Lung Cancer

Quelle est la pratique de la chimiothérapie adjuvante dans 3 pays européens ?

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
octobre 2018

Traitement péri-opératoire, Chirurgie

Cette étude européenne observationnelle et rétrospective dont Christos Chouaid est le premier signataire a été conduite dans 14 centres français, 14 centres anglais et 11 centres allemands de catégories différentes et qui pour 80% d’entre eux déclaraient prendre en charge plus de 40 patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules par mois. Il s’agit d’une étude à promotion industrielle,  le promoteur s’étant impliqué, en collaboration avec les auteurs,  dans la conduite de l’étude et l’analyse des données. 

L'objectif principal de cette étude est de préciser les modalités du traitement des malades opérés d’un cancer bronchique non à petites cellules de stade IB à IIIA dans ces 3 pays. Le deuxième objectif était d’évaluer les modalités évolutives des malades inclus dans cette étude. 

Pour être éligibles les patients devaient avoir été opérés d’un cancer bronchique non à petites cellules complétement réséqué de stades IB à IIIA dans la 7e classification. 

En 3 ans (2009-2011), ces 39 centres ont inclus 868 patients dont 831 étaient éligibles à l’analyse. La durée de suivi médian de ces malades était de 26 mois.  

Il s’agissait en majorité d’hommes, 67% avaient plus de 65 ans, la répartition par stades était à peu près la même, plus de 95% avaient un PS de 0 ou 1. Ils avaient pour 40% d’entre eux des comorbidités cardio-vasculaires et plus de 25% avaient une BPCO ou un asthme. Enfin 11 % avaient des antécédents de cancers d’une autre histologie.    

Au total, 402 patients c'est à dire 48,4% ont reçu une chimiothérapie adjuvante (61,8% en France).  L’utilisation de celle-ci augmentait avec le stade comme le montre le tableau ci-dessous qui indique le pourcentage de malades de chaque stade recevant une chimiothérapie :

Stades

Ensemble

France

Patients recevant une chimiothérapie (%)

IB

15,1

17,2

IIA

52

56,4

IIB

58,2

69,6

IIIA

71,4

84,3

Les raisons de ne pas recevoir de chimiothérapie adjuvante étaient le refus du patient (12,6%), les comorbidités (11,9%), les complications chirurgicales et les délais depuis la chirurgie (8,4%)  et le PS (7%). 

Au total, 272 (32,7%) patients ont récidivé dont 126 à distance sans récidive locale et 238 (28,6%) sont décédés pendant la durée de l’étude. La médiane de survie n’était pas atteinte et la DFS médiane était de 48 mois. 

Cette étude fournit des données précises sur la pratique de la chimiothérapie adjuvante en vie réelle et montre qu’un malade sur deux en Europe occidentale ne reçoit pas le traitement adjuvant. Il existe des disparités entre les trois pays et la France se situe à un niveau un peu meilleur puisque plus de la moitié des cancers de stade II et plus du tiers des cancers de stade IIIA ont reçu une chimiothérapie adjuvante. Si on peut facilement comprendre que le pourcentage des patients présentant un cancer de stade IB soit faible puisqu’une seule étude a démontré un bénéfice chez les malades qui ont un cancer de plus de 4 cm, on ne comprend pas pourquoi ces résultats pour les cancers de stade II et IIIA. On ne comprend pas non plus pourquoi l’usage de la chimiothérapie augmente des IIA aux IIB et des IIB aux IIIA car cette pratique n’est en rien justifiée par la littérature. 

Cette étude comporte des biais liés à son caractère rétrospectif et ce d’autant que seulement certains malades ont été inclus. En effet, 32/39 centres ont déclaré recruter plus de 40 patients par mois atteints de cancer bronchique non à petites cellules et si on admet que les cancers de stade IB à IIIA représentent 30% on peut estimer que les 868 patients inclus dans cette étude ne représentaient qu’environ 5% de leur recrutement.  

Il n’en reste pas moins que plusieurs études ont montré des résultats comparables, en France notamment : 

  • l’étude de Christophe Massard menée dans 4 centres parisiens il y a une dizaine d’années  (cliquer ici pour un accès gratuit) montrait pour la première fois que 40% seulement des patients de ces 4 centres recevaient une chimiothérapie adjuvante.
  • Et plus récemment l’étude TILT dans laquelle moins de 30% des malades opérés d’un cancer de stade II ou III ont reçu une chimiothérapie adjuvante (cliquer ici)

Les raisons invoquées pour expliquer l’absence de traitement adjuvant sont multiples mais ne sont pas suffisantes pour expliquer ces pratiques probablement encore trop hétérogènes d’un centre à l’autre.  Peut-être sont-elles, dans certains centres,  la conséquence de problèmes organisationnels ? Peut être sont elles liées au manque de convictions de certains médecins qui jugent le bénéfice trop faible en regard des inconvénients ?  

Souvenons nous pourtant que la démonstration du bénéfice de survie lié à la chimiothérapie adjuvante, - qui repose sur plusieurs étude de phase III et leur méta-analyse -,  n’est plus à faire. Ce bénéfice est important : par exemple dans la dernière analyse de l’étude JBR-10, avec un temps de suivi médian de près de 10 ans, le taux de survie à 5 ans des patients atteints de cancers opérés d’un cancer de cancer de stade IB ou II passait de 56% dans le bras observation à 67% dans le bras chimiothérapie (cliquer ici pour un accès gratuit).  On réalise combien ne pas faire de chimiothérapie à ces malades représente une réelle perte de chance.

 

 

 

Reference

Adjuvant treatment patterns and outcomes in patients with stage IB-IIIA non-small cell lung cancer in France, Germany, and the United Kingdom based on the LuCaBISburden of illness study.

Chouaid C, Danson S, Andreas S, Siakpere O, Benjamin L, Ehness R, Dramard-Goasdoue MH, Barth J, Hoffmann H, Potter V, Barlesi F, Price M, Chirila C, Hollis K, Sweeney C, Wolowacz S, Kaye JA, Kontoudis I.

Lung Cancer2018; 124 : 310-316

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Thématiques : Épidémiologie, Prévention
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