Journal of Thoracic Oncology

Les pneumopathies liées à l’immunothérapie influencent-elles la survie des malades ?

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
mars 2019

Immunothérapie, Effets secondaires des médicaments

Très tôt dans le développement des inhibiteurs de point de contrôle (IO), la survenue de pneumopathies interstitielles a constitué l’effet secondaire d’intérêt particulier, de par sa potentielle gravité et la complexité de sa gestion. L’utilisation des anti PD1, anti CTLA4 ou anti PDL1 à plus large échelle a permis de relativiser quelque peu la fréquence de cette complication et d’apprendre à la gérer au mieux. Néanmoins, elle reste grave et son impact sur la survie peut s’avérer majeur. La réinstauration de l’IO après résolution est recommandée, mais rarement faite en pratique courante de peur d’une récidive, ce d’autant qu’il a été évoqué que la survenue d’une toxicité liée à l’immunité pouvait être prédictive d’une meilleure efficacité des IO, les patients ne progressant pas durant plusieurs mois malgré l’arrêt du traitement. On voit donc que ces pneumopathies interstitielles survenant sous IO sont finalement mal connues et entourées d’idées plus ou moins documentées. 

La publication rapportée ici concerne l’analyse rétrospective des pneumopathies interstitielles survenues entre 2007 et 2017 chez des patients du Johns Hopkins Hospital, traités par IO soit en pratique courante, soit dans le cadre d’essais cliniques. Le diagnostic de pneumopathie était établi par un premier oncologue puis validé par un radiologue et un second oncologue. Tous les patients diagnostiqués arrêtaient l’IO et recevaient une corticothérapie à forte dose. La diminution de l’infiltrat et le sevrage possible en oxygène définissaient l’amélioration. A l’inverse, l’oxygèno-dépendance persistante et l’augmentation des lésions radiologiques après 72h correspondaient à « l’aggravation ». Enfin, la persistance d’une oxygeno-dependance, l’impossibilité d’arrêter les corticoïdes et la persistance d’images radiologiques définissaient la pneumopathie chronique. 

Les auteurs ont analysé les facteurs influençant la survenue d’une pneumopathie et son impact sur la survie à partir de 204 patients traités dans leur institution. On retrouve 18% de pneumopathie (n=38) de survenue médiane à 6.3 mois. Il n’est pas noté de différence significative démographique entre les patients vivants et les patients décédés. En revanche, on note une utilisation plus fréquente du pembrolizumab ou autre IO « hors-nivolumab » chez les patients survivants. Les patients décédés ont reçu plus souvent des combinaisons d’IO. Parmi les 38 patients qui ont développé une pneumopathie, 21% (n=8) en ont guéri totalement, 15% (n=6) ont développé une forme chronique, et 65% (n=25) sont décédés dans la période de suivi (follow up médian de 8.2 mois). Le risque de décès est 2.7 fois plus important chez les patients ayant une pneumopathie que chez les patients n’en ayant pas développé. Le risque de développer une pneumopathie augmente avec le temps au cours de la première année, puis décroit au-delà. Seul le type histologique ressort comme facteur de risque de développer une pneumopathie, les épidermoïdes semblant plus à risque (HR: 2.63; 95% CI: 1.34–5.19) mais le risque de décès avec pneumopathies est plus important dans les adénocarcinomes.

Cette étude a bien sur des limites liées notamment à son caractère rétrospectif et mono-centrique, mais elle apporte un éclairage nouveau sur les pneumopathies. Il semble en effet que cet effet secondaire ne soit pas, comme cela a pu être évoqué, corrélé avec un meilleur devenir des patients sous IO. On note au contraire un risque de décès plus important. Les auteurs évoquent plusieurs hypothèses pour expliquer cette excès de mortalité, telles que l’hypoxie importante qui génèrerait d’autres défaillances d’organes, l’utilisation particulièrement importante en posologie et durée des corticoïdes qui contrecarreraient l’efficacité des IO….etc….On pourra regretter sur cette série l’absence d’information sur d’éventuelles lésions parenchymateuses préexistantes chez les patients (non renseignées dans les dossiers). Par ailleurs, le diagnostic relativement tardif de ces pneumopathies dans ce centre est peut être lié à un manque de familiarité des oncologues cliniciens avec les atteintes respiratoires moins sévères. Il reste probablement une place pour une meilleure caractérisation de ces pneumopathies grâce à la prise en charge du cancer bronchique non à petites cellules  par les pneumologues (avec une documentation plus précise des antécédents de tabagisme, des données d’EFR à la base line, de descriptions d’anomalies scannographiques pré existantes…etc). 

 

Reference

Impact of Checkpoint Inhibitor Pneumonitis on Survival in NSCLC Patients ReceivingImmune Checkpoint Immunotherapy.

Suresh K, Psoter KJ, Voong KR, Shankar B, Forde PM, Ettinger DS, Marrone KA, Kelly RJ, Hann CL, Levy B, Feliciano JL, Brahmer JR, Feller-Kopman D, Lerner AD, Lee H, Yarmus L, Hales RK, D'Alessio F, Danoff SK, Naidoo J.

J Thorac Oncol 2019; 14 : 494-502

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