Journal of Clinical Oncology

Quel est l’usage des opiacés chez les sujets âgés longs survivants de cancers ?

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
mars 2019

Qualité de vie / Soins palliatifs

Les personnes qui survivent à un cancer sont plus vulnérables que d’autres à la dépendance aux opiacés pour de multiples raisons : ils ont souvent été longtemps exposés aux opiacés pour traiter leurs douleurs cancéreuses, ils ont souvent des douleurs résiduelles, ils ont aussi souvent d’autres dépendances telles que le tabac ou l’alcool et ils sont également anxieux et stressés par leur cancer. De plus, les effets secondaires résiduels de leurs traitements anti-cancéreux peuvent s’additionner à ceux des opiacés et ils ont souvent beaucoup de médicaments à leur domicile dont les toxicités s’additionnent. 

A partir des données de la SEER database (qui couvre 28% de la population) croisées avec celles de Medicare les auteurs ont constitué 3 cohortes de malades atteints de cancers du colon (n=13 501), du poumon (n=11 859) et du sein (n=21 839) entre 2008 et 2013 et âgés d’au moins 66 ans.  Ces malades ne devaient pas avoir été utilisateurs d’opiacés durant l’année qui précédait le diagnostic de cancer. Les auteurs ont également constitué une cohorte de personnes bénéficiaires de Medicare, vivants dans la même région, non atteins de cancers et n’ayant pas reçu d’opiacés à la date du diagnostic (date index appariée avec la date du diagnostic les sujets atteints de cancer). Chaque patient atteint de cancer était apparié avec 3 témoins qui n’avaient pas de cancer. 

Un usage chronique d’opiacés était défini comme l’utilisation de ces médicaments pendant au moins 90 jours. 

Les malades atteints de cancer du poumon et du colon avaient un usage chronique d’opiacés dans les années qui suivaient le diagnostic de cancer plus élevé que dans la population générale. Ce n’était pas le cas des patientes  atteintes de cancer du sein  qui au contraire avaient un usage chronique inférieur à celui de la population générale. 

Par ailleurs, chez les malades qui avaient un usage chronique d’opiacés, ceux qui étaient atteints de cancer prenaient des doses quotidiennes beaucoup plus élevées que ceux qui n’avaient pas de cancer. 

Le tableau ci-dessous résume les données concernant les malades atteints de cancer du poumon comparativement aux témoins. Les doses élevées sont au moins équivalentes à 90 mg de morphine. 

Années après le diagnostic

1

2

3

4

5

6

Usage chronique (%)

Cancer du poumon

5,3

6,9

6,9

6,9

7,7

7,4

Témoins

2,1

3,4

4,2

5

5,8

6,7

Odds ratio

2,55

2,13

1,68

1,41

1,34

1,11

Doses quotidiennes élevées  (%)

Cancer du poumon

29,1

28,7

17,9

25,8

 

 

Témoins 

7,3

6,8

5,7

7,2

 

 

Odds ratio

5,25

5,54

3,65

4,51

 

 

Cette étude démontre que les survivants après un cancer utilisent plus que les autres des opiacés dans un contexte général où, aux USA,  l’usage chronique d’opiacés dans la population générale ne cesse d’augmenter. De ce fait le risque d’utiliser les opiacés diminue avec le temps et rejoint celui de la population générale. En revanche, l’usage des fortes doses est et demeure pendant 4 ans, dans la population qui a un usage chronique d’opiacés beaucoup plus fréquent que dans la population générale.

Cette étude pose plusieurs questions non résolues dont la principale est de savoir si cet usage prolongé des opiacés est ou non légitimé par la persistance de douleurs. Et, si c’était le cas, on ne peut pas savoir s’il s’agit de douleurs résiduelles ou de douleurs liées à la récidive du cancer. 

Enfin ces données sont à interpréter en tenant compte du contexte américain actuel de « crise des opiacés » qui n’est heureusement pas le même qu’en Europe. 

Il n’en reste pas moins que cette étude a le mérite d’attirer l’attention sur une problématique actuelle aux USA qui n’est pas pour l’instant celle de la France où le traitement adapté de la douleur cancéreuse doit rester notre priorité. 

 

Reference

Trends in Opioid Use Among Older Survivors of Colorectal, Lung, and Breast Cancers.

Salz T, Lavery JA, Lipitz-Snyderman AN, Boudreau DM, Moryl N, Gillespie EF, Korenstein D.

J Clin Oncol2019. [Epub ahead of print]

 

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Revue : British Journal of Cancer