En 2003 étaient publiés les résultats d'une étude de phase III qui comparait chez 456 patients atteints de mésothéliome cisplatine à cisplatine et pemetrexed et qui pour la première fois démontrait qu’une bithérapie par cisplatine et pemetrexed augmentait significativement la survie des patients (9,3 vs 12 mois) et devenait ainsi le traitement de référence du mésothéliome (cliquer ici). Il a fallu attendre 12 ans pour que ce standard évolue du fait des résultats d’une autre étude de phase III promue par l’IFCT et dont Gérard Zalcman était l’investigateur principal, chez 448 patients. Cette étude, dont les résultats ont été publiés en 2015, démontrait que l’association cisplatine, pemetrexed et bevacizumab augmentait significativement la survie par rapport à la bithérapie de référence (18,7 mois vs 16,1 mois) (cliquer ici). Cette triple association devenait ainsi l’un des standards du NCCN (cliquer ici).
Plus récemment, les résultats de deux études de phase II, l’étude INITIATE (cliquer ici) et l’étude IFCT-1501 MAPS 2 (cliquer ici), explorant l'immunothérapie en deuxième ligne, objectivaient respectivement des taux de réponse à 29 et 28% sous une immunothérapie de deuxième ligne par nivolumab et ipilimumab, des survie sans progression à 6,2 et 5,6 mois et surtout des durées de réponse prolongées à 14,3 et 8,3 mois. Ces résultats intéressant ont conduit le NCCN à propose cette double immunothérapie comme l’un des traitements possible en deuxième ligne (cliquer ici).
Il était donc logique d’explorer cette double immunothérapie dès la première ligne en la comparant à une chimiothérapie par cisplatine et pemetrexed .
C’est l’objectif de cette étude de phase III, l’étude CheckMate 743 dont les résultats sont à nouveau susceptibles de faire évoluer ces standards.
Il s’agit d’une étude internationale et randomisée de phase III conduite dans 103 hôpitaux et 21 pays. Les patients éligibles devaient avoir un mésothéliome thoracique non résécable, un PS ≤1, ils pouvaient avoir reçu une radiothérapie palliative au préalable. Ils devaient aussi avoir une tumeur mesurable. Ils ne devaient pas avoir de métastase cérébrale, à l’exception des métastases cérébrales asymptomatiques traitées par radiothérapie stéréotaxique et non évolutives depuis trois mois. Il ne devaient pas avoir de maladie auto-immune.
Après que tous les participants aient reçu un traitement par acide folique et vitamine B12, ils étaient randomisés (mode 1/1 et stratification selon le sexe et l’histologie épithélioïde ou non) pour recevoir :
- Nivolumab à 3 mg/kg toutes les 2 semaines et ipilimumab à 1 mg/kg toutes les 6 semaines,
- Soit une chimiothérapie associant 75 mg/m2 de cisplatine ou carboplatine AUC 5 et pemetrexed à 500 mg/m2 toutes les 3 semaines. L’absence de bevacizumab dans le bras comparateur était, selon les auteurs, justifiée par le fait que ce standard n’était pas admis partout.
Les traitements ultérieurs étaient laissés à la discrétion des investigateurs.
L'objectif principal était la survie. Les objectifs secondaires étaient la survie sans progression, le taux de réponse, la date d’apparition de la réponse, la durée de réponse, le taux de contrôle de la maladie. Il était prévu d’analyser ces objectifs chez tous les malades et par catégories d’expression de PD-L1. La tolérance était un objectif exploratoire. Il était prévu d’inclure et de randomiser 600 patients et d’observer 473 décès pour détecter un HR à 0,72. Une analyse intermédiaire était prévue à 403 décès.
Résultats
De 2016 à 2018, 713 patients ont été inclus dont 605 étaient éligibles et ont été randomisés (303 dans le groupe expérimental et 302 dans le bras standard).
Au moment de l’analyse intermédiaire défini plus haut le suivi médian était de 29,7 mois et le suivi minimum de 22,1 mois. Les caractéristiques des patients des deux groupes étaient bien réparties.
Le tableau ci-dessous montre que l’objectif principal a été atteint pour l’ensemble des malades :
| Nivolumab et Ipilimumab | Platine et Pemetrexed | p |
Survie médiane (mois) 95%CI | 18,1(16,8-21,4) | 14,1 (12,4-16,2) | |
HR (96,6% CI) | 0,74 (0,60-0,91) | 0,0020 |
Survie à 1 an (%) | 68 | 58 | |
Survie à 2 ans (%) | 41 | 27 | |
La supériorité de l’immunothérapie était plus importante chez les patients qui avaient une histologie non épithélioïde (HR 0,46 (95%CI : 0,31-0,68) que chez ceux qui avaient une histologie épithélioïde (HR 0,86 (95%CI : 0,69-1,08). Ceci ne s’explique pas par une moindre efficacité dans les formes épithélioïdes car la durée médiane de survie des malades traités par immunothérapie était la même dans les formes non épithélioïdes et épithélioïdes (18,1 vs 18,7 mois) mais par une moins grande activité de la chimiothérapie dans les formes non épithélioïdes que dans les formes épithélioïdes (8,8 vs 16,5 mois).
Le bénéfice de l’immunothérapie était supérieur chez les malades qui exprimaient PD-L1 à au moins 1% (HR 0,69 (95%CI : 0,55-0,87) à celui observé chez les malades qui n’exprimaient pas PD-L1 (HR 0,94 (95%CI : 0,62-1,40). Cependant comme pour l’anatomo-pathologie, alors que les durées médianes de survie étaient similaires sous immunothérapie que les malades expriment ou non PD-L1 (18 et 17,3 mois), elles étaient supérieures sous chimiothérapie chez les malades qui n’exprimaient pas PD-L1 (16,5 vs 13,3 mois).
A noter enfin que dans le groupe expérimental 44 % des patients ont reçu un traitement ultérieur donc 3 % une immunothérapie. Dans le bras chimiothérapie 41 % ont reçu un traitement ultérieur dont 20 % une immunothérapie.
Avec une durée de suivi minima pour la survie sans progression de 19,8 mois, la PFS médiane était la même dans les deux bras (6,8 vs 7,2 mois). En revanche le taux de PFS à 2 ans était plus élevé dans le bras immunothérapie que dans le bras chimiothérapie (16 vs 7%).
Si dans les bras immunothérapie et chimiothérapie les taux de réponse étaient les mêmes (40 vs 43%) ainsi que le temps jusqu’à réponse (2,7 vs 2,5 mois), en revanche les durées de réponse étaient plus prolongées sous immunothérapie (11 vs 6,7 mois). Ainsi les proportion de patients en réponse étaient supérieurs dans le bras immunothérapie à 1 an (47 vs 26%) et à 2 ans 32 vs 8%).
Les taux d’évènements secondaires rapportés au traitement de grade de grades 1-2 3 et 4 étaient respectivement de 49%, 26% et 4 % sous immunothérapie et de 50%, 26% et 6% sous chimiothérapie. Les plus fréquents étaient la diarrhée, le prurit et les rash sous immunothérapie et la nausée, l’anémie et la fatigue sous chimiothérapie. Trois (1%) décès rapportés au traitement sont survenus dans le bras immunothérapie (pneumopathie, encéphalite et insuffisance cardiaque) et un (<1%) dans le bras chimiothérapie (aplasie).
Cet article marque un nouveau progrès important dans le traitement des mésothéliomes et cette association est déjà considérée avec cisplatine et pemetrexed et bevacizumab, cisplatine et pemetrexed comme l’un des 3 standards de traitement du mésothéliomes pour le NCCN (cliquer ici). De nombreuses questions se posent maintenant telles que l’association du bevacizumab à l’immunothérapie ou le développement de l’association immunothérapie et chimiothérapie dans le mésothéliome.
Reference
First-line nivolumab plus ipilimumab in unresectable malignant pleural mesothelioma (CheckMate 743): a multicentre, randomised, open-label, phase 3 trial.
Baas P, Scherpereel A, Nowak AK, Fujimoto N, Peters S, Tsao AS, Mansfield AS, Popat S, Jahan T, Antonia S, Oulkhouir Y, Bautista Y, Cornelissen R, Greillier L, Grossi F, Kowalski D, Rodríguez-Cid J, Aanur P, Oukessou A, Baudelet C, Zalcman G.
Lancet 2021 Jan 21. Online ahead of print.