Lancet oncology

Toxicité cardiaque de l’immunothérapie : une revue de la littérature

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
septembre 2018

Immunothérapie, Effets secondaires des médicaments

L’utilisation des inhibiteurs de checkpoints chez un grand nombre de patients après leur approbation par les autorités de santé, a permis de voir apparaître des effets secondaires plus rares que les « classiques » rapportés dans les essais cliniques. Ainsi, plusieurs cas d’atteintes cardiaques ont été soit publiés sous formes de case report, soit présentés lors de congrès. La revue que nous présentons ici se propose de reprendre les données issues des bases de données de pharmacovigilance et des méta analyses, et de faire une synthèse des connaissances sur le sujet.

Épidémiologie :

Il s’agit d’une pathologie rare mais pas exceptionnelle puisque dans la base de données de pharmacovigilance du nivolumab, on retrouvait une incidence d’environ 0.09% (18 cas rapportés sur 20594 patients). Les cas étaient plus nombreux parmi les patients traités par nivolumab et ipilimumab comparés au seul nivolumab.  Dans une méta-analyse ayant repris les toxicités issues de 22 essais cliniques, les toxicités cardiaques sont un tout petit peu plus fréquentes mais restent faibles, autour des 1 à 2%.

Facteurs de risque :

Les auteurs ont listé ce qui pourrait constituer des facteurs de risque potentiels :

  • Liés au traitement : les associations d’inhibiteurs de checkpoint, les immunothérapies associée à d’autres traitements cardio-toxiques (tels que les inhibiteur de la tyrosine kinase anti VEGF par exemple)
  • L’associations à d’autres effets secondaires immuns
  • Les antécédents cardio-vasculaires du patient
  • Les antécédents personnels de maladies auto immunes
  • Des facteurs liées à la tumeur elle-même ou à un état inflammatoire important, une sécrétion de TNF alpha…
  • Et de potentiels facteurs génétiques non identifiés.

Types d’atteinte cardiaque :

Tous les troubles cardiaques peuvent être décrits sous immunothérapie, qu’ils aient ou non une traduction sur la fonction ou non

  • Troubles du rythme, troubles de la conduction…
  • Défaillance cardiaque gauche non inflammatoire
  • Myocardites (médiées par les lymphocytes T et les macrophages)
  • Péricardite avec ou sans tamponnade
  • Infarctus
  • Syndrome de Takotsubo

Prise en charge

Comme souvent, la prise en charge idéale est pluridisciplinaire et fait appel à la collaboration entre l’oncologue et le spécialiste d’organe en rapport avec la toxicité. Néanmoins les auteurs proposent une stratégie de prise en charge

  • Dépistage à la base line des antécédents, des taux de BNP et de troponine, ECG et échographie cardiaque. 
  • Surveillance sous traitement, des mêmes paramètres jusqu’à la 4eme dose, à espacer secondairement sauf chez les patients à risques
  • En cas d’apparition de nouveaux symptômes, faire appel au spécialiste.
  • Arrêt de l’IO pour les cas de myocardites, de troubles récents de la conduction, d’IDM, de tachycardie ou fibrillation ventriculaire. Néanmoins la longue demi vie des molécules impose de ne pas se contenter d’attendre un éventuel retour à la normale mais d’associer un traitement spécifique adapté.

Il s’agit donc d’une toxicité probablement moins rare que ce que l’on pourrait croire. Tous les aspects (rythme, conduction, fonction, vascularisation…) cardiaques peuvent être concernés. La physiopathologie de ces effets secondaires est mal connues, même chez les patients ayant eu une autopsie. Le dépistage et la surveillance tels que proposés par les auteurs peuvent paraitre très lourds mais néanmoins, pourraient sembler justifier si l’on utilise un doublet d’IO. Des biomarqueurs prédictifs de ces toxicités seraient dans tous les cas particulièrement intéressants.  Les effets d’une réintroduction d’une immunothérapie en cas d’arrêt pour toxicité cardiaque ne sont pas connus. 

Reference

Immune checkpoint inhibitors and cardiovascular toxicity.

Lyon AR, Yousaf N, Battisti NML, Moslehi J, Larkin J.

Lancet Oncol2018;19 : e447-e458

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Thématiques : Épidémiologie, Prévention
Revue : British Journal of Cancer