European Respiratory Journal

Le traitement anticoagulant adjuvant des CBNPC de stades I à III opérés modifie-t-il la survie ? Résultats de l’étude TILT

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
octobre 2018

Traitement péri-opératoire, Chirurgie, Anticoagulants

 

Nous avions commenté ici il y a plus de 2 ans les résultats de l’essai multicentrique anglais FRAGMATIC qui portait sur 2200 malades atteints de cancers bronchiques de toutes histologies et de de tous stades (cliquer ici). Son but était de déterminer si l’addition d’un traitement prophylactique par héparine de bas poids moléculaire (HBPM) à un traitement standard pendant 24 semaines était susceptible d’améliorer la survie globale. Cet essai démontrait qu’une HBPM administrée dans ces conditions ne permettait pas de prolonger la survie et ne retardait pas l’apparition de métastases. Nous notions cependant que cette étude n’avait inclus qu’un petit nombre de patients atteints de cancers de stades de stade I et II, ce qui ne permettait pas de conclure sur cette population de malades atteints de cancers opérables.  

Voici maintenant les résultats de l’étude française TILT qui a randomisé exclusivement des malades atteints de cancers de stades I, II ou IIIA (T3N1). 

Les malades inclus dans cette étude de phase III à promotion institutionnelle étaient randomisés sur un mode 1/1 pour recevoir ou non une héparine de bas poids moléculaire, la tinzaparine à la dose de 100 IU/kg en sous cutané tous les jours pendant 12 semaines. Ce traitement devait être débuté dans les 8 semaines qui suivaient la chirurgie. 

La décision d’administrer ou non 3 à 4 cycles d’une chimiothérapie adjuvante à base de platine était laissée à la liberté de chaque centre.    

L'objectif principal était la survie globale. Les objectifs secondaires étaient les complications hémorragiques, la survie sans récidive  (RFS)[1],  la mortalité spécifique et les complications thromboemboliques. 

L’inclusion de 800 patients était nécessaire pour objectiver une réduction significative du risque de décès (HR=0,66).

Du fait de taux d’inclusion plus lents que prévu, il a été décidé de recalculer les effectifs : en augmentant le temps de suivi, plus d’événements devaient survenir de sorte que seulement 550 patients étaient nécessaires.

De aout 2007 à juin 2013, 553 patients ont été inclus par 35 centres français : 280 ont été inclus dans le bras contrôle et 269 dans le bras tinzaparine. Les caractéristiques des patients des deux groupes étaient bien réparties. On retiendra notamment que l’âge médian des malades était de 61,6 ans, que près de 65% avaient un adénocarcinome, que plus de 85% des patients ont eu une lobectomie,  qu’environ  65% avaient un cancer de stade I et que moins de 30% des patients opérés d’un cancer de stade 2 ou 3 ont reçu une chimiothérapie adjuvante. 

La survie globale n’était pas significativement différente dans les deux groupes :

  • Le HR était à 1,24, (95%CI : 0,92-1,68 ; p=0,17).  
  • Le taux de survie à 5 ans était :
    • Dans le bras contrôle de 74,2% (95%CI : 68,9-79,9%).
    • Et dans le bras expérimental de 68,2% (95%CI : 62,5-74,4%). 

Les taux de mortalité par cancer du poumon et l’incidence cumulée de récidive ne différaient pas significativement.

Deux événements hémorragiques sévères sont survenus dans le bras expérimental et aucun dans le bras standard et des saignements peu importants sont survenus significativement plus fréquemment dans le bras expérimental (7,1 vs 0,4%, p<0,001). Aucune différence significative de survenue d’événements thrombo-emboliques symptomatiques n’a été observée (6,7 vs 7,1%).  

Parmi les 220 patients qui ont reçu une chimiothérapie adjuvante l’utilisation de la tinzaparine était associée avec une diminution significative de survie (HR = 1,78, (95%CI : 1,13-2,81 ; p=0,03) et aucune différence n’a été observée chez les malades qui n’ont pas reçu de chimiothérapie. 

Cette étude multicentrique française dont la méthodologie est excellente ne permet donc pas de conclure que la tinzaparine prolonge significativement la survie des patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules.  Ces résultats vont dans le même sens que ceux de l’étude FRAGMATIC citée plus haut.  Les HBPM n’ont donc aucune place dans le traitement curatif des patients atteints de cancers bronchiques non à petites cellules à tous stades lorsqu’ils sont indemnes de complications thromboemboliques. 

  

 

 

 

[1]A l’inverse de la survie sans maladie (DFS), la RFS ne tient pas compte des deuxièmes cancers

 

Reference

Antitumor Effect of Low Molecular Weight Heparin in Localised Lung Cancer A PhaseIII Clinical Trial.

Meyer G, Besse B, Doubre H, Charles-Nelson A, Aquilanti S, Izadifar A, Azarian R, Monnet I, Lamour C, Descourt R, Oliviero G, Taillade L, Chouaid C, Giraud F, Falcoz PE, Revel MP, Westeel V, Dixmier A, Tredaniel J, Dehette S, Decroisette C, Prevost A, Pichon E, Fabre E, Soria JC, Friard S, Stern JB, Jabot L, Dennewald G, Pavy G, Petitpretz P, Tourani JM, Alifano M, Chatellier G, Girard P.

Eur Respir J. 2018 Sep 27. [Epub ahead of print]

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