GL Ceresoli et collaborateurs rapportent sur le site en ligne du British Journal of Cancer, les résultats définitifs de leur essai multicentrique (10 centres italiens), de phase 2 en ouvert, évaluant la triple association carboplatine, pemetrexed et bevacizumab dans le mésothéliome pleural, chez des patients non opérables.
Il s’agit du troisième essai de phase 2 rapporté avec le bevacizumab dans cette indication, après les deux essais publiés en 2012 et commentés sur ce site ((/valeur-pronostique-du-statut-mutationnel-determine-sur-ladn-plasmatique et /faut-il-operer-les-cancers-bronchiques-petites-cellules-resecables), mais du deuxième avec une association à base de pemetrexed. Cet essai est donc particulièrement intéressant au moment ou s’achève le grand essai randomisé français de phase 3, MAPS (http://www.ifct.fr), comparant la tripe association cisplatine, pemetrexed et bevacizumab versus le même doublet sans bevacizumab.
Avec un recul médian remarquable de près de 3 ans, l’essai Italien n’a cependant pas atteint ses objectif statistiques, ce qui sera discuté plus loin, mais confirme une médiane de PFS jamais atteinte dans les essais sans bevacizumab, de 6,9 mois, exactement la même que celle de Kindler avec du gemzar, et de Dowell avec du pemetrexed mais surtout une survie globale de 15,3 mois et un taux remarquable de longs survivants à 2 ans de 25,9% identique à celui rapporté par Dowell, (contre 31,3% dans l’essai Kindler, mais 20% dans l’essai d’enregistrement du pemetrexed de Vogelzang). Il convient cependant de rappeler qu’il ne s’agit que d’un essai de phase 2, en ouvert, avec tous les biais de sélection de « bons patients » que cela suppose, ayant de surcroit inclus des patients de PS <1, alors que l’essai Vogelzang (comme l’essai MAPS) avait inclus les patients de PS 2. A l’inverse, il n’y avait pas de limite d’âge dans l’essai italien, l’âge médian n’étant pas rapporté. Par ailleurs, contrairement sans doute à l’essai Vogelzang, plus des 2/3 des patients ont reçu un traitement de seconde ligne dont 18% ont reçu à nouveau du pemetrexed, sans doute après un intervalle libre sans progression, situation dans laquelle l’efficacité du pemetrexed a été déjà rapportée par Ceresoli lui-même, dans un article de Lung Cancer de 2012 commenté sur ce site (/prev-em-onco/2023).
Ces résultats sont cependant un peu inférieurs en ce qui concerne la survie à long terme à ceux de l‘étude de Kindler, qui avait aussi inclus des mésothéliomes péritonéaux et de la vaginale testiculaire. Ceci peut être lié à une infériorité modérée du carboplatine AUC 5 par rapport au cisplatine à 75 mg/m2. Rappelons à cet égard que l’essai français a fait le choix du cisplatine, avec relais par carboplatine, uniquement en cas de toxicité sous cisplatine.
La tolérance reste bonne, avec plus de 85% des patients ayant reçu au moins 4 cures, près de 2/3 ayant reçu au moins 6 cures, soit un nombre médian de cures de 6, la médiane du nombre de cures de maintenance étant encore de 7. Cependant, trois cas de perforations coliques sont rapportés, tous observés chez des patients de plus de 75 ans; l’âge a été limité, à dessein, à 75 ans dans l’essai Français.
Comme dans l’essai Kindler, la survie globale était associée significativement avec un taux de VEGF sérique bas à l’inclusion (analysé sous la forme d’une variable continue, ce qui est plus fiable statistiquement), mais l’analyse ne portait que sur 50% de l’effectif, alors qu’elle sera possible sur un pourcentage plus important de patients dans l’essai MAPS.
Les limites des cette étude portent cependant sur son plan statistique qui prévoyait comme critère principal la PFS, ce qui est logique pour une phase 2, mais dont on connaît la versatilité en matière de mésothéliome, l’analyse de la réponse n’ayant pas été faite en panel, a fortiori indépendant. On rappellera que l’ensemble des dossiers de la phase 2 de MAPS ont pu être revu en panel pour la fiabilité de la PFS et du critère de passage en phase 3. Mais c’est l’objectif statistique qui est très surprenant dans l’étude de Ceresoli, puisqu’il tablait sur une augmentation de 50% de la PFS, de 6 à 9 mois ce qui est rarement observé en cancérologie, même avec des anti-angiogéniques, avec une puissance de seulement 85% ce qui est très bas pour une phase 2 et laisse donc 15% de risques de passer à côté d’un effet positif. Un tel objectif pouvait difficilement aboutir à la positivité de l’essai et visait sans nul doute à limiter l’effectif de l’essai, et donc les coûts liés au bevacizumab. Dans l’essai français MAPS, un objectif réaliste d’incrément du taux de patients non progressifs à 6 mois avait été fixé à 20% (de 40 à 60%), mais avec une puissance de 95%. Surtout, l’objectif de la phase 3 est bien sûr la survie globale avec un objectif d’incrément de 33% (HR=1,33), par rapport à la médiane de l’essai de phase 3 de Vogelzang, de 13 mois à 17,3 mois. L’essai de Ceresoli rapporte lui un gain de 2 mois par rapport au comparateur historique qui correspond à un incrément de 15%. Ainsi, il s’agit du troisième essai dans lequel le bevacizumab apporte une amélioration de survie globale par rapport à l’essai historique de Vogelzang, et tout l’enjeu désormais de l’essai MAPS sera de rapporter un incrément de survie qui soit jugé comme relevant cliniquement, par la communauté scientifique et les autorités de santé, par rapport au coût du bevacizumab, et à la sur-toxicité modérée.
A ce titre, il faut rappeler que cette année, à l’ASCO 2013, un essai portant sur les cancers du col utérin métastatiques, évaluant en phase 3 l’apport du bevacizumab, présentait le même design statistique que MAPS avec le même nombre d’inclusions (445) et un incrément de survie globale de 4 mois jugé de fait relevant cliniquement, et présenté en session plénière. Souhaitons le même sort à MAPS dont les inclusions s’achèveront début novembre 2013.
Reference
Phase II study of pemetrexed and carboplatin plus bevacizumab as first-line therapy in malignant pleural mesothelioma
GL Ceresoli, PA Zucali, M Mencoboni, M Botta, F Grossi, D Cortinovis, N Zilembo, C Ripa, M Tiseo, AG Favaretto, H Soto-Parra, F De Vincenzo, A Bruzzone, E Lorenzi, L Gianoncelli, B Ercoli, L Giordano et A Santoro
Br. J. Cancer 2013, 109, 552–558