Journal of Thoracic Oncology

Dépister les cancers broncho-pulmonaires chez les fumeurs infectés par le VIH

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
juin 2014

Dépistage, Diagnostic précoce, Cancer et VIH

Trois constatations sont à l’origine de cette étude prospective américaine :

  1. Les données épidémiologiques suggèrent que les patients fumeurs infectés par le VIH ont un risque de cancer broncho-pulmonaire qui est au moins doublé.
  2. La très grande majorité des patients atteints de cancer broncho-pulmonaire et infectés par le VIH sont atteints de cancers métastatiques au moment de leur diagnostic.
  3. L’impact du scanner faiblement dosé sur le taux de détection de cancers de stades précoces et sur la diminution de la mortalité spécifique par cancer broncho-pulmonaire est démontré.

En 7 ans, 224 patients fumeurs (89%) ou anciens fumeurs (11%) asymptomatiques et âgés de plus de 25 ans (médiane 48 ans) ont été recrutés pour un programme de 5 scanners à faible dose.

L’adhésion au programme n’a pas été bonne : 18 patients (8%) ont eu seulement un scanner, 103 (46%) deux, 44 (20%) trois,

39 (17%) quatre et seulement 20 (9%) ont eu les 5 scanners prévus.

Au total 48 nodules, ont été décelés dont seulement 10 ont été jugés suspects.

Un seul cancer non à petites cellules a été décelé sur un deuxième scanner effectué un an après le scanner de base : c’était un cancer du stade avancé IIIB. Pendant cette même période il y a eu 18 décès dont aucun n’était lié à un cancer broncho-pulmonaire.

Plus de 80 % des patients qui ont eu un scanner initial avaient des anomalies non suspectes (emphysème, pneumonie, syndrome coronarien, et diverses anomalies extra-thoraciques).

Du fait qu’un seul cancer a été dépisté dans cette cohorte, les auteurs ont poolés les résultats de 117 patients de cette cohorte avec 39 patients HIV atteints de cancer. Le but de cette analyse dont la méthodologie peut paraître discutable était d’effectuer une analyse multivariée pour analyser les facteurs possiblement associés au risque de cancer chez les patients atteints de VIH.  L’âge, l’importance du tabagisme, un compte de CD4 bas et un emphysème hétérogène étaient significativement associés au risque de cancer broncho-pulmonaire.

Les auteurs n’ont donc dépisté qu’un seul cancer broncho-pulmonaire lors d’une étude prospective qui a porté sur 224 fumeurs alors qu’il s’attendaient à en déceler plus puisque l’incidence des cancers du poumon est au moins doublée chez les fumeurs atteints par le VIH. Dans l’étude NLST qui ne comportait que des fumeurs et des anciens fumeurs 1060 cancers broncho-pulmonaires ont été décelés pendant 3 ans chez 26 722 volontaires soumis à un dépistage par un scanner annuel. Si l’incidence des cancers broncho-pulmonaires chez les patients HIV est double, ils auraient donc du dépister autour de 8 nouveaux cancers.

 Il nous semble qu’on peut trouver au moins deux raisons  pour expliquer  ces résultats :

Le manque de compliance aux tests de dépistages peut être une explication. Dans l’essai NLST, la compliance était de 95%. Ici moins de 50% des patients ont eu 3 scanners et on ne sait même pas s’ils étaient consécutifs. Certes on nous dit qu’il n’y a pas eu d’autre décès par cancer broncho-pulmonaire mais quelle a été la vérification des causes de décès et est-on sur que tous les patients qui ne se sont soumis qu’à un ou deux scanners ont été indemnes de cancer pendant ces 5 années ?

Comme le suggèrent les auteurs, l’âge des patients est probablement aussi en cause. Dans la plupart des essais cliniques, l’âge des sujets soumis au dépistage va de 55 à 75 ans et dans l’essai NLST par exemple, plus de la moitié des sujets dépistés ont 60 ans ou plus. Ici, l’âge médian des sujets dépistés n’est que de 48 ans. Les auteurs ont choisi cet âge parce que toutes les études cas témoins sur l’épidémiologie du cancer broncho-pulmonaire chez le patient atteint par le VIH ont montré que l’âge moyen de ces malades était beaucoup plus jeune  que celui des patients atteints de cancer non VIH. C’est tout à fait exact, mais cela ne signifie pas que la fréquence des cancers dans cette population de sujets jeunes est la même que celle des cancers dans la population des 55-75 ans. Si par exemple le risque des 55-65 ans est de 10 à 15 fois supérieur à celui des 35-45 ans, et même si, dans la tranche des 35-45 ans, il y a 2 fois plus de cancers broncho-pulmonaires chez les sujets HIV, il y aura toujours bien moins de cancer broncho-pulmonaire chez les sujets HIV jeunes que chez les non HIV âgés.  Ces résultats en tout cas conduisent à penser que cette hypothèse  est hautement vraisemblable. 

Reference

Prospective CT screening for lung cancer in a high-risk population: HIV-positive smokers.

Hulbert A1, Hooker CM, Keruly JC, Brown T, Horton K, Fishman E, Rodgers K, Lee B, Sam C, Tsai S, Weihe E, Pridham G, Drummond B, Merlo C, Geronimo M, Porter M, Cox S, Li D, Harline M, Teran M, Wrangle J, Mudge B, Taylor G, Kirk GD, Herman JG, Moore RD, Brown RH, Brock MV.

J Thorac Oncol 2014; 9 : 752-9.

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Thématiques : Épidémiologie, Prévention
Revue : British Journal of Cancer