American Journal of Preventive Medicine

L’usage de la cigarette électronique augmenterait le risque de plusieurs maladies pulmonaires.

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
décembre 2019

Prévention

En septembre dernier, nous avons commenté sur ce site les premières descriptions dans le New England Journal of Medicine de pneumopathies graves en rapport avec l’utilisation de cigarettes électroniques (cliquer ici). Depuis, la description d’autres cas groupés sous le terme d’EVALI (e-cigarette, or vaping, product use associated lung injury) ont été décrits jusqu’à très récemment (cliquer ici). Ces observations ont attiré l’attention du grand public et alimenté un débat qui est toujours en cours. 

A côté de ces manifestations aigues, un lien possible entre l’usage de la cigarette électronique et le développement de pathologies respiratoires chroniques a été suggéré à la fois parce que les aérosols de cigarette électronique contiendraient des produits dont on sait que certains seraient toxiques pour le poumon et aussi parce que des études menées chez l’animal auraient montré que la cigarette électronique pouvait être source d’inflammation pulmonaire. 

L’étude que publient ici deux auteurs de San Francisco est subventionnée par de grands organismes publiques américains tels que le National Institute on Drug Abuse, le National Cancer Institute l’ U.S. Food and Drug Administration Center for Tobacco Products. Elle a été réalisée à partir des données de la Population Assessment of Tobacco and Health (PATH) Study qui est une étude nationale longitudinale débutée en 2013 consacrée à l’effet du tabagisme sur la santé des personnes qui vivent aux USA. L’étude porte sur trois « vagues » de population inclus de septembre 2013 à décembre 2014, d’octobre 2014 à octobre 2015 et d’octobre 2015 à octobre 2016.

Lors de la première « vague », la question suivante a été posée : est-ce que votre médecin ou un autre professionnel de santé vous a dit que vous avez l’une des pathologies suivantes : bronchite chronique obstructive, bronchite chronique, emphysème ou asthme. Le fait de répondre oui à ses questions faisait classer cette personne comme présentant une pathologie respiratoire. La même question était posée aux « vagues » 2 et 3. Par ailleurs, les personnes étaient interrogées non seulement sur leur tabagisme (classés en fumeurs, anciens fumeurs ou non-fumeurs selon les définitions internationales) mais aussi sur leur usage de la cigarette électronique. Sur ce point, ils étaient classés en fonction de leur réponse comme non utilisateurs (même s’ils l’avaient utilisée une ou deux fois), utilisateurs anciens ou utilisateurs actuels. 

Lors de la première « vague », 15,1 % des 32 320 américains présentaient une des pathologies respiratoires définies plus haut et 82,3% n’avaient jamais utilisé de cigarette électronique. 

Le risque ajusté (notamment au tabac), exprimé en odds ratio ajusté (AOR), d’avoir l’une des 4 maladies pulmonaires citées plus haut était lors de la première « vague » associé avec l’usage de la cigarette électronique : l’AOR était à 1,34 chez les anciens utilisateurs de cigarette électronique et à 1,32 chez les utilisateurs actuels. 

De même, une analyse longitudinale effectuée chez les personnes qui n’avaient pas initialement de maladie respiratoire lors de la première vague, montre une augmentation du même ordre du risque ajusté chez les personnes qui avaient utilisé ou continuaient à utiliser la cigarette électronique (AOR à 1,31 et 1,29). 

Enfin, ces risques faisaient plus que s’additionner chez les personnes qui utilisaient en même temps la cigarettes classique et la cigarette électronique ; l’AOR de ces personnes était à 3,3 comparé à un non-fumeur et non utilisateur de cigarette électronique.

La force de cette étude est qu’elle porte sur un grand nombre de sujets. Néanmoins beaucoup de points restent discutables : regrouper la bronchite chronique, l’emphysème et l’asthme est probablement discutable, même si ce regroupement a été fait pour donner plus de puissance à cette étude. La réponse positive à la question « est-ce que votre médecin ou un autre professionnel de santé vous a dit que vous avez l’une des pathologies suivantes … » suffit à dire que cette personne présente une pathologie respiratoire. On nous dit que cette méthode est validée mais on conviendra quand même que cela  expose probablement à des erreurs … Enfin l’usage du tabac comme celui  de la E-cigarette sont uniquement déclaratifs. 

Retenons cependant un point important dans cette étude qui est la première à s’appuyer sur une analyse longitudinale : le risque de la cigarette électronique seule est très inférieur à celui de l’usage simultanée de la cigarette électronique et du tabac. C’est une notion importante quand on sait que beaucoup de fumeurs s’aident de la cigarette électronique pour tenter de diminuer leur tabagisme tout en continuant parallèlement à fumer des cigarettes. Il faut donc informer nos malades du risque de la cigarette électronique dont l’usage doit être court et du fait que ce risque est majoré lorsqu’ils poursuivent parallèlement leur tabagisme. 

Reference

Association of E-Cigarette Use With Respiratory Disease Among Adults: A Longitudinal Analysis 

Bhatta DN, Glantz SA 

Am J Prev Med 2019; in press 000(000) : 1−9

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