Quels sont les facteurs prédictifs de l’usage d’opiacés non médicaux chez les patients qui ont des douleurs cancéreuses ?

Aux Etats-Unis, l’utilisation d’opiacés non médicaux est fréquente chez les patients qui ont des douleurs cancéreuses. Cet usage n’est pas sans risque puisque cette utilisation peut s’additionner aux prescriptions médicales et entrainer des surdosages parfois même des décès par overdose. Or il n’y a pas de données sur les facteurs prédictifs de ces comportements, ce qui explique cette étude menée au MD Anderson Cancer Center de Houston.

Pour être inclus, les patients devaient être atteints de cancer et avoir consulté dans une consultation spécialisé de soins de support entre 2016 et 2018. Ils devaient recevoir des opiacés sur prescription médicale et avoir rempli un questionnaire à 14 items, le Opioid Assessment for Patients with Pain (SOAPP-14) explorant notamment, les antécédents d’utilisation de ces substances, les comportements antisociaux, l’état de leur relation médecin-malade, leurs éventuels problèmes psychiatriques. Pour chaque question il y a 5 réponse possibles : jamais (0), rarement (1), quelquefois (2), souvent (3) et très souvent (4). Le lecteur trouvera  (ici) le détail de ces questions. 

Ils devaient également répondre sur l’échelle CAGE-AID  par oui ou non à 4 questions sur leur usage d’alcool et de drogues dont le lecteur trouvera (ici) la liste. Les patients dont le score est de 2 à 4 étaient considérés comme positifs. 

Ils devaient enfin avoir quantifié différents symptômes habituels du cancer sur une échelle visuelle analogique de 0 à 10 et leur PS selon l’échelle de l’ECOG devait être également quantifié. 

Au total 1554 patients dont l’âge médian était de 61 ans étaient éligibles pour cette étude. Parmi ceux-ci :

• 328 (21%) avaient un SOAPP score d’au moins 7, c'est à dire suggestif d’un risque élevé d’utilisation non médiale d’opiacés,
• Et 179 (11,5%) avaient un score CAGE-AID d’au moins 2. 
• Enfin 299 (19%) avaient au moins une fois utilisé un opiacé en en dehors d’une utilisation médicale. 

En analyse multivariée sur un modèle de Cox les facteurs significativement prédictifs de l’utilisation d’un opiacé en en dehors d’une utilisation médicale étaient :

• Le statut marital :
  • Divorcé vs marié,  HR à 1,43, p=0,04.
  • Seul vs marié, HR à 1,58, p= 0,005.
• Le score SOAP : positif vs négatif à 1,35, p=0,02
• L’importance de utilisation de morphine calculée en doses équivalente quotidienne (mg/j)  HR à 1,003 p<0,001.
• Et l’intensité des douleurs HR à 1,11,  p<0,001.

Le sexe, l’âge, l’origine, le tabagisme, le PS  et le score CAGE-AID et tous les autres symptomes quantifiés sur l’échelle d’Edmonton (notamment la fatigue, la dépression, l’anxiété, la sensation de bien être, la qualité du sommeil ou la situation financière) n’étaient pas significativement liés. 

Ces informations pourraient nous être utiles pour guider notre interrogatoire à la recherche d’un usage d’opiacés utilisés en dehors de nos prescriptions et qui seraient responsables de majorer la toxicité de ceux que nous prescrivons.