European Respiratory Journal

Dépistage du cancer du poumon : une étude randomisée de biomarqueurs plasmatiques couplés au scanner

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
février 2021

Biomarqueurs / Facteurs pronostiques et/ou prédictifs, Dépistage

EarlyCDT-Lung test est un test ELISA mis au point par les auteurs de cette étude académique écossaise  qui mesure 7 auto-anticorps sériques spécifiques des antigènes associés aux tumeurs suivants : p53, NY-ESO-1, CAGE, GBU4-5, HuD, MAGE A4 et SOX2. Selon ces auteurs ces anticorps peuvent être décelés dans le sang périphérique des patients qui ont une tumeur solide 3 à 4 ans avant l’apparition des symptômes sans qu’on sache de façon précise s’ils persistent après l’apparition de la tumeur. 

L’étude prospective randomisée dont nous commentons ici les résultats a pour objectif principal de comparer le taux de cancers du poumon de stades III et IV observés pendant deux ans chez des sujets à risque randomisés après recueil d’u échantillon de sang en  :

  • Un bras interventionnel de sujets testés par le EarlyCDT-Lung test et, 
    • si cet examen est positif, une radiographie thoracique et scanner, puis scanner tous les 6 mois pendant 24 mois, 
    • s’il est négatif des explorations standardisées en cas d’apparition de symptômes.
  • Un bras contrôle dans lequel qui ne comprenait également que des explorations standardisées en cas d’apparition de symptômes

Les participants de cette étude devaient avoir de 50 à 75 ans, être fumeurs d’au moins 20 PA ou de moins s’ils avaient des antécédents familiaux (père et mère, fratrie ou enfants)  ou anciens fumeurs. Ils étaient recrutés à partir d’un registre  tenu par les médecins généralistes. 

Le calcul des effectifs était basé sur l’estimation du chiffre de cancers du poumon de stade III et IV de 1200/100 000 et par an dans le bras standard (2,4% sur 2 ans)  avec l’espoir de détecter dans le bras expérimental une réduction de35% de ce nombre : ceci nécessitait 5000 personnes/an. Après le recrutement de 8600 patients, les auteurs se sont rendu compte que la proportion de cancers de stades III et IV avait été surestimé et il a été décidé d’inclure 12 000 participants. 

Sur 77077 lettres d’invitations envoyées, 12 215 personnes (13,4%) ont été randomisées et les caractéristiques des sujets des deux groupes étaient bien réparties. 

  • Parmi les 6121 sujets du bras standard 
    • 71 avaient un cancer dont 17 (0,3%) et 28 (0,5%) un cancer de stade III et IV. Les auteurs y ont ajouté 7 cancers de stade indéterminé (il n’y en avait aucun dans le bras expérimental)  
  • Parmi les 6087 sujets du bras expérimental 
    • 598 avaient un test positif dont
      • 18 avaient un cancer dont 3 (0,5%) et 3 (0,5%) un cancer de stade III et IV. 
    • Et 5489 un test négatif dont 
      • 38 avaient un cancer dont 12 (0,2%)  et 15 (0,3%) un cancer de stade III et IV. 
  • Ainsi 52 (0,8%) des participants au bras standard avaient un cancer de stade III et IV ou indéterminé. En comparaison 33 (0,5%) des participants du bras expérimental avaient un cancer de stade III et IV. 

La réduction de risque d’avoir un cancer de stade III, IV et indéterminé était donc de 0,3% et le HR de stade III et IV est calculé à  0,64 (95% CI 0,41–0,99; p=0,04).

Les auteurs concluent que l'objectif principal de cette étude est atteint puisque dans le bras expérimental une réduction significative du nombre de cancers de stades III et IV.  

La méthodologie de cette étude incite à plusieurs commentaires dont certains sont détaillés dans l'éditorial accompagnant cette étude (cliquer ici).

Le point le plus important est lié au fait que toutes les études menées suer le dépistage scanographique montrent que ce dernier diminue considérablement le nombre de cancers de stades étendus avec une inversion de pourcentage de cancers de stades I et II dans le bras scanner par rapport au bras contrôle allant de 1/4 à 1/3 dans le bras contrôle à 2/3 à 3/4 dans le bras expérimental.  De ce fait l’absence de scanner chez les participants du bras contrôle et chez ceux du bras expérimental dont  le EarlyCDT-Lung test est négatif ne permet pas de dire si la réduction du nombre de stades étendus qui est observée est liée au test ou au test associé au scanner chez certains malades. 

Un autre point qui est discutable est l’addition des cancers de stade indéterminé aux cancers de stades III et IV dans le bras standard (il n’y en avait pas dans le bras expérimental) : ceci augmente le nombre de cancers de stades étendus dans le bras standard. 

Un autre point qui fragilise cette étude est le suivi très court de 2 ans alors que pour bien interpréter une étude de dépistage il faut au minimum un suivi de 10 à 12 ans. 

Enfin une des données étonnante est qu’il y a plus de cancers dans le bras standard alors qu’on sait bien que, du fait des biais, il y a toujours, surtout durant les premières années, un excès de cancers dans le bras expérimental 

Il est clair que pour l’instant la sensibilité des biomarqueurs n’est pas compatible avec un tri initial des sujets qui auront ou non un scanner. C’est plutôt sur l’exploration des positifs que nous devons travailler. 

 

 

 

 

 

Reference

Earlier diagnosis of lung cancer in a randomised trial of an autoantibody blood test followed by imaging.

Sullivan FM, Mair FS, Anderson W, Armory P, Briggs A, Chew C, Dorward A, Haughney J, Hogarth F, Kendrick D, Littleford R, McConnachie A, McCowan C, McMeekin N, Patel M, Rauchhaus P, Ritchie L, Robertson C, Robertson J, Robles-Zurita J, Sarvesvaran J, Sewell H, Sproule M, Taylor T, Tello A, Treweek S, Vedhara K, Schembri S; 

Early Diagnosis of Lung Cancer Scotland (ECLS) Team.

Eur Respir J  2021; 57 : 2000670

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