il n’existait pas d’interaction significative. 

Cette réduction du risque observée chez les non-fumeuses concernait les cancers bronchiques non à petites cellules. 

La force de cette étude est qu’elle porte sur une très vaste population et qu’elle semble démontrer l’existence d’un effet « protecteur » des bisphosphonates mais celui-ci ne se manifesterait que chez les non-fumeuses et même ici chez les femmes ménopausées et non-fumeuses.  Ces résultats doivent néanmoins être vérifiés par des études prospectives prenant en compte les facteurs de risque des cancers du poumon des non-fumeurs.  On peut s’interroger sur l’implication pratique de ces résultats car, même si ces résultats étaient vérifiés, il semblerait difficile de prescrire uniquement dans ce but ces traitements au long cours, dont la toxicité n’est pas négligeable,  chez des femmes non-fumeuses en bonne santé.   

 

Reference

Oral bisphosphonate use and lung cancer incidence among postmenopausal women.

Tao MH, Chen S, Freudenheim JL, Cauley JA, Johnson KC, Mai X, Sarto GE, Wakelee H, Boffetta P, Wactawski-Wende J.

Ann Oncol. 2018 Mar 29. doi: 10.1093/annonc/mdy097. [Epub ahead of print]

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Thématiques : Épidémiologie, Prévention
Revue : British Journal of Cancer