Cancer

La recherche complète d’anomalies moléculaires est encore plus indispensable chez les malades jeunes

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
mai 2017

Thérapeutique ciblée, Biomarqueurs / Facteurs pronostiques et/ou prédictifs

Existe-t-il une corrélation entre les anomalies génétiques qui jouent un rôle dans le développement du cancer (driver mutations)  et l’âge des malades ?

Pour répondre à cette question, cette étude rétrospective monocentrique japonaise a été conduite sur 1746 prélèvements consécutifs de patients atteints d’adénocarcinomes de stades I à IV entre 2009 et 2015. Les anomalies qui ont été recherchées étaient :

  • Les mutation d’EGFR (exons 18-21), HER2 (exon 20), KRAS (exon 2-3) et BRAF (exons 11-15),
  • Les gènes de fusion avec ALK, RET et ROS1.

Parmi ces 1746 patients, 81 (5%) étaient âgés de 40 ans ou moins. L’âge médian des patients de 40 ans ou moins  était de 36 ans, celui des patients de plus de 40 ans était de 66 ans. Il y avait davantage de femmes chez les patients de moins de 40 ans (56 % versus 48 %).  La proportion de non-fumeurs était la même.  Il y avait davantage de cancers de stade IV parmi les sujets les plus jeunes (72% versus 34 %) et moins de PS=0 (66 versus 79%). La répartition en sous-types histologiques ne différait pas.

 De 2009 à 2013 le screening moléculaire a été effectué dans un ordre déterminé, d’abord EGFR et KRAS, puis ALK, puis HER2 et BRAF et enfin ROS1 et RET. En 2014-2015 tous ces examens étaient réalisés d’emblée.

Parmi les 3 principales altérations moléculaires, on voit sur le tableau ci-dessous qu’il y avait significativement plus de translocations ALK-EML4 chez les sujets jeunes alors que les mutations EGFR et KRAS étaient moins fréquentes :

 

 

> 40 ans (%)

<40 ans

p

N

 

1665

81

 

EGFR

 

755 (45)

24 (30)

0,006

 

Délétion de l’exon 19

324 (43)

18 (75)

0,002

 

LB58R

366 (48)

4 (17)

0,002

KRAS

 

165 (10)

2 (2)

0,026

ALK

 

70 (4)

33 (41)

<0,001

On note aussi que le type de mutation EGFR n’était pas le même.

Par ailleurs, chez les patients pour lesquels cette recherche était négative et qui ont été testés pour les autres anomalies moléculaires, la fréquence des mutations HER2 était significativement plus élevée chez les patients les plus jeunes (25% vs 5,3% des sauvages, p<0,001). Il n’y avait en revanche pas de différence significative en ce qui concerne BRAF.

Enfin chez 9 patients pour lesquels la recherche de ces 5 anomalies moléculaires était négative : 2 avaient une translocation RET et 2 une translocation ROS1, ce qui était aussi significativement plus élevé que dans la population des malades de plus de 40 ans (il s’agit toutefois de petits effectifs).

Ainsi 67 des 81 patients jeunes avaient une anomalie moléculaire, chiffre significativement supérieur à celui des sujets âgés.

On notera aussi que la probabilité d’avoir une mutation ALK ou HER2 diminue avec l’âge, alors que celle d’avoir une mutation BRAF ou KRAS augmente.

Enfin parmi les données concernant la survie sans récidives et la survie qui sont détaillées dans cet article, on retient essentiellement :

  • que les patients les plus jeunes atteints d’adénocarcinome de stade IV et qui n’ont pas d’anomalie moléculaire ont une survie significativement plus courte que les patients âgés dans la même situation (8,9 versus 18,4 mois).
  • Alors qu’il n’y a pas de différence lorsqu’ils ont une anomalie moléculaire (25 versus 24,2 mois).

Les résultats de cette intéressante étude menée au Japon indiquent des chiffres qui ne sont certainement pas les mêmes qu’en France. Ils soulignent toutefois que la recherche aussi complète que possible d’anomalies moléculaires doit être la règle absolue chez les patients jeunes atteints d’adénocarcinome de stade IV, tout comme elle l’est chez les femmes enceintes (cliquer ici) car cette recherche est significativement plus fréquemment positive chez les malades jeunes. On retiendra aussi que, s’il existe des anomalies moléculaires, le pronostic des malades de 40 ans ou moins devient identique à celui des malades plus âgés parce qu’ils bénéficient d’un traitement ciblé, alors qu’il est pire quand cette recherche est négative.  

 

 

 

Reference

Unique prevalence of oncogenic genetic alterations in young patients with lungadenocarcinoma.

Tanaka K, Hida T, Oya Y, Yoshida T, Shimizu J, Mizuno T, Kuroda H, Sakakura N, Yoshimura K, Horio Y, Sakao Y, Yatabe Y.

Cancer 2017; 123 :1731-1740

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Thématiques : Épidémiologie, Prévention
Revue : British Journal of Cancer