Lung Cancer

Dépistage et emphysème.

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
mars 2015

Imagerie : Radiologie, Dépistage, Diagnostic précoce

Dans l’étude ouverte internationale ELCAP, dont nous avons souvent parlé sur ce site, ont été inclus des fumeurs ou des anciens fumeurs bien sur, mais aussi des patients exposés à un risque professionnel ou au tabagisme passif, dont certains étaient non fumeurs. Ce nombre de non fumeurs n’était pas négligeable puisque sur les 62 124 participants inclus, 12 368, c’est à dire 20%, étaient non fumeurs selon la définition internationale.

Le tiers d’entre eux avaient une exposition professionnelle (amiante, beryllium, uranium, ou radon) et les autres étaient exposés au tabagisme passif.

Les fumeurs ou anciens fumeurs étaient divisés en 3 groupes légers à 30 PA, modérés de 30 à 59 et importants à 60 ou plus.

Ce travail porte sur l’influence de l’emphysème sur le risque de cancer broncho-pulmonaire lors du premier scanner, le diagnostic d’emphysème étant défini par des critères radiologiques précis.

La prévalence du cancer et de celle de l’emphysème en fonction du tabagisme sont indiquées sur le tableau ci-dessous :

Prévalence du cancer broncho-pulmonaire (%)

 

Totale

<30 PA

30-59

60 et plus

Fumeurs

1,4

0,6

1,6

2,8

Anciens fumeurs

1,1

0,4

1,3

2,4

Non fumeurs

0,4

-

-

-

Prévalence de l’emphysème (%) 

 

Totale

<30 PA

30-59

60 et plus

Fumeurs

28,5

17,5

32,7

41,9

Anciens fumeurs

20,6

10,9

25,3

37,5

Non fumeurs

1,6

-

-

-

 On voit sans surprise le lien qui existe entre le tabagisme et l’incidence du cancer broncho-pulmonaire et on voit que ce lien est encore beaucoup plus fort concernant l’emphysème qui est extrêmement fréquent chez les fumeurs ou anciens fumeurs mais qui est 18 et 13 fois plus rare chez les non fumeurs que chez les fumeurs ou anciens fumeurs.

La présence d’un emphysème augmente de façon importante le risque de cancer broncho-pulmonaire pour toutes les populations qu’elles soient fumeuses ou non, comme le montre le tableau ci-dessous, puisque, chez les fumeurs ou anciens fumeurs, ce risque est multiplié par 2, alors que chez les  non fumeurs il est multiplié par 6.

 

Prévalence du cancer broncho-pulmonaire

Sans emphysème

Avec emphysème

Fumeurs

1,1

2,3

Anciens fumeurs

0,9

1,8

Non fumeurs

0,4

2,5

La  conclusion des auteurs est que cette augmentation du risque de cancer broncho-pulmonaire chez les non fumeurs qui ont un emphysème est telle que le risque des personnes qui ont un emphysème serait le même qu’ils soient ou non fumeurs. De ce fait il leur paraît logique de proposer le même suivi scanographique aux non fumeurs qu’aux fumeurs.

Ce très intéressant article peut suggérer cinq commentaires :

1)Les non fumeurs de cette étude ne sont pas des non fumeurs habituels. Ce sont des personnes qui ont été exposés à un tabagisme passif ou à un risque professionnel et qui ont été sélectionnées parce qu’on pensait qu’elles étaient « à risque » de développer un cancer.

2)Cette population de non fumeurs est très différente de celle de fumeurs notamment par le fait qu’il y a un fort contingent d’asiatiques (47% parmi les non fumeurs contre 11 et 5% parmi les fumeurs ou anciens fumeurs). Il est possible que des facteurs génétiques exagèrent le risque de cancer broncho-pulmonaire chez les non fumeurs. Il est possible que certains risques, tels que le mode de cuisson des aliments, se manifestent davantage chez les sujets emphysémateux.

3)Il est possible que les cancers de ces non fumeurs soient principalement de petits cancers bronchiolo-alvéolaires à l’origine d’une grande part des cancers surdiagnostiqués.

4)Toutes ces données sur le tabagisme sont déclaratives basées sur un auto-questionnaire.

5)Le point qui est peut-être le plus important, est que pour savoir qu’une personne asymptomatique a un emphysème, il faut lui faire un scanner, et donc entrer dans une démarche de dépistage. Or il faudrait faire 1000 scanners pour trouver 16 personnes qui aient un emphysème dont seulement 2,5% auraient un cancer. De plus ces chiffres sont estimés à partir de non fumeurs qui sont, pour d’autres causes que le tabac, à risque de cancer. Le rapport coût/bénéfice d’une telle démarche serait donc vraisemblablement très mauvais.  

D'après cette étude, l’emphysème chez un fumeur ou un ancien fumeur augmente le risque de cancer et justifie encore davantage l'utilité du dépistage. Il en serait de même pour les non fumeurs exposés à un risque professionnel ou au tabagisme passif, mais ceci doit être confirmé avant qu’une démarche de dépistage puisse être proposée à cette population. 

Reference

CT screening for lung cancer: Importance of emphysema for never smokers and smokers.

Henschke CI, Yip R, Boffetta P, Markowitz S, Miller A, Hanaoka T, Wu N, Zulueta JJ, Yankelevitz DF; for the I-ELCAP Investigators.

Lung Cancer 2015 ; 88 : 42–47

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Thématiques : Épidémiologie, Prévention
Revue : British Journal of Cancer