Cancer

Lorsqu’on réduit les doses d’erlotinib, l’activité reste-t-elle la même ?

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
novembre 2016

Thérapeutique ciblée, EGFR, Biomarqueurs / Facteurs pronostiques et/ou prédictifs

Un certain nombre de médicaments, dont l’erlotinib fait partie, ont été développés jusqu'à approcher la dose maximale tolérée (MTD). Est-ce que ceci est justifié pour les thérapeutiques ciblées ? Les auteurs posent cette question pour l’erlotinib pour le quel la dose de 150 mg/j permet d’obtenir des taux plasmatiques qui, disent-ils, sont 10 à 100 fois supérieurs aux concentrations nécessaires pour inhiber la prolifération des cellules EGFR mutées sur lignées cellulaires.

Mais l’activité est-elle la même chez les patients qui reçoivent des doses réduites ? Pour répondre à cette question, les auteurs ont extrait de la base de données du Dana-Farber Cancer Institute les données cliniques des patients atteints de cancers bronchiques non à petites cellules avec délétion de l’exon 19 de l’EGFR ou mutation L858R, sans mutations de résistance,  traités de 2002 à 2014 par erlotinib dans le but de comparer l’évolution selon les doses d’erlotinib reçues.

Doses d’erlotinib initiales :

La survie sans progression  des 31 patients (16%) traités dès le début à doses réduites (≤ 100 mg/j) a été comparée à celle de 167 (84%) traités initialement à 150 mg :  

  • La survie sans progression  médiane des patients traités à dose normale était de 11,4 mois.
  • Elle était à 9,6 mois chez les patients traités à dose réduite. Cette différence n’était pas significative.

Réduction de doses pendant les 4 premiers mois :

  • Les patients  qui ont commencé à doses normales mais dont la posologie  a été réduite durant les quatre premiers mois ont une médiane de survie sans progression  à 6,9 mois.
  • Ceux qui sont restés à doses élevées pendant les quatre premiers mois ont une survie sans progression  médiane à 9,8 mois.
  • Ceux qui ont commencé leur traitement à doses réduites et sont restés à dose réduite pendant le traitement ont une survie sans progression   médiane à 8,9 mois.

Il n’y avait pas de différence significative entre ces trois catégories de patients.

Réduction de doses et métastases cérébrales

  • Parmi les 108 patients qui avaient des doses réduites au moment de la progression, 17,5 % ont progressé au niveau du cerveau.
  • Parmi les 76 patients qui avaient des doses élevées moment de la progression, 7,8 % ont progressé au niveau du cerveau.

Cette différence n’atteignait pas la significativité (p=0,08).

Survie

  • parmi les 31 patients qui ont commencé leur traitement à dose réduite, 28 (90%). sont décédés
  • parmi les 167 patients qui ont commencé leur traitement à dose normale, 129 (77%). sont décédés

En analyse univariée, la durée médiane de survie était significativement allongée chez les patients qui ont commencé leur traitement à dose élevée (29,4 versus 19,4 mois) (p=0,006). Toutefois en analyse multivariée ajustée sur l’âge, le sexe, la présence de métastases cérébrales, le PS et l’année de début traitement, cet effet n’était plus significatif.

Cette étude rétrospective montre que quand une réduction de doses est nécessaire, les taux réponse, la survie sans progression  et la survie globale restent élevées et même significativement non différentes de celles des patients qui ont reçu des doses élevées. Il faut néanmoins noter qu’il existe des différences mais que celles-ci n’atteignent peut-être pas la significativité par manque de puissance.

Ces résultats sont assez proches de ceux qui sont décrits avec l’afatinib et que nous avions commenté il y a quelques jours (cliquer ici).  Les auteurs tirent argument de ces résultats pour dire qu'il faudrait envisager de développer ces traitements ciblés à  doses  inférieures à la MTD.

C’est une hypothèse mais reconnaissons que cette étude rétrospective n’apporte aucun argument décisif en faveur de celle-ci notamment parce qu’elle est rétrospective et parce qu ‘elle porte sur des effectifs réduits et  surtout parce qu’on ignore les raisons qui ont conduit à entreprendre un traitement à doses réduites ou même à réduire les doses pendant le traitement.

 

 

 

 

 

 

Reference

Activity of erlotinib when dosed below the maximum tolerated dose for EGFR-mutant lung cancer: Implications for targeted therapy development.

Lampson BL, Nishino M, Dahlberg SE, Paul D, Santos AA, Jänne PA, Oxnard GR.

Cancer 2016 ; 122 : 3456-63

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