Dans les cancers bronchiques non à petites cellules non résécables de stade III, la chimioradiothérapie concomitante est supérieure à la chimioradiothérapie séquentielle (cliquer ici) et elle doit être administrée avec des chimiothérapies qui associent cisplatine et VP16 ou vinorelbine ou carboplatine et paclitaxel.
Pourtant des associations séquentielles sont encore largement proposées, soit de façon classique en administrant successivement une chimiothérapie puis une radiothérapie, soit en administrant successivement une chimiothérapie puis une chimioradiothérapie sans qu’il soit bien démontré qu’administrer une chimioradiothérapie après une chimiothérapie d’induction soit plus efficace que d’administrer une seule radiothérapie.
De ce fait, l’étude italienne institutionnelle, multicentrique, et randomisée de phase III PITCAP (Progetto Interdisciplinare Terapia Carcinoma Polmonare) a été conduite pour répondre à cette question et ce sont ses résultats que nous rapportent ici ces auteurs.
Pour être inclus dans cette étude, les patients devaient avoir un cancer bronchique non à petites cellules inopérable de stade III, un âge ≤ 70 ans, un PS ≤1 et un PS ≥1. Ils étaient randomisés entre :
- un bras contrôle avec 2 cycles de paclitaxel à 200 mg/m2 combinés avec soit du cisplatine à 80 mg/m2, soit du carboplatine AUC 6 suivis d’une radiothérapie conformationnelle de 60GY avec des conditions précises d’administration.
- Un bras expérimental avec ce même traitement associé à une injection hebdomadaire de paclitaxel pendant la durée de la radiothérapie.
L’objectif principal était la survie globale. Il était prévu d’avoir une survie à 2 ans de 29% dans le groupe contrôle et il fallait 300 événements et 253 décès pour objectiver une survie de 36% à 2 ans (HR de décès de 0,70).
DE 2000 à 2004, seulement 152 patients ont été randomisés. A cette date, une analyse intermédiaire planifiée a été effectuée et l’essai a été arrêté pour futilité et du fait de la lenteur des inclusions. Les caractéristiques des patients des deux groupes étaient réparties de façon identique.
Les taux de réponse et la survie sans progression médiane du bras contrôle ne différaient pas significativement de ceux du bras expérimental, pas plus que la survie globale (tableau ci dessous :)
| Radiothérapie | Radiothérapie + chimiothérapie | p |
Réponses post RT (%) | 53,7 | 52,2 | 0,85 |
PFS médiane (mois) | 6,7 | 9,2 | 0,53 |
Survie globale (mois) | 13,2 | 15,1 | 0,84 |
Les toxicités étaient similaires dans les deux bras, avec un nombre supérieur d’œsophagites dans le bras expérimental (10 vs 4,3%) sans que cette différence n’atteigne la significativité.
Les résultats négatifs de cet essai qui n’avait pas atteint ses objectifs d’inclusion ont conduit les auteurs à inclure dans le même article les résultats résumés d’une méta-analyse qu’ils ont appelé TROCODILE, dans la quelle figurent, outre les résultats de l’étude PITCAP, ceux de 4 autres essais randomisés. Ces 5 essais étaient assez homogènes dans leur conception : tous comportent une induction par un sel de platine et un taxane suivie soit d’une radiothérapie exclusive, soit d’une radiothérapie associée à radiothérapie associée au même taxane que celui reçu en induction dans 4 essais, ou une association de carboplatine et paclitaxel dans le cinquième. Dans trois de ces essais, la randomisation était effectuée après l’induction et dans deux essais (PITCAP et un autre essai) avant celle-ci. Cette méta-analyse ne montrait pas de différence significative de la survie à un an et faisait conclure aux auteurs qu’il n’y avait pas de différence entre ces deux traitements et que donc, lorsqu’une chimioradiothérapie n’est pas possible, il ne sert à rien de la réaliser après une chimiothérapie d’induction. Une radiothérapie seule suffit.
La méta-analyse de A Auperin et JP Pignon a démontré la supériorité du schéma concomitant sur le schéma séquentiel et elle l’a fait avec un niveau de preuve élevé. Cette méta-analyse a été réalisée sur les données individuelles de 1205 patients et a démontré un bénéfice de survie incontestable avec un HR à 0.84, (95% CI 0,74-0,95) et un bénéfice de survie de 5,7% à 3 ans et de 4.5% à 5 ans. La chimioradiothérapie représente donc le traitement standard des stades III non résécables.
Le problème est que dans beaucoup de pays, dont la France fait partie, l’accès à la radiothérapie est parfois long et que beaucoup de médecins dans ce cas préfèrent commencer une chimiothérapie en attendant que la chimioradiothérapie soit possible.
L’article que nous commentons doit-il faire changer cette pratique ?
Nous ne le pensons pas, et ce pour plusieurs raisons :
- l’étude PITCAP n’a pas atteint ses objectifs d’inclusion et n’a donc pas démontré la supériorité ou l’équivalence de ces 2 traitements.
- Quant à la méta-analyse, elle n’a pas été effectuée sur données individuelles et elle ne porte que sur 5 études et 781 patients.
- Surtout elle se limite à démontrer qu’il n’y a pas de supériorité de survie à un an. Or, quand on regarde les courbes de survie de la méta-analyse de A Auperin et JP Pignon, elles ne commencent à s’écarter qu’après un an.
Il semble donc actuellement que la chimioradiothérapie concomitante reste le standard. Quand elle n’est pas possible et que un ou deux cycles de chimiothérapie doivent être administrés avant pour tenter de bloquer l’évolution du cancer, il n’y a pas, nous semble-t-il, suffisamment de données pour abandonner la pratique d’une radio chimiothérapie concomitante ensuite qui reste le traitement standard.
Reference
Randomized phase III PITCAP trial and meta-analysis of induction chemotherapy followed by thoracic irradiation with or without concurrent taxane-based chemotherapy in locally advanced NSCLC.
Ardizzoni A, Tiseo M, Boni L, Di Maio M, Buffoni L, Belvedere O, Grossi F, D'Alessandro V, de Marinis F, Barbera S, Caroti C, Favaretto A, Cortinovis D, Morrica B, Tixi L, Ceschia T, Parisi S, Ricardi U, Grimaldi A, Loreggian L, Navarria P, Huber RM, Belani C, Bruswig PF, Scagliotti GV, Scolaro T.
Lung Cancer 2016; 100 : 30-7.