Journal of Clinical Oncology

Traitement par Romiplostim des thrombopénies induites par la chimiothérapie

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
novembre 2019

Qualité de vie / Soins palliatifs, Effets secondaires des médicaments

La thrombopénie est un effet adverse habituel de la chimiothérapie et une cause fréquente de report ou de diminution de doses de ce traitement et aucun traitement, en dehors des transfusions plaquettaires, n’est disponible.    

Récemment le romiplostim un agoniste du récepteur de la thrombopoiétine, le facteur de croissance qui stimule la production de plaquettes, a été développé. Administré par voie sous cutanée, il est actuellement indiqué chez l'adulte présentant un purpura thrombopénique auto-immun idiopathique (PTI) chronique, réfractaire aux autres traitements.

L’étude que nous commentons ici est une étude de phase II qui explore l’utilisation du romiplostim chez les patients traités pour une tumeur solide par une chimiothérapie ayant une toxicité plaquettaire. Ils doivent présenter une thrombopénie inférieure à 100 000 plaquettes depuis  au moins 4 semaines et cela malgré une réduction de doses ou un allongement du délai depuis la précédente chimiothérapie. Les causes d exclusion sont nombreuses, notamment ils ne doivent pas avoir reçu de chimiothérapie durant les 14 derniers jours et doivent avoir un PS ≤2 , ils ne doivent pas avoir d’antécédents d’hémopathies malignes, d’hémoglobine <8 g/dL (en dépit des transfusions) ou de granulopénie <1000/µL (en dépit de l’administration de GCSF). 

Cet essai de phase II randomisé compare l’administration de romiplostim hebdomadaire à la seule observation. 

C’est un essai monocentrique à promotion institutionnelle qui a été conduit au Memorial Sloan Kettering Cancer Center de 2014 à 2018. Son objectif principal est de démontrer que le romiplostim est plus efficace que le contrôle pour amener le taux de plaquettes à 3 semaines à au moins 100 000 /µL. Les objectifs secondaires sont la toxicité (notamment les complications thrombo-emboliques) et la reprise de la chimiothérapie pendant au moins 8 semaines ou 2 cycles sans réduction de doses ou retard. Une analyse intermédiaire était prévue lorsque 8 patients du bras observation et 15 du bras expérimental atteindraient la date définie pour l'objectif principal. 

Il était prévu de randomiser sur un mode 2/1 60 patients en espérant faire passer en 3 semaines le taux de plaquettes supérieur à 100 000 de 60 dans le bras standard à 90 dans le bras expérimental. 

Soixante patients ont été inclus et les caractéristiques des patients des deux groupes étaient bien réparties. Sept de ces patients avaient un cancer broncho-pulmonaire. 

0bjectif principal 

Lorsque les délais retenus pour l’analyse intermédiaire ont été atteints chez les 15 patients du bras expérimental et les 8 du bras standard l’analyse intermédiaire qui était prévue a été réalisée. A 3 semaines :

  • 14/15 (93%) patients du bras expérimental avaient un chiffre de plaquettes supérieur à 100 000,
  • Et c’était le cas de seulement 1/8 (12,5%) patient du bras standard. 

Dans le bras expérimental le compte plaquettaire moyen est passé en 2 semaines de 63 000 à 141 000. En revanche il n’y a pas eu pendant les 3 premières semaines d’augmentation significative des plaquettes chez les malades du bras standard pour les quels des transfusions plaquettaires ont été nécessaires dans 2 cas. À noter enfin que le crossover était autorisé. Six des 7 patients du bras standard qui ont reçu du romiplostim ont corrigé leur thrombopénie dans les trois semaines. 

Après cette analyse intermédiaire objectivant un bénéfice significatif du romiplostim (p<0,001), il n’était pas évident que la poursuite d’un essai randomisé soit nécessaire et l’essai a été converti en un essai ouvert dans lequel tous les malades ont reçu du romiplostim. Quarante quatre des 52 patients qui ont reçu du romiplostim ont corrigé leur thrombopénies dans les 3 semaines avec des doses identiques de celles délivrées pour le traitement du purpura thrombopénique. 

Objectifs secondaires 

Ces 44 patients qui ont reçu soit initialement soit secondairement du romiplostim et qui ont corrigé leur thrombopénies en 3 semaines ont repris leur chimiothérapie tout en poursuivant le romiplostim. Chez 3 d’entre eux seulement les doses de chimiothérapie ont dû être réduites ou la chimiothérapie retardée du fait d’un nouvel épisode de thrombopénie. 

Six événements thrombo-emboliques, dont 2 embolies pulmonaires ont, été  observés et le romiplostim n’a pas été interrompu. Un patient qui avait un cancer bronchique non à petites cellules métastatique a eu sous traitement un infarctus du myocarde à 3 mois et un accident vasculaire cérébral ischémique à 15 mois.   

Il a fallu peu de malades pour que cette étude de phase II démontre l’activité du romiplostim pour le traitement des thrombopénies induites par la chimiothérapie des cancers solides et il n’est pas certain que les événements secondaires thrombo-emboliques puissent être rapportés au traitement car la fréquence de 10% en 12 mois qui est rapportée ici est proche de celle qui est rencontrée habituellement lors du traitement des cancers métastatiques. 

Les quelques données rétrospectives disponibles et cette étude monocentrique de phase II suffiront-elles à obtenir l’enregistrement du romiplostim (et si oui quelle en sera l’indication) et si le prix de ce traitement sera compatible avec son utilisation en oncologie ?   

Reference

Romiplostim Treatment of Chemotherapy-Induced Thrombocytopenia.

Soff GA, Miao Y, Bendheim G, Batista J, Mones JV, Parameswaran R, Wilkins CR, Devlin SM, Abou-Alfa GK, Cercek A, Kemeny NE, Sarasohn DM, Mantha S.

J Clin Oncol 2019; 37 : 2892-2898

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