Lancet Respiratory Medicine

Nintedanib en phase III dans le mésothéliome : les résultats définitifs de l’étude LUME-Meso.

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
juillet 2019

Mésothéliomes, Thérapeutique ciblée

Il existe beaucoup d’arguments venant d’études in vitro qui démontrent que l’angiogénèse joue un rôle important dans la pathogénie du mésothéliome. L’étude de phase II-IIIMAPS, promue par l’IFCT et conduite par  Gérard Zalcman,  qui comparait cisplatine, pemetrexed et bevacizumab à cisplatine et pemetrexed a démontré  qu’existait comparativement au bras standard un bénéfice de survie significatif dans le bras comportant le bevacizumab  (HR 0,77 [0,62–095]; p=0,0167) (cliquer ici). A la suite de cet essai l’association cisplatine, pemetrexed et bevacizumab a été recommandée par l’ASCO (cliquer ici)

Plus récemment, un autre antigénique, le nintedanib a été étudié et les résultats d’une étude de phase II ont été publiés en octobre 2017 (cliquer ici). Cette étude avait été menée chez 87 patients qui devaient avoir un PS à 0 ou 1, ne pas avoir été traités et présenter des lésions mesurables. Ils étaient randomisés entre :

-      Un bras expérimental comportant 6 cycles de pemetrexed à 500 mg/m2, cisplatine à 75 mg/m2 toutes les 3 semaines et nintedanib par voie orale à 200 mg 2 fois par jour de J2 à J21. 

-      Et un bras standard avec cette même chimiothérapie associée à un  placebo.

Nintedanib et placebo étaient administrés ensuite en traitement de maintenance chez les patients dont la maladie était contrôlée. La survie sans progression était significativement plus élevée dans le bras expérimental à 9,4 vs 5,7 mois avec un HR à 0,56 (0,34-0,91), ces résultats étant particulièrement nets chez les 88% de patients qui avaient une histologie épithélioïde. Il était alors évident que ces résultats devaient être confirmés en phase III. 

Cette étude de phase III à promotion industrielle a été conduite dans 120 centres de 27 pays du monde entier. Compte tenu des résultats antérieurs, seuls les patients atteints d’une histologie épithélioïde ont été inclus dans l’étude. Le reste des critères d’inclusion étaient et les modalités thérapeutiques étaient identiques à ceux de la phase II.

L'objectif principal était la survie sans progression déterminée par les investigateurs. Les objectifs secondaires étaient la survie globale, les taux de réponse et de contrôle de la maladie et la qualité de vie. Quatre cent cinquante patients devaient être inclus. 

Sur 541 patients screenés, 428 ont été randomisés, 229 dans chaque bras et les caractéristiques des patients des deux groupes étaient bien réparties. La durée du traitement et les rapports dose/intensité étaient très proches. Seul le nombre médian de cycles de chimiothérapie différait un peu : il était à 5 dans le bras nintedanib et à 6 dans le bras placebo. 

Comme le montre le tableau ci-dessous, cet essai est totalement négatif et ne confirme donc pas les résultats de l ‘étude de phase II : 

 

Nintedanib

Placebo

p

PFS médiane des investigateurs (mois)

6,8

7

 

HR de PFS (95% CI)

1,01 (0,79-1,30)

0,91

PFS médiane du comité indépendant (mois)

6,8

6,9

 

HR de PFS (95% CI)

0,99 (0,71-1,28)

0,96

Survie médiane (mois)

14,4

16,1

 

HR de survie (95% CI)

1,13 (0,79-1,58)

0,53

Réponses objectives (investigateurs) (%)

45

23

 

Les données de toxicité étaient comparables à celles publiées dans l’étude de phase II, avec respectivement 67% et 56% d’effets adverses de grade ≥3 dans le bras expérimental et dans le bras contrôle,  la neutropénie étant l’événement secondaire rapporté au traitement de grade ≥3 le plus fréquent dans les 2 bras (32 vs 24%). A noter enfin la survenue de 13 (6%) et 7 (3%) cas d’embolies pulmonaires. 

·      Il n’y a pas d’explication évidente au fait que cette étude de phase III ne confirme pas les résultats de l’étude positive de phase II : les caractéristiques des patients des deux groupes étaient globalement les mêmes entre la phase II et la phase III à l’exception des caractéristiques histologiques puisqu’il a été décidé après la phase II d’inclure uniquement des formes d’histologie épithélioïde dans la phase III : ainsi, dans l ‘étude de phase II, il y avait respectivement dans le groupe expérimental et dans le groupe placebo 39 (89%) et 38 (88%) de formes épithéioïdes. Dans l’étude de phase III, il y en a 220 (96%) et 223 (97%). On a du mal à croire que cette différence suffise à expliquer ces résultats et même à gommer tout bénéfice, même non significatif en inversant même les résultats de survie : 18,3 vs 14,2 mois dans l’étude de phase II et 14,4 vs 16,1 mois dans la phase III).  Rappelons que la non confirmation d’un essai de phase II par une étude de phase III est une chose extrêmement banale : de nombreux essais de phase II sont positifs, mais la probabilité que des essais ultérieurs fassent du traitement exploré dans ces essais un standard dans les 5 années suivantes n’est que de 3,8% (cliquer ici). Parmi les nombreux agents antérieurement-vasculaires explorés dans le mésothéliome, pour l’instant seul le bevacizumab a démontré en phase III son activité. 

 

 

 

 

 

Reference

Nintedanib in combination with pemetrexed and cisplatin for chemotherapy-naive patients with advanced malignant pleural mesothelioma (LUME-Meso): a double-blind, randomised, placebo-controlled phase 3 trial.

Scagliotti GV, Gaafar R, Nowak AK, Nakano T, van Meerbeeck J, Popat S, Vogelzang NJ, Grosso F, Aboelhassan R, Jakopovic M, Ceresoli GL, Taylor P, Orlandi F, Fennell DA, Novello S, Scherpereel A, Kuribayashi K, Cedres S, Sørensen JB, Pavlakis N, Reck M, Velema D, von Wangenheim U, Kim M, Barrueco J, Tsao AS.

Lancet Respir Med2019; 7 : 569-580

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