Il y a 6 ans qu’ont été publiés les résultats de l’étude de phase III PROFILE 14 qui comparait en première ligne chez des patients ALK positifs crizotinib et chimiothérapie (cliquer ici). Cet essai démontrait la supériorité du crizotinib sur la chimiothérapie en première ligne et faisait du crizotinib le standard de traitement pour la première ligne. Depuis, des anti-ALK plus récentes, dits de deuxième génération, tels que l’alectinib (cliquer ici), le brigatinib (cliquer ici) ou l’ensartinib (cliquer ici) ont été démontrés comme supérieurs au crizotinib. Plus récemment, il a été suggéré que le lorlatinib, un anti-ALK de troisième génération, aurait une activité encore supérieure et notamment une activité importante chez les malades atteints de métastases cérébrales et méningées.
L’essai CROWN, dont les premiers résultats sont présentés ici, est un essai randomisé de phase III comparant le lorlatinib au crizotinib en première ligne chez des patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules avec translocation ALK-EML4.
Pour être éligibles, les patients devaient avoir un PS 0 à 2, ne devaient avoir reçu aucun traitement antérieur pour un cancer métastatique, pouvaient avoir des métastases cérébrales, traitées ou non et asymptomatiques, devaient avoir au moins une lésion extra-cérébrale mesurable. Ils étaient randomisés sue le mode 1/1 pour recevoir par voie orale soit 100 mg/j de lorlatinib soit 250 mg, 2 fois par jour, de crizotinib. Ils étaient stratifiés selon la présence ou non de métastases cérébrales et l’origine ethnique, asiatique ou non. Le crossover n’était pas autorisé.
L'objectif principal était la survie sans progression appréciée par un comité indépendant. Les objectifs secondaires étaient la survie sans progression appréciée par les investigateurs, la survie globale, les taux de réponse y compris cérébrale.
Une analyse intermédiaire était programmée quand approximativement les 3/4 des événements (progression ou décès) seraient observés. L’objectif était d’augmenter la PFS de 11 à 18 mois (HR = 0,611).
Résultats
De 2017 à 2019, 296 patients traités dans 104 centres et 23 pays ont été randomisés. Les caractéristiques des patients des deux groupes étaient bien réparties. Des métastases cérébrales étaient présentes chez 26 et 27% des patients des deux groupes.
A la date de point 103 patients du bras lorlatinib et 31 de ceux du bras crizotinib recevaient toujours le traitement qui leur était assigné et la durée médiane de suivi était respectivement de 18,3 et 14,8 mois.
A cette date, 127 des 296 patients avaient progressé ou étaient décédés :
- 41/149 (28%) dans le bras lorlatinib
- Et 86/147) (59%) dans le bras crizotinib.
La PFS médiane n’était pas atteinte dans le bras lorlatinib et était de 9,3 mois dans le bras crizotinib. Le taux de patients vivant sans progression à un an était de :
- 78% dans le bras lorlatinib
- Et 39% dans le bras crizotinib
Cette différence était importante et significative avec un HR = 0,28 ; 95%CI : 0,19-0,41), p<0,001), et ce pour toutes les catégories de patients prédéfinies.
Le pourcentage de patients était aussi significativement supérieur avec des taux de réponse respectivement de 75 et 58%.
Les données concernant les métastases cérébrales étaient particulièrement intéressantes :
- les taux de réponse cérébrale des patients qui avaient des métastases cérébrales initiales étaient respectivement de 66 et 20%.
- Le pourcentage de patients qui avaient une réponse cérébrale d’au moins 12 mois était de 72 % sous lorlatinib et 0 % sous crizotinib.
- Enfin le nombre de patients vivant sans progression cérébrale à 12 mois était de 96% sous lorlatinib et 60% sous crizotinib.
A la date de point les données de survie ne sont pas matures avec 51/296 patients décédés dont 23 sous lorlatinib et 28 sous crizotinib.
Les profils de toxicités étaient différents. Les effets adverses de tous grades qui sont survenus plus fréquemment chez au moins 10% des patients étaient :
- Sous lorlatinib, l’hypercholestérolémie, l’hypertriglycéridémie, les œdèmes, l’augmentation du poids, les neuropathies périphériques, les troubles cognitifs, l’hypertension, les modifications de l’humeur, et l’hyper lipidémie.
- Sous crizotinib, les diarrhées, les nausées, les troubles visuels, les vomissements, l’augmentation des transaminases, la constipation, la fatigue, l’anorexie, les troubles du goût du goût, et les bradycardies.
Des effets adverses de grade 3 et 4 sont survenus chez 72 des patients recevant du lorlatinib et 56 des patients recevant du crizotinib. Il s’agissait surtout :
- Sous lorlatinib d’une élévation des triglycérides, d’une augmentation du poids, d’une augmentation du cholestérol et d’une hypertension.
- Sous crizotinib d’anomalies biologiques.
Des effets adverses sévères non survenu chez 34 % des patients du bras lorlatinib et 27 % des patients du bras crizotinib.
Des effets adverses entraînant le décès sont survenus chez 7 patients dans chaque bras.
Enfin les patients qui recevaient du lorlatinib avaient une amélioration de leur qualité de vie significativement supérieure à celle des patients qui était sous crizotinib.
Il est donc démontré que chez des patients non antérieurement traités ALK positifs, le lorlatinib entraîne une PFS significativement plus longue, un meilleur taux de réponse et une meilleure qualité de vie. Le lorlatinib présente aussi une remarquable activité cérébrale. Les effets adverses de grade 3/4 sont en revanche plus fréquents sous lorlatinib, essentiellement à cause de l’hyperlipidémie chez les patients qui reçoivent du lorlatinib. Souvenons-nous enfin que ces résultats sont ceux d’une analyse intermédiaire et restons attentifs aux prochains résultats qui seront donnés avec un recul plus important.
Reference
First-Line Lorlatinib or Crizotinib in Advanced ALK-Positive Lung Cancer.
Shaw AT, Bauer TM, de Marinis F, Felip E, Goto Y, Liu G, Mazieres J, Kim DW, Mok T, Polli A, Thurm H, Calella AM, Peltz G, Solomon BJ; CROWN Trial Investigators.
N Engl J Med 2020; 383 : 2018-2029