Journal of Clinical Oncology

Après chimioradiothérapie d’induction, faut-il opérer les CBNPC de stades IIIA et IIIB ? une nouvelle étude de phase III.

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
novembre 2015

Radiothérapie / Radiofréquence, Traitement des stades III, Chirurgie

Pour traiter les cancers bronchiques non à petites cellules de stade III, notamment les IIIA-N2 deux possibilités thérapeutiques nous sont offertes, soit une chimioradiothérapie concomitante, soit, dans les formes résécables,  un traitement d’induction suivies d’une chirurgie (/encore-un-travail-sur-la-valeur-pronostique-et-meme-predictive-de-la-nouvelle, /la-prise-de-statine-na-aucun-lien-avec-la-frequence-du-cancer-broncho-pulmonaire-chez). Récemment nous commentions des études sur ce sujet qui concluaient que la place de la chimioradiothérapie préopératoire n’était pas démontrée (/prev-em-onco/4052) de sorte que si on opte pour un traitement d’induction suivi d’une chirurgie, le traitement d’induction, en dehors d’un essai thérapeutique, doit être une chimiothérapie.

Voici une nouvelle étude randomisée de phase III menée pratiquement totalement en Allemagne comparant la chirurgie après une chimioradiothérapie à une chimioradiothérapie exclusive.

Les patients inclus dans cette étude devaient avoir :

-       soit un cancer bronchique non à petites cellules de stade IIIA-N2 histologiquement prouvé,

-       soit un cancer bronchique non à petites cellules de stade IIIB à condition qu’il soit jugé résécable.  

Le traitement d’induction comprenait 3 cycles de cisplatine (50mg/m2 à J1 et J8) et paclitaxel (175 mg/m2 à J1).  La  chimioradiothérapie comprenait une radiothérapie  limitée à 45 Gy en 2 fractions de 1,5 Gy, associée à 1 cycle de cisplatine et vinorelbine avec cisplatine à  50 mg/m2 aux  jours 2 et 9 and vinorelbine à 20 mg/m2 aux jours  2 et 9 de la radiothérapie.

Les patients dont la tumeur restait résécable au terme d’une réévaluation effectuée juste après la radiothérapie ont été randomisés

en :

-       soit une chimioradiothérapie jusqu’à  65-71 Gy au total (bras A),

-       soit une chirurgie (bras B).

L’objectif principal était la survie globale.

Résultats

L’étude a duré près de 10 ans de 2004 à 2013, ce qui confirme bien combien le recrutement dans ces études est difficile. Deux analyses intermédiaires ont été réalisées à 35 et 70 événements qui n’ont pas conduit à interrompre l’étude. Celle ci l’a finalement été en 2013 pour lenteur d’inclusions à 246 malades dont 75 étaient au stade IIIA et 171 au stade IIIB. Les caractéristiques des patients des deux groupes étaient réparties de façon identique. Leur âge médian était de 59 ans. Près des ¾ étaient de sexe masculin. Leur PS était, à l’exception d’un malade, à 1 ou 2.

Parmi ces patients, 237 ont reçu les 3 cycles d’induction prévus et 227 ont reçu la chimioradiothérapie prévue.

Finalement 161 (65,4%) des patients seulement ont été randomisés :

-       80 dans le bras chimioradiothérapie exclusive. Trois ont refusé ce traitement et ont opté pour la chirurgie, et 1 est décédé.

-       81 dans le bras chirurgie dont 70 seulement ont été opérés. Vingt trois d’entre eux ont eu une pneumonectomie.  Parmi ceux-ci, 66 étaient en R0, 3 et 1 R1 et R2.  Le tiers de ces patients était en réponse complète pathologique (pRC).

Les résultats sont résumés sur le tableau ci dessous (avec un suivi médian de 78 mois):

 

Chimioradiothérapie (A)

Chirurgie (B)

p

Taux de survie à 5 ans (%)

40

44

0,34

Taux de PFS à 5 ans (%)

35

32

0,75

Un tableau très détaillé des toxicités est fourni : les toxicités sont sensiblement identiques dans les 2 bras. Il n’y a pas eu de décès chez les 23 malades traités par pneumonectomie. En revanche, 4 décès ont été observés chez les 34 malades qui ont eu une lobectomie et 1 chez les 7 qui ont eu une bilobectomie. Ceci porte la mortalité chirurgicale à 7,1%.

Les auteurs concluent cette étude en disant que ces deux traitements sont équivalents et que le rôle de la chirurgie dans le traitement des stades III reste toujours non démontré. A cette question, seule une grande méta-analyse pourra répondre.

Nous n’en sommes pas totalement certains car les questions posées sont différentes pour chaque étude.

Tantôt seulement des cancers de stade IIIA sont inclus comme dans l’étude de JP van Meerbeeck (http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17374834, en accès libre) ou de K Albain (http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19632716, en accès libre), tantôt sont inclus des patients de stade IIIA et IIIB comme dans cette étude où les stades IIIB sont même majoritaires. Beaucoup de ces cancers devaient être à la limite de la résécabilité, de sorte que les auteurs de cette étude ont cherché à répondre à deux questions distinctes à la fois, soit celle du traitement des cancers N2 résécables, soit celle des cancers qu’on cherche à rendre résécable par un traitement d’induction.    

De même, tantôt le traitement d’induction est une chimiothérapie (http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17374834), tantôt une chimioradiothérapie (http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19632716), tantôt il compare les deux comme dans la récente étude du SAKK (/prev-em-onco/4052).

On peut regretter enfin de ne pas savoir, à la lecture de cette étude, si le devenir des patients en réponse complète histologique est différent. Pourtant ce point reste particulièrement important (/ceritinib-une-etude-de-phase-i-japonaise, /de-donnees-complementaires-concernant-letude-ialt, /addition-de-pemetrexed-et-derlotinib-en-deuxieme-ligne-chez-des-non-fumeurs, /primary-lung-adenocarcinoma-characteristics-smoking-habit-and-sex). Il semble bien en effet, à la lecture de plusieurs études, que ce soient essentiellement les patients en réponse complète qui bénéficient de la chirurgie.

La lenteur d’inclusion de ces études cliniques était par le passé souvent liée à la difficulté d’obtenir la preuve histologique du N. Ne peut-on pas imaginer que l’essor de l’échoendoscopie soit pour l’avenir un facteur facilitateur ? Si oui ne devrait-on pas concevoir une grande étude multicentrique qui permettrait de répondre enfin à cette question du traitement des stades IIIAN2 résécables qui reste l’objet d’une discussion passionnée à chacune de nos RCP. 

Reference

Phase III Study of Surgery Versus Definitive Concurrent Chemoradiotherapy Boost in Patients With Resectable Stage IIIA(N2) and Selected IIIB Non-Small-Cell Lung Cancer After Induction Chemotherapy and Concurrent Chemoradiotherapy (ESPATUE).

Eberhardt WE, Pöttgen C, Gauler TC, Friedel G, Veit S, Heinrich V, Welter S, Budach W, Spengler W, Kimmich M, Fischer B, Schmidberger H, De Ruysscher D, Belka C, Cordes S, Hepp R, Lütke-Brintrup D, Lehmann N, Schuler M, Jöckel KH, Stamatis G, Stuschke M.

J Clin Oncol. 2015 Nov 2. pii: JCO.2015.62.6812. [Epub ahead of print]

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Thématiques : Épidémiologie, Prévention
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