Journal of Clinical Oncology

Les cancers des patients VIH+ sont-ils sous traités ?

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
août 2014

Cancer et VIH

De façon générale, les patients atteints par un cancer et par le virus VIH ont des taux de survie inférieurs à ceux des patients qui ne sont pas atteints par ce virus. Cette diminution de survie est expliquée en général par plusieurs facteurs :

-       les cancers seraient de stade plus avancés au moment du diagnostic. 

-       La dérégulation immunitaire serait à l’origine de tumeurs plus avancées.

-       Les traitements anticancéreux seraient moins efficaces et plus toxiques.

Une autre explication serait que les patients ne recevraient pas le traitement optimal. Les auteurs de cette étude l’avaient déjà constaté au Texas chez des patients atteins de cancer du poumon (Suneja G et al  AIDS 27: 459-468, 2013). Le but de ce travail est d’étendre cette étude à 3 états et à tous les types de cancers.

C’est un important travail qui compare les données sur 14 ans de plus d’un million de personnes atteintes de cancers et non infectées par le VIH à celles de plus de 3000 qui sont infectés.

Le cancer broncho-pulmonaire est parmi les 3 plus fréquents du groupe VIH- (24%) comme du groupe VIH+ (19%).

Les cancers de la population VIH+ sont significativement plus fréquemment métastatiques, et survenaient chez les patients de sexe masculin, chez les jeunes, chez les noirs et les hispaniques et dans les dernières années de l’étude.

Parmi les patients infectés par le VIH, la grande majorité avaient eu un diagnostic de SIDA et le compte médian de CD4 était de 144/µl.

Le cancer anal est le seul où il n’y a pas de disparités entre les pourcentages de malades non traités HIV+ et HIV-. Pour les cancers broncho-pulmonaires, le taux de malades non traités était respectivement chez les HIV+ et HIV- de 34,9 et 24,1%. Lorsque l’analyse était restreinte aux seules années 2006-2010 il est respectivement de 39,5% et 27,5%.

Lorsque l’analyse est restreinte aux formes localisées des cancers bronchiques non à petites cellules dont le traitement est a priori à visée curative, cette différence persiste : 24% des patients infectés par le VIH contre 18,5% de ceux qui ne le sont pas, n’ont pas eu de traitement standard.

Les facteurs prédictifs indépendants de non traitement chez les patients infectés par le VIH sont le caractère métastatique, un compte de CD4 bas, le sexe masculin, la toxicomanie injectable, l’âge de 45 à  64 ans et la race noire.

Cette étude montre donc de façon indiscutable dans une enquête menée chez un très grand nombre de patients que les cancers des patients des personnes infectées par le VIH sont significativement moins traités, pour la quasi totalité des types de cancers. Les auteurs passent en revue les principales causes possibles de sous traitement : absences de recommandations et plus généralement de résultats d’essais cliniques pour cette population, PS bas, taux de comorbidités plus élevés, notion de traitements moins efficaces ou plus toxiques, expérience réduite des oncologues.

Toutes ces hypothèses sont tout à fait possibles mais des données manquent à cette étude (notamment le PS et le taux de comorbidités) pour faire la part de ce qui serait lié à une plus grande gravité de la maladie ou à sous traitement qui résulterait d’un manque de connaissances ou d’a priori non justifiés des médecins. Des essais pour cette population spécifique de patients, tels que celui que conduit pour l'IFCT  Armelle Lavolé (http://www.ifct.fr),  sont donc plus que jamais nécessaires.

Reference

Cancer Treatment Disparities in HIV-Infected Individuals in the United States.

Suneja G, Shiels MS, Angulo R, Copeland GE, Gonsalves L, Hakenewerth AM, Macomber KE, Melville SK, Engels EA.

J Clin Oncol 2014 ; 32 : 2351-2356

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Thématiques : Épidémiologie, Prévention
Revue : British Journal of Cancer