European Respiratory Journal

Retrouve-t-on dans la vie courante les résultats des essais cliniques ?

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
décembre 2018

Traitement des stades IV, Méthodologie / Essais thérapeutiques

On entend souvent dire qu’on ne retrouve pas dans la vie courante que certains appellent « la vraie vie »  les mêmes résultats que dans les essais thérapeutiques. Convaincus de cela, les auteurs de cette étude ont cherché à le confirmer chez des malades atteints de cancers bronchiques non à petites cellules métastatiques. 

Pour ce faire, ils ont travaillé à partir des données d’un registre qui recueille de façon prospective, de 7 hôpitaux non universitaires hollandais qui prennent en charge plus de 12% de la population hollandaise. Ces données ont été analysées pour les cancers métastatiques inscrits dans ce registre pour la période 2008 à 2014. Elles comportent des informations assez complètes, notamment sur le stade, le PS et les comorbidités. 

Le traitement de première ligne est défini comme le premier traitement systémique et tout deuxième  traitement, instauré à partir de 90 jours après la fin du traitement de première ligne, est considéré comme un traitement de deuxième ligne. 

Pour chaque patient, la survie a été calculée à partir de la date du premier traitement et comparée à la médiane de survie de grands essais ayant exploré le traitement qu’a reçu le malade.

A partir de ce registre, 2989 patients ont été diagnostiqués dont seulement 1214 (41%) ont reçu un traitement systémique de première ligne. Leur âge médian était de 63 ans, 57% étaient des hommes, et respectivement 54%, 26%, 19% et 2% avaient 0, 1, 2-3 ou ≥4 comorbidités. Quant au PS, il était à 0-1 dans 84% des cas, ≥2 dans 11% des cas et inconnu dans 5% des cas. 

Neuf groupes de traitement de première ligne ont été constitués : cisplatine et pemetrexed ou gemcitabine, carboplatine et pemetrexed, ou gemcitabine, ou paclitaxel et bevacizumab ou docetaxel, gefitinib et erlotinib chez des mutés EGFR et «autres».     `

Pour chaque groupe de traitement, les survies des patients de ce registre étaient significativement inférieures à celles des durées médianes de survie des essais cliniques et cela qu’il s’agisse des chimiothérapie (par exemple pour les patients traités par cisplatine pemetrexed la survie médiane de ces patients était à 8,9 mois vs 10,19 mois dans les essais cliniques) ou pour le gefitinib à 21,19 mois vs 24,9 mois). De ce fait pour l’ensemble de ces malades la durée médiane de survie était de 8,02 mois, vs 10,94 mois pour les malades des essais cliniques. 

Les auteurs concluent que la survie des patients atteints de cancers bronchiques non à petites cellules métastatiques et traités dans ce qu’ils appellent la « vraie vie » est presque de 25% plus courte que celle des malades traités dans les essais cliniques. 

On peut penser,  comme beaucoup le pensent que ces résultats sont dus essentiellement à une « meilleure sélection » des patients. 

En fait, la lecture attentive de cet article et des tableaux qui l’accompagnent montre  que les malades de ce registre ne sont pas les mêmes que ceux des essais cliniques et surtout qu’ils n’ont pas été traités exactement de la même façon.

Les malades de ce registre n’ont notamment pas exactement les mêmes PS que ceux des essais cliniques mais ces différences ne sont pas importantes. Ils  n’ont pas non plus  le même stade que les malades inclus dans les essais clinique comme le montre le tableau ci-dessous. La population étudiée ici ne comporte que des stades IV alors que les essais cliniques incluent aussi des cancers de stades III traités par traitement systémique exclusif (du fait d’une contre-indication à la radiothérapie et à la chirurgie) et ces malades ont en général un meilleur pronostic.

 

Stades IV %

 

Essais cliniques

Cette population

DDP-PEM 

87,8

100

DDP-GEM

72,1

100

CADDP-PEM

82

100

CADDP-GEM

67,9

100

CADDP-PAC-BEVA

89,3

100

CADDP-DOC

72

100

Gefitinib 

87,6

100

Erlotinib 

89

100

De plus, les malades traités dans cette étude ont moins souvent reçu la totalité du traitement qu’ils auraient dû recevoir (tableau ci-dessous) et moins souvent reçu de traitement de deuxième ligne   

 

Pourcentage de patients 

 

Essais cliniques

Cette population

Malades ayant reçu la totalité du traitement prévu

61

56

Malades ayant reçu un traitement de deuxième ligne 

46

34

Or ces différences de durée du traitement et de traitement de deuxième ligne peuvent influer aussi de façon importante sur la survie. 

Enfin, dans les essais cliniques la survie est calculée à partir de la date d’inclusion et elle est ici calculée à partir de la date de début du traitement ce qui est différent. 

On voit bien à la lecture de ces résultats combien comparer les malades d’un registre à ceux des essais randomisés est hasardeux. Le but que nous devons poursuivre n’est donc pas de dire toujours que les malades des essais sont sélectionnés mais de traiter les malades qui ne sont pas dans les essais mais qui ont les mêmes caractéristiques que ceux des essais exactement comme dans les essais … Et il n’y a alors aucune raison pour que nous ne reproduisions pas dans la « vraie vie » les résultats des essais cliniques. 

 

 

 

 

 

 

Reference

Systematic evaluation of the efficacy-effectiveness gap of systemic treatments in metastatic NSCLC.

Cramer-van der Welle CM, Peters BJM, Schramel FMNH, Klungel OH, Groen HJM, van de Garde EMW; Santeon NSCLC Study Group.

Eur Respir J2018 Nov 28 [Epub ahead of print]. 

 

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Thématiques : Épidémiologie, Prévention
Revue : British Journal of Cancer