Journal of Thoracic Oncology

Des ventilations assistées interrompues grâce au crizotinib.

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
février 2013

Thérapeutique ciblée, Soins intensifs

Le cancer broncho-pulmonaire est le cancer qui est le plus souvent en cause chez les patients admis en réanimation pour les symptômes d’un cancer ou ses complications.  Parmi les symptômes en cause, l’insuffisance respiratoire nécessitant une ventilation mécanique, est la cause principale d’admission.

Fréquemment  l’issue de ces hospitalisations est fatale ce qui conduit beaucoup de médecins à s’interroger sur la légitimité de telles prises en charge (http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19768453). Les 3 cas rapportés ici contribuent à faire envisager ce débat d’un jour nouveau.

Cas 1

La première est celle d’une femme de 40 ans, non fumeuse, qui présente un adénocarcinome de  stade IV avec des localisations pulmonaires et hépatiques. Traitée successivement par cisplatine et pemetrexed puis erlotinib elle est hospitalisée pour insuffisance respiratoire. Il existe des opacités bilatérales des 2 sommets qui s’aggravent sous antibiotiques et conduisent finalement à l’intubation. Elle développe progressivement une hypoxémie réfractaire associée à une hypercapnie. Le diagnostic de progression tumorale est retenu, une immunohistochimie ALK est réalisée qui est positive (la FISH ne peut être réalisée par manque de matériel), elle est positive. Du Crizotinib est alors administré. Deux jours après, l’hypercapnie se corrige puis progressivement l’hypoxie.

Au 42éme jour, la ventilation assistée est interrompue. Soixante jours après le début du crizotinib elle peut quitter la réanimation et la  réponse a persisté jusqu’au 5éme cycle de traitement durant le quel elle a développé des métastases cérébrales rapidement progressives.

Cas 2

Il s’agit d’une femme de 44 ans non fumeuse chez la quelle en mai 2010 un adénocarcinome pulmonaire métastatique a été diagnostiqué. C’est après 4 lignes de chimiothérapie que son état s’aggrave et qu’elle est intubée le 10 juillet 2011. Des biopsies trans-bronchiques sont réalisées et l’immunohistochimie est positive pour ALK. Un traitement par crizotinib est immédiatement entrepris. La situation s’améliore vite, une réponse scanographique est constatée et elle peut quitter l’hôpital au 38éme jour. La réponse est maintenue 8 mois plus tard.

Cas 3

Cette observation est encore celle d’une femme jeune non fumeuse. Un an après son diagnostic d’adénocarcinome métastatique, alors qu’elle avait reçu plusieurs traitements anticancéreux, une immunohistochimie ALK est positive mais la FISH ne donne pas de résultat clair.

Quelques semaines plus tard, son état s’aggrave et elle est également ventilée en réanimation. Elle présente alors une paralysie bilatérale des cordes vocales liées à d’importantes adénopathies médiastinales compressives. Après qu’une trachéotomie ait été réalisée, un traitement par crizotinib est institué. 

La ventilation peut-être rapidement interrompue et à un mois un scanner est effectué qui objective une réponse partielle. Au 5éme cycle, la sonde de trachéotomie est retirée et elle quitte l’hôpital. On ne dispose pas d’informations ultérieures.

Comme l’observation rapportée il y a quelques jours (/aux-usa-comme-ailleurs-proportion-de-patients-inclus-dans-les-essais-cliniques-reste) cette observation souligne l’effet spectaculaire et rapide du crizotinib chez des patients pourtant dans une situation très critique. C’est un fait très nouveau en réanimation respiratoire où on est plutôt habitué à des échecs chez de tels malades. Ceci rend la recherche de translocations ALK-EML4 ou au moins la pratique d’immunohistochimie ALK dans de tels contextes en apparence désespérés incontournable.


 

 

Faut-il changer nos critères de prise en charge en réanimation des cancers pulmonaires à l’heure des thérapies ciblées ?

Le pronostic des patients avec un cancer du poumon en réanimation s’est améliorée avec une mortalité hospitalière  entre 75 et 90% dans les années 801-3et actuellement de l’ordre de 50% 4-7.  Les facteurs de cette amélioration sont notamment une meilleure sélection des malades  et le recours à des techniques de ventilation moins agressive telle que la ventilation non invasive. 

Les facteurs classiques de mauvais pronostic que sont le PS, le recours à la ventilation artificielle, l’étendue du cancer et/ou son caractère évolutif sont des éléments de réflexion à l’admission d’un patient en réanimation et contribuent à la non admission du patient et/ou une limitation voir un arrêt des soins 5,6,8,9. Mais à l’ère des thérapies ciblées l’approche de ces patients doit probablement changer. En effet Ahn et col, rapportent 3 cas d’améliorations spectaculaires sous crizotinib de patients plutôt jeunes, non fumeurs, sous ventilation artificielle présentant des adénocarcinomes  pulmonaires métastatiques et ALK positifs en immunohistochimie  10.  Ces observations soulignent qu’en l’an 2013, le réanimateur ne doit pas prendre de décision de limitation et/ou d’arrêt des soins sans savoir si le patient est porteur d’anomalies génétiques susceptibles de bénéficier de thérapies ciblées d’autant plus que près de 40% des patients admis avec un cancer pulmonaire en réanimation ont un  diagnostic de cancer très récent ou fait lors des premiers jours en réanimation.

L’équipe de Ahn montre des résultats très encourageants mais à mon avis il restera à confirmer qu’il existe un  bénéfice  sur la survie à moyen terme (à 6 mois) et/ou sur la qualité de vie de ces patients 5,11.

 

 

1 Boussat S, El'rini T, Dubiez A, et al. Predictive factors of death in primary lung cancer patients on admission to the intensive care unit. Intensive Care Med 2000; 26:1811-1816

2 Ewer MS, Ali MK, Atta MS, et al. Outcome of lung cancer patients requiring mechanical ventilation for pulmonary failure. Jama 1986; 256:3364-3366

3 Lin YC, Tsai YH, Huang CC, et al. Outcome of lung cancer patients with acute respiratory failure requiring mechanical ventilation. Respir Med 2004; 98:43-51

4 Adam AK, Soubani AO. Outcome and prognostic factors of lung cancer patients admitted to the medical intensive care unit. Eur Respir J 2008; 31:47-53

5 Roques S, Parrot A, Lavole A, et al. Six-month prognosis of patients with lung cancer admitted to the intensive care unit. Intensive Care Med 2009; 35:2044-2050

6 Soares M, Darmon M, Salluh JI, et al. Prognosis of lung cancer patients with life-threatening complications. Chest 2007; 131:840-846

7 Toffart AC, Minet C, Raynard B, et al. Use of intensive care in patients with nonresectable lung cancer. Chest 2011; 139:101-108

8 Andrejak C, Terzi N, Thielen S, et al. Admission of advanced lung cancer patients to intensive care unit: a retrospective study of 76 patients. BMC Cancer 2011 11:159

9 Slatore CG, Cecere LM, Letourneau JL, et al. Intensive care unit outcomes among patients with lung cancer in the surveillance, epidemiology, and end results-medicare registry. J Clin Oncol 2012; 30:1686-1691

10 Ahn HK, Jeon K, Yoo H, et al. Successful Treatment with Crizotinib in Mechanically Ventilated Patients with ALK Positive Non-Small-Cell Lung Cancer. J Thorac Oncol 2013; 8:250-253

11 Soares M, Azoulay E. Critical care management of lung cancer patients to prolong life without prolonging dying. Intensive Care Med 2009; 35:2012-2014

 

 

Reference

 

Successful Treatment with Crizotinib in Mechanically Ventilated Patients with ALK Positive Non-Small-Cell Lung Cancer.

Ahn HK, Jeon K, Yoo H, Han B, Lee SJ, Park H, Lee MJ, Ha SY, Han JH, Sun JM, Ahn JS, Ahn MJ, Park K.

J Thorac Oncol 2013; 8 : 250-3. 

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Thématiques : Épidémiologie, Prévention
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