Lancet oncology

Toxicité cardiaque de l’immunothérapie : une importante étude rétrospective

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
décembre 2018

Immunothérapie, Effets secondaires des médicaments

Les complications cardio-vasculaires des inhibiteurs de points de contrôle immunitaires, commencent à être bien décrites. La plupart du temps, il ne s’agit néanmoins que de case report ou de petites séries.

Les atteintes cardiaques les plus fréquemment rapportées sont les myocardites.

La publication de Salem et al publiée ce mois-ci dans le Lancet Oncology, concerne un travail considérable, basé sur des données issues de data base de pharmaco-vigilance de l’OMS (VigiBase) recensant tous les effets secondaires liés aux traitements et  notamment les immunothérapies (IO). Dans cette analyse rétrospective de Novembre 1067 à Janvier 2018, les auteurs ont ainsi pu évaluer le lien entre IO et toxicité cardiovasculaire, en déterminant un odds ratiorapporté, et en estimant « l’information component » (IC) qui permet d’estimer le signal de causalité en comparant les taux de complications constatées par rapport aux taux attendus. Une valeur d’IC 025 supérieure à zéro est considérée comme significative.

L’étude porte sur 31321 effets secondaires rapportés sous IO, et 16343451 effets secondaires rapportés quelle que soit le traitement administré. `

On retiendra essentiellement :

  1. que les myocardites sont particulièrement fréquentes sous IO par rapport aux autres traitements quels qu’ils soient (respectivement 0.39% versus 0.03%, odds ratio11·21 [95% CI 9·36–13·43]; IC0253·20). La fréquence est plus élevée sous anti PDL1 que sous anti CTLA4, mais nettement moins que sous l’association des deux (respectivement 0.41%, 0.07% et 1.33%). Le taux de mortalité associé est élevé (50%) ?
  2. Les atteintes péricardite sont également fréquentes (OR 3·80 [3·08–4·62]; IC0251·63), ainsi que les vascularites (OR 1·56 [1·25–1·94]; IC025 0·03), Les péricardites sont plus fréquentes avec les anti PD1 ou anti PDL1 alors que les vascularites (pouvant aller jusqu’à la cécité en cas d’artérite temporale) seraient en revanche plus classiques avec les anti CTLA4 en traitement des mélanomes.
  3. Ces effets secondaires surviennent généralement rapidement, parfois même dès la première injection notamment pour ce qui concerne les myocardites. 
  4. Il pourrait y avoir un rôle de la radiothérapie thoracique dans la survenue des péricardites sous anti PD1 ou anti PDL1, de par la présence d’antigènes communs reconnus par les lymphocytes T.
  5. Ces effets secondaires seraient plus fréquemment retrouvés chez les hommes (il est vrai plus souvent traités par IO eu égard au sex ratio actuel des patients ayant un cancer du poumon) alors que classiquement les maladies auto immunes sont plus volontiers retrouvées chez les femmes. 

Il s’agit d’une étude gigantesque mais qui bien sur donne des résultats rétrospectifs issus de base de données qui permettent de formuler des hypothèses nécessitant ensuite d’être confirmées, notamment via des essais prospectifs. D’autre part, cette base de données comporte de nombreuses données manquantes, notamment sur l’âge des patients, les posologies administrées, les délais d’apparition des effets secondaires…et il est difficile de déterminer avec certitude combien de patients ont été exposé à un médicament en réalité, pour véritablement estimer la fréquence de survenue de l’effet secondaire. Pour autant, cette étude apporte des informations impossibles à obtenir via les essais cliniques, qui sont de trop petite taille et qui concernent des patients trop sélectionnés. 

 

 

Reference

Cardiovascular toxicities associated with immune checkpoint inhibitors: an observational, retrospective, pharmacovigilance study.

Salem JE, Manouchehri A, Moey M, Lebrun-Vignes B, Bastarache L, Pariente A, Gobert A, Spano JP, Balko JM, Bonaca MP, Roden DM, Johnson DB, Moslehi JJ.

Lancet Oncol. 2018 Nov 9. [Epub ahead of print]

 

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