Faire une radiothérapie à visé curative sans preuve histologique ?

La radiothérapie stéréotaxique est le traitement de références des cancers de petit volume qui ne peuvent être opérés. Dans la plupart des cas une preuve histologique est obtenue avant d’effectuer un tel traitement, mais il y a dans certains cas de grandes difficultés à obtenir cette preuve, ce qui conduit certaines équipes à se passer de celle-ci.

Ce travail est mené pour définir le nombre et les caractéristiques des patients pour lesquels une preuve histologique n’a pas été obtenue. Il est réalisé à partir des dossiers des patients atteints de cancers de stade I de l’American Joint Commission on Cancer qui ont été traités par radiothérapie avec une dose biologique de 80 à 200Gy délivrée en moins de 8 fractions.

Au total 6 900 patients traités sur une période de 8 ans ont été identifiés. Leur nombre a augmenté de façon très importante, de 6 en 2003 a plus de 500 en 2011. Parmi ceux ci :

• Dans la grande majorité des  cas (95,5%), une preuve histologique était obtenue.
• Chez seulement 4,5% elle ne l’était pas.

Il n’y avait aucune différence démographique entre ces deux groupes de patients (sexe, revenus, éducation, résidence). Seule l’origine ethnique différait : il y avait proportionnellement un peu plus de noirs dans le groupe des patients biopsiés.

Il n’y avait pas non plus de différence concernant les comorbidités, mais les patients considérés comme médicalement inaptes à la chirurgie (unfit) étaient plus nombreux dans le groupe des patients non biopsiés.

En ce qui concerne le siège et l’extension de la tumeur, il y avait significativement chez les patients non biopsiés plus de tumeurs des lobes supérieurs et plus de tumeurs de petite taille.

Le nombre de patients non biopsiés en fonction du temps a été étudié : en pourcentage, il a augmenté pendant toute cette période.

Aux Etats-Unis, comme probablement ailleurs, le nombre de patients qui ont accès à une radiothérapie à visée curative pour tumeurs de petit volume sans preuve histologique est proche de 5% et a augmenté pour ce traitement qui est de plus en plus utilisé. Les auteurs de ce travail nous indiquent que ce sont davantage les  tumeurs de petite taille et celles qui siègent dans les lobes supérieurs qui ne sont pas biopsiées. C’était attendu pour la taille comme pour le siège, car l’emphysème devait être la raison de ce non abord histologique.Il est en revanche un peu préoccupant de voir la proportion de ces malades augmenter. Est-ce parce que dans les premières années on n’osait pas réaliser une radiothérapie  sans preuve ? Ou est ce parce que cette attitude se répandant, des patients qui auraient été biopsiés il y a 10 ans ne le sont plus maintenant ? Il nous semble que si c’était la deuxième explication, il y aurait une dérive préoccupante car ceux d’entre nous qui ont travaillé dans des équipes ayant une large pratique de la ponction trans-thoracique  ont le souvenir d’avoir observé un certain nombre de patients pour les quels l’imagerie par scanner et TEP-FDG plaidait pour un cancer et dont le diagnostic était finalement celui d’une affection bénigne.A l’heure où les expériences des équipes qui pratiquent la ponction trans-thoracique, ou les prélèvements guidés en fibroscopie par échographie ou navigation ne cesse de s’accroitre, la pratique de la radiothérapie sans preuve doit rester exceptionnelle et être  toujours réservée aux cas pour lesquels il existe  un rapport bénéfice risque évident.