Journal of Thoracic Oncology

Emibetuzumab, un anti-MET associé à l’erlotinib, chez les patients EGFR mutés : une étude de phase II

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
février 2020

Thérapeutique ciblée, EGFR, Biomarqueurs / Facteurs pronostiques et/ou prédictifs

Si environ 50% des résistances aux inhibiteurs de la tyrosine kinase  de l’EGFR sont liées à l’apparition d’une mutation T790M, plusieurs autres mécanismes sont en cause dont l’hyperexpression de MET qui pourrait exister dès la première ligne chez 20% des patients et qui serait un facteur pronostique défavorable (cliquer ici). L’emibetuzumab est une immunoglobuline qui inhibe la voie de signalisation de MET et qui, en association à l’erlotinib,  a entrainé dans des études précoces des réponses partielles durables chez des patients présentant un cancer bronchique non à petites cellules avec mutation activatrice de l'EGFR et activation de MET. Le but de cette étude de phase II randomisée à promotion industrielle est donc de confirmer ces résultats en montrant que l’emibetuzumab peut retarder la progression de patients traités par erlotinib pour un cancer bronchique non à petites cellules avec mutation activatrice de l'EGFR. Seuls les patients contrôlés à 8 semaines par erlotinib étaient donc randomisés pour recevoir :

  • Soit de l’erlotinib en monothérapie (150mg/j),
  • Soit de l’erlotinib aux mêmes doses associé à l’emibetuzumab (750 mg IV à J1 et J15 de cycles de 28 jours). 

L'objectif principal était la survie sans progression. Les principaux objectifs secondaires étaient la survie globale, les taux de réponse et de contrôle de la maladie, la durée de réponse, la diminution de taille de la tumeur et la toxicité. Une analyse exploratoire de la valeur pronostique et prédictive de l’expression de MET était prévue.  

En 15 mois, 181 patients ont été inclus en 2013 et 2014 et 141 dont la maladie était contrôlée à 8 semaines ont été randomisés. Les caractéristiques des patients des deux groupes de 71 et 70 patients étaient bien réparties. Cette étude était négative puisque la survie sans progression n’était pas significativement allongée comme le montre le tableau ci-dessous : 

 

Erlotinib et emibetuzumab

Erlotinib

p

PFS médiane (mois)

9,3

9,5

 

HR de PFS (90%CI)

0,89 (0,64-1,22)

0,53

Survie médiane (mois)

34,3

25,4

 

HR de survie (90%CI)

0,76 (0,52-1,12)

0,24

Taux de réponses (%)

84,5

65,7

 

Durées médianes de réponses (mois)

9,5

11,1

 

Diminution de taille de la tumeur (%)

60,6

55,7

 

On voit que l’ensemble des autres données d’efficacité n’étaient pas modifiées par l’addition d’emibetuzumab.

La fréquence de l’ensemble des événements secondaires possiblement rapportés aux traitements était similaire dans les deux bras (87 et 84%) et il en était de même pour les effets adverses sévères dont la fréquence était la même (28 vs 26%). Aucun décès n’a été attribué au traitement. 

L’analyse qui était prévue des valeurs pronostique et prédictive de l’expression de MET a montré que les 24 patients qui avaient une forte expression de MET (3+ pour 90% des cellules tumorales) avaient une survie sans progression nettement supérieure quand ils recevaient de l’emibetuzumab (20,7 vs 5,4 mois, HR 0,39 (90%CI : 0,17-0,91)).  Une comparaison des facteurs pronostiques de ces 24 malades et de ceux des autres patients n’a pas montré de différence significative. 

On peut donc conclure que cette association d’erlotinib et d’emibetuzumab est bien tolérée mais que cette étude est négative sur son objectif principal.  L’analyse exploratoire conduit les auteurs à suggérer qu’une expression élevée de MET serait un facteur de mauvais pronostique pour les 12 patients qui sont traités par erlotinib seul alors que les 12  traités par emibetuzumab associé à l’erlotinib bénéficient de ce traitement. Il nous semble que, même si la différence de survie sans progression est importante, ces conclusions sont discutables parce qu’il s’agit d’une analyse exploratoire et parce que celle-ci a été menée chez un petit nombre de malades. De plus, la PFS médiane sous erlotinib et emibetuzumab des patients à forte expression de MET est indiquée sur la figure 3A à 17,2 mois et dans le texte à 20,7 mois et cette différence de 17,3 à 5,4 mois n’est pas significative (p=0,112).   

 

 

Reference

A Randomized-Controlled Phase 2 Study of the MET Antibody Emibetuzumab in Combination with Erlotinib as First-Line Treatment for EGFR Mutation-Positive NSCLC Patients.

Scagliotti G, Moro-Sibilot D, Kollmeier J, Favaretto A, Cho EK, Grosch H, Kimmich M, Girard N, Tsai CM, Hsia TC, Brighenti M, Schumann C, Wang XA, Wijayawardana SR, Gruver AM, Wallin J, Mansouri K, Wacheck V, Chang GC.

J Thorac Oncol 2020; 15 : 80-90

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