Lancet

Segmentectomie ou lobectomie pout les tumeurs de petit volume : JCOG0802/WJOG4607L une étude japonaise de non infériorité de phase III

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
mai 2022

Chirurgie

En 1995 les résultats d’un essai randomisé mené chez 247 patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules de stade T1N0 comparant  la lobectomie à la résection limitée étaient publiés (cliquer ici). Parce que cet essai avait montré un taux plus élevé de récidives et de décès dans le bras résection limitée, la lobectomie était restée le standard du traitement chirurgical des CBNPC de stades précoces. Les résections limitées n’étaient réservées qu’aux patients dont les valeurs fonctionnelles ou les comorbidités contre-indiquaient la lobectomie. 

Au Japon plusieurs études ont été conduites successivement aboutissant à la notion que la segmentectomie pouvait être une alternative à la lobectomie dans les tumeurs périphériques de taille ≤ 2cm. C‘était l’objectif de l’essai JCOG0802/WJOG4607L de le confirmer dans un essai de non-infériorité. 

Cet essai multicentrique académique de phase III a été mené dans 70 institutions japonaises. Pour être inclus, les malades :

  • Devaient avoir une tumeur périphérique (tiers externe du parenchyme pulmonaire) de taille ≤2cm avec un rapport de la composante solide à la tumeur d’au moins 0,5.
  • Devaient avoir entre 20 et 85 ans et un PS de 0 ou 1. 
  • Devaient avoir stade cIA dans la 7e classification défini sur un scanner réalisé dans les 56 derniers jours. 
  • Ne devaient ni avoir été opérés du poumon homolatéral, ni avoir reçu de chimiothérapie ou de radiothérapie antérieure pour un cancer thoracique. 
  • Devaient avoir un VEMS postopératoire prévisible d’au moins 800 ml et une PaO2 d’au moins 65 mmHg. 
  • Ne devaient avoir ni infection bactérienne ou fungique active, ni cancer synchrone ou métachrone, ni pneumopathie interstitielle diffuse, ni diabète, HTA ou insuffisance cardiaque non contrôlables.  

Ils étaient randomisés entre lobectomie et segmentectomie avec stratification selon l’institution, le type histologique, le sexe, l’âge et les caractéristiques exclusivement solide ou non. Les procédures chirurgicales incluant un curage ganglionnaire étaient décrites de façon très détaillée. S’il s’avérait après l’intervention que les patients avaient un stade plus étendu (pIb-IIIa) une chimiothérapie adjuvante était recommandée. 

L'objectif principal était la survie globale. Les objectifs secondaires étaient les valeurs fonctionnelles respiratoires, le taux de survie sans récidive, le taux de récidives locales, les durées de séjour. Pour calculer les effectifs, les taux de survie à 5 ans estimés dans les deux groupes étaient de 90% et la marge de non infériorité dans le bras segmentectomie était de 85% (HR à 1,54). Il fallait 1030 patients avec un nombre de décès estimé de 131. Il fallait finalement 1100 patients avec deux analyses intermédiaires réalisées après la moitié et la totalité des inclusions. 

Quatre hypothèses aboutissant à 4 conclusions étaient possibles au terme de cet essai et les auteurs espéraient atteindre l’une d’entre elles comme le montre le tableau ci-dessous : 

Hypothèses

Conclusions

Segmentectomie non inférieure et survie significativement supérieure

Segmentectomie est le nouveau  standard de traitement 

Segmentectomie non inférieure et survie non supérieure mais fonction post-opératoire à un an d’au moins 10% meilleure après segmentectomie

Segmentectomie est le nouveau  standard de traitement

Segmentectomie non inférieure et survie non supérieure et fonction post-opératoire à un an non supérieure après segmentectomie

La lobectomie reste le standard de traitement 

Segmentectomie ni supérieure ni inférieure ni sur la survie ni sur les objectifs secondaires 

La lobectomie reste le standard de traitement

Résultats

De 2009 à 2014, 1319 patients ont été inclus dans 70 institutions japonaises et 1106 patients ont été randomisés en lobectomie (n=554) ou segmentectomie (n=552). Les 213 patients non randomisés l’ont été principalement parce qu’il ne s’agissait pas de cancer à l’examen histologique, que l’histologie était différente ou  qu’il y avait une un envahissement ganglionnaire ou des difficultés techniques empêchant de faire le geste prévu. 

Les caractéristiques des patients des deux groupes étaient bien réparties. On retiendra notamment que 83 % des patients avaient un stade pIa  et que le diamètre tumoral moyen était de 1,6 cm. 

Aucun décès postopératoire ni à 30 jours ni à 90 jours n’a été observé dans les deux bras. Parmi les patients qui ont eu une une lobectomie ou une segmentectomie respectivement  26 % et 27 % ont eu une complication de grade ≥2. 

Près de 9 interventions sur 10 ont été réalisées en vidéochirurgie. 

Les chiffres de survie globale et de survie sans récidive avec un suivi médian de 7,3 ans figurent sur le tableau ci-dessous : 

 

Lobectomie

Segmentectomie

p

n

554

552

 

Taux de survie à 5 ans (%)

91,1

94,3

 

HR de survie (95% CI) 

0,66 (0,47-0,92)

<0,0001

Taux de survie sans récidive à 5 ans (%)

87,9

88

 

HR de survie sans récidive (95% CI)

0,99 (0,75-1,32)

0,98

On notera que le p indiqué dans ce tableau concerne la non infériorité. Compte tenu de la différence de survie observée, les auteurs ont également calculé un p de supériorité qui est à 0,0082. L’amélioration de la survie globale a été observée parmi tous les groupes de patients prédéfinis.

Significativement plus de récidives locales ou régionales sont survenues chez les patients qui avaient eu une segmentectomie que chez eux qui avaient eu une lobectomie (11 vs 5 % p=0,0018). Cependant les taux de récidive globale incluant les récidive à distance et locorégionales étaient similaires dans les deux groupes.

Si le nombre de décès par cancer broncho-pulmonaire est pratiquement le même dans les deux groupes (28 et 26), en revanche il y a  plus de patients décédés d’autres causes dans le groupe lobectomie (52 vs 27) du fait d’un excès de décès par autres cancers (31 vs 12) ou par autre causes (21 vs 15) notamment par maladie respiratoire ou cérébrovasculaire). 

Chez les patients qui ont subi une segmentectomie, les réductions médianes du VEMS étaient à 6 et 12 mois respectivement de 10,4 et six et 8,5 %. Elles étaient de 13,1 et 12% chez ceux qui avaient et une lobectomie.  

Cet essai est donc le premier essai qui montre la supériorité de la survie après  segmentectomie sur la survie après lobectomie,  et ce bien que le taux de récicidives locorégionales après segmentectomie soit significativement plus élevé. Ceci amène les auteurs à conclure que la segmentectomie doit être le nouveau standard de traitement des patients opérés pour une tumeur périphérique (tiers externe du parenchyme) dont la taille n’excède pas 2 cm.  Signalons aussi que l’essai de phase III CALGB 140503 sponsorisé par le NCI compare également la chirurgie limitée à la lobectomie chez 701 patients opérés d’un cancer de stade Ia dont la taille n’excède pas 2cm. L'objectif principal de cet essai est la survie sans maladie et cet essai devrait atteindre son objectif en 2024. Cet essai néanmoins est différent de l’essai japonais car il explore la segmentectomie ou la résection en « wedge » ce qui est possiblement différent (cliquer ici) . 

Reference

Segmentectomy versus lobectomy in small-sized peripheral non-small-cell lung cancer (JCOG0802/WJOG4607L): a multicentre, open-label, phase 3, randomised, controlled, non-inferiority trial.

Saji H, Okada M, Tsuboi M, Nakajima R, Suzuki K, Aokage K, Aoki T, Okami J, Yoshino I, Ito H, Okumura N, Yamaguchi M, Ikeda N, Wakabayashi M, Nakamura K, Fukuda H, Nakamura S, Mitsudomi T, Watanabe SI, Asamura H; West Japan Oncology Group and Japan Clinical Oncology Group.

Lancet 2022; 399 :1607-1617

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