European Respiratory Journal

Qu’est-ce qu’une tumeur centrale ?

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
avril 2019

Traitement des stades III, Chirurgie, Endoscopie bronchique et pleurale

Lorsque le scanner n’objective pas de ganglions hypertrophiés et la TEP-FDG de ganglions qui fixent le FDG, la plupart des recommandations proposent de n’explorer le médiastin que lorsqu’existent de volumineux ganglions N1, lorsque la tumeur excède 3cm ou lorsque sa localisation est centrale. Mais qu’appelle-t-on une tumeur « centrale » ? Pour l’ACCP, c’est une tumeur qui siège dans le tiers interne de l’hémithorax. Pour le NCCN ou l’ESTs, ce sont les 2/3 internes . Et beaucoup d’autres définitions existent. Alors quelle définition doit-on adopter ? 

Pour répondre à cette question, l’équipe de Séoul qui est à l’origine de ce travail a interrogé le registre chirurgical et le registre EBUS-TBNA de leur établissement pour rechercher les patients explorés en 2014 et 2015 et qui étaient classés N0 sur :

  • Le petit axe ganglionnaire ≤ 1cm,
  • Et une SUV ganglionnaire ≤ 2,5. 

Les tumeurs étaient jugées comme centrales ou périphériques sur :

  • Leur contact avec les structures hilaires telles que une bronche lobaire, une branche lobaire de l’artère pulmonaires (AP), le tronc de l’AP, les veines pulmonaires principales 
  • ou leur situation dans le tiers interne de l’hémithorax 
  • ou dans ses 2/3 internes

Des lignes concentriques étaient tracées qui permettaient de définir le tiers interne, les 2/3 internes ou le contact avec les structures hilaires. 

Ensuite, soit les patients étaient opérés et avaient un curage ganglionnaire, soit étaient explorés par EBUS ou EUS-TBNA. Dans ce cas, les ganglions dans la taille était ≤ 5 mm étaient systématiquement prélevés (3 passages par ganglion). Lorsque que la suspicion clinique était forte et que l’échoendoscopie était négative, une médiastinoscopie été réalisée. La thoracotomie n’était envisagée alors que chez les patients qui n’avaient pas de ganglions médiastinaux envahis.

Résultats

Pendant cette période 1526 patients du registre chirurgical et 159 patients du registre EBUS-TBNA été considéré comme N0.

  • Parmi les 159 du registre EBUS-TBNA, chez 10 d’entre eux, une atteinte ganglionnaire médiastinale N2 ou N3  a été mise en évidence.
  • Parmi les 1526 du registre chirurgical, 199 ont été exclus (pas de curage, antécédents cancéreux, traitement néoadjuvants etc). Sur les 1327 retenus, 83 étaient pN2 ou pN3. 

Ainsi au total 93 (7%) des patients classés N0 étaient classés N2 ou N2 et N3 (n=2). En outre aucun des 27 patients qui ont eu une médiastinoscopie n’avait une atteinte ganglionnaire N2. 

Parmi les facteurs classiques, en analyse univariée, 

  • l’âge, le sexe, le tabagisme,  le siège de la tumeur et l’histologie n’étaient pas associés à un risque d’atteinte ganglionnaire. Le temps entre la TEP-FDG et la chirurgie et le nombre de ganglions ou de chaines ganglionnaires disséquées ne l’étaient pas non plus.
  • Seules la taille tumorale et l’atténuation tumorale au scanner étaient significativement associées au risque d’atteinte N2.

Les critères proposés pour définir une atteinte centrale influencent fortement la proportion de tumeurs centrales qui va, selon la définition utilisée de 9,1 à 80,3%. Avec toutes ces définitions, à l’exception de celle qui propose les 2/3 internes, la caractéristique centrale des tumeurs est en analyse univariée significativement liée à l’atteinte ganglionnaire médiastinale. En analyse multivariée, après ajustement avec la taille de la tumeur et l’atténuation, seule le siège de la tumeur dans le tiers interne était significativement lié à l’atteinte ganglionnaire. 

Cette étude a le mérite de préciser la meilleure définition d’une tumeur centrale. Toutefois il n’est pas habituel dans nos pratiques de réaliser une EBUS ou une médiastinoscopie  lorsque le scanner n’objective pas de ganglions hypertrophiés et lorsque la TEP-FDG n’objective pas de ganglions qui fixent le FDG, et ceci même dans les tumeurs centrales. 

Cette habitude qui s’écarte de beaucoup de recommandations est liée au fait que beaucoup d’entre nous sont persuadés que les « minimal N2 » ont un pronostic bien meilleur que les « clinical N2 » comme Fabrice André l’avait bien montré il y a près de 20 ans (cliquer ici).  Toutefois  ceci ne démontre pas qu’un patient dont la le scanner n’objective pas de ganglions hypertrophiés et la TEP-FDG de ganglions qui fixent le FDG vivra plus longtemps parce qu’il est opéré qu’il ne vivrait  s’il était traité par radiochimiothérapie dans le cas où le diagnostic de N2 serait fait par EBUS ou EUS. 

La discussion de l’abord ganglionnaire systématique des tumeurs centrales doit avoir lieu au moins chez les malades fragiles chez les quels la chirurgie a un risque élevé. Ainsi  si nous explorons mieux les tumeurs de grand volume sans ganglions visibles ou hypertrophiés, les patients qui ont une importante atteinte N1 et les patients dont la tumeur est centrale nous pourrons probablement récuser un certain nombre de thoracotomies au moins chez les patients à risque chirurgical élevé. 

 

 

Reference

Which definition of a central tumour is more predictive of occult mediastinal metastasis in nonsmall cell lung cancer patients with radiological N0 disease?

Shin SH, Jeong DY, Lee KS, Cho JH, Choi YS, Lee K, Um SW, Kim H, Jeong BH.

Eur Respir J2019; 53(3). pii: 1801508

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