Annals of Oncology

Caractéristiques des patients qui ont une mutation EGFR en France : une étude réalisée à partir de l’étude Biomarqueur France.

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
novembre 2017

EGFR, Biomarqueurs / Facteurs pronostiques et/ou prédictifs

Cette étude, réalisée par Charlotte Leduc et Michele Beau-Faller, a été effectuée à partir de la base de données de l’étude Biomarqueurs France conduite par l’IFCT à la demande de l’INCa et dont Fabrice Barlési était l’investigateur principal (cliquer ici).

Son but était de décrire les caractéristiques cliniques et évolutives des patients inclus dans l’étude Biomarqueurs France qui avaient une mutation EGFR.

Des mutations de l’EGFR ont été retrouvées sur 1837 spécimens tumoraux c'est à dire 11% des malades. Les différents types de mutations sont décrits exon par exon : la majorité (89%) intéressaient les exons 19 et 21. Il a été retrouvé également des mutations des exons 18 et 20 et 42 mutations non publiées précédemment ont été identifiées.

Les caractéristiques cliniques des patients présentant un cancer de stade IV (n=848) ont été ensuite étudiées : parmi les patients qui présentaient des mutations des exons 18 et 20, plus de 50% étaient fumeurs ou anciens fumeurs, alors que seulement 36 et 42% des malades qui avaient une mutation des exons 19 ou 21 l’étaient. Des antécédents familiaux de cancer ont été retrouvés chez 55% des patients qui avaient des mutations de l’exon 20.

La nature du traitement de première ligne était connue chez 818 (96%) des patients de stade IV. Dans 59% des cas, il s’agissait d’un inhibiteur de la tyrosine kinase de l’EGFR et dans 27% d’une chimiothérapie. Le type de traitement de première ligne était adapté à la connaissance de mutations EGFR dans 71% des cas et les patients qui avaient des mutations des exons 19 ou 21 avaient une plus forte probabilité de recevoir un inhibiteur de la tyrosine kinase en première ligne que ceux qui avaient une mutation des exons 18 ou 20. Enfin plus du tiers des patients traités en première ligne par chimiothérapie n’ont pas reçu d’inhibiteur de la tyrosine kinase de l’EGFR en deuxième ligne.

Avec un suivi médian de 51,7 mois, la médiane de survie était de 19 mois. En analyse multivariée un PS élevé et une histologie de cancer à grandes cellules étaient associés à un plus mauvais pronostic. Au contraire, le caractère non-fumeur était associé à un meilleur pronostic.

Le type de mutation était également pronostique :

  • La survie était plus longue chez les patients qui avait une mutation de l’exon 19 (HR = 0,51 (95% CI : 0,41– 0,64), p < 0,0001)  ou de l’exon 21(HR = 0,76 (95% CI : 0,61– 0,95), p = 0,002)  que chez les patients sauvages.
  • La survie au contraire était plus courte chez les patients qui avait une mutation de l’exon 20 (HR = 1,56 (95% CI : 1,02-2,38), p = 0,004) 
  • Enfin  le type de traitement de première ligne n’est pas associé à la survie en analyse multivariée.

La durée médiane de survie sans progression était de 9,8 mois, 11 mois pour les patients qui ont reçu un inhibiteur de la tyrosine kinase et 6,4 mois pour ceux qui ont reçu une chimiothérapie.  Elle était significativement plus longue chez ceux qui avaient une mutation de l’exon 19. L’administration d’un inhibiteur de la tyrosine kinase en première ligne était associée à une meilleure survie sans progression.

Les durées médianes de survie et de survies sans progression, globale et sous inhibiteur de la tyrosine kinase (/TKI) étaient très liées aux types de mutation comme le montre le tableau ci-dessous :

Mutations

PFS  L1 (mois)

PFS  L1/TKI  (mois)

Survie globale (mois)

Exon 18

6,4

14,6

12,2

Exon 19

11,1

12,9

22,6

Exon 20

3,9

2,7

8,3

Exon 21

9,1

10,1

16,2

Non mutés

4,4

1,6

7,9

Plusieurs résultats intéressants peuvent être retenus de cette étude :

  • Il existe une proportion élevée de fumeurs ou d’anciens fumeurs chez les patients qui ont une mutation de l’exon 18 ou 20.
  • Des antécédents familiaux de cancer sont fréquemment retrouvés chez les patients qui ont une mutation de l’exon 20.
  • Un tiers des cliniciens ne tiennent pas compte du statut EFGR lorsqu’ils prescrivent la première ligne de traitement bien que le retard de la progression et l’amélioration de la qualité de vie plaident pour un traitement de première ligne par inhibiteur de la tyrosine kinase. Ceci est en désaccord avec la plupart des recommandations qui conseillent un traitement par inhibiteur de la tyrosine kinase en première ligne pour les patients qui ont une mutation usuelle (19 ou 21). Il est probable que ceci soit lié au fait que les cliniciens n’ont pas voulu retarder le traitement et attendre les résultats de la recherche de mutations.  Il est donc certain que, au moins dans certains endroits, des progrès soient encore nécessaires pour accélérer la transmission des résultats.
  • Enfin plus du tiers des patients traités en première ligne par chimiothérapie n’ont pas reçu d’inhibiteur de la tyrosine kinase de l’EGFR en deuxième ligne ce qui représente une réelle perte de chances pour eux.  Ceci est un argument de plus pour que tous les patients reçoivent dès la première ligne un inhibiteur de la tyrosine kinase.

Reference

Clinical and molecular characteristics of non-small-cell lung cancer (NSCLC) harboring EGFR mutation: results of the nationwide French Cooperative Thoracic Intergroup (IFCT) program.

Leduc C, Merlio JP, Besse B, Blons H, Debieuvre D, Bringuier PP, Monnet I, Rouquette I, Fraboulet-Moreau S, Lemoine A, Pouessel D, Mosser J, Vaylet F, Langlais A, Missy P, Morin F, Moro-Sibilot D, Cadranel J, Barlesi F, Beau-Faller M; French CooperativeThoracic Intergroup (IFCT).

Ann Oncol 2017; 28 : 2715-2724

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