Nous avons commenté durant ces derniers jours une publication des résultats tardifs de l’étude Keynote 189 qui confirmaient l’important bénéfice de survie à long terme induit par la combinaison en première ligne de platine, pemetrexed et pembrolizumab faisant de ce traitement l’un des nouveaux standards de traitement des cancers bronchiques non à petites cellules non épidermoïdes (cliquer ici).
Les auteurs de cet article soulignent toutefois que les résultats de cette étude ne sont probablement pas complétement représentatifs de ceux qui sont observés en vie réelle. Ils pensent que la toxicité est plus importante et notamment que le taux de pneumopathies serait plus élevé et pourrait influer sur la survie à long terme de ces malades.
Ils ont donc conduit au Japon une étude multicentrique rétrospective à partir de 36 cohortes hospitalières de patients enrôlés de façon prospective. Pour être inclus, ces patients devaient avoir un cancer bronchique non à petites cellules non épidermoïde sans mutation EGFR ou translocation ALK-EML4 et devaient avoir reçu un traitement associant platine, pemetrexed et pembrolizumab en première ligne entre décembre 2018 et juin 2019. En estimant que l’incidence de pneumopathies à 90 jours était voisine de 10%, ils ont calculé qu’il leur fallait 300 malades pour le démontrer. Ce délai de 90 jours avait été choisi parce que dans une étude de surveillance menée après la mise sur le marché au Japon, 60% des pneumopathies étaient survenues durant les 3 premiers mois de traitement.
Au total, 299 patients ont été inclus. Leur âge moyen était de 65 ans, les 2/3 étaieent des hommes et plus de 80% étaient fumeurs ou anciens fumeurs. Presque tous avaient un PS à 0 ou 1. Ces caractéristiques cliniques étaient très proches de celles des patients inclus dans l’étude Keynote 189. En revanche alors que l’existence d’antécédents de pneumopathie non infectieuse (justifiant une corticothérapie) était dans l’étude Keynote 189 un facteur d’exclusion, 13 patients (4%) avaient un syndrome interstitiel pré-existant dans cette étude. De même l’augmentation du risque de pneumopathie, attendue chez les patients qui avaient reçu une radiothérapie, faisait de l’administration d’une radiothérapie de plus de 30 Gy une contre-indication dans l’étude Keynote 189 alors que 11% des patients de cette étude avaient reçu au préalable une radiothérapie thoracique.
La pneumopathie était l’effet adverse non hématologique le plus fréquent observé dans les 3 premiers mois avec :
- 37 patients, c'est à dire 12,4%, qui ont eu une pneumopathie de tous grades et
- 10 qui ont eu une pneumopathie de grade ≥ 3.
Le nombre de pneumopathies de tous grades estt effectivement très supérieur au pourcentage de 4,9% de patients qui ont eu une pneumopathie dans l’étude KEYNOTE 189, et ce d’autant plus qu’ils ont été observés ici uniquement dans les 3 premiers mois. C’est la conclusion essentielle que retiennent les auteurs et cette conclusion leur parait d’autant plus importante que dans des calculs de survie, et après ajustement au biais d’immortalité, la survenue de pneumopathie est un facteur indépendamment associé à la survie sans progression et à la survie globale.
Ces résultats nous conduisent à plusieurs commentaires :
- les malades de l’étude KEYNOTE 189 ne sont pas exactement les mêmes que ceux de cette étude. On voit bien que les critères d’inclusion concernant les antécédents de pneumopathie interstitielle diffuse ou de radiothérapie sont plus larges. Il est possible que cette étude de vraie vie montre que les pneumopathies iatrogènes sont plus fréquentes qu’on ne le croit, mais il est plus vraisemblable que c’est parce que les critères définissant les pneumopathies sont pluss larges que les pneumopathies sont plus fréquente.
- La différence entre le pourcentage de pneumopathies dans cette étude et ceux de l’étude KEYNOTE 189 porte essentiellement sur les pneumopathies de grade 1 et 2 ce qui amène deux questions : pourquoi de telles pneumopathies peu graves conduiraient-elle à un excès de mortalité alors que le pourcentage de pneumopathies plus graves n’est justement pas augmenté ? Ce chiffre n’a-t-il pas été artificiellement augmenté par une relecture plus attentive des scanners dans cette étude rétrospective ?
- Dans l’essai KEYNOTE 189, ou le pembrolizumab est comparé à un placebo, le pourcentage de pneumopathies de tous grades passe de 3% à 4,9% respectivement dans les bras expérimental et dans le bras standard et celui de pneumopathies de grades 3 à 5 passe de 2 à 3% … Il y a donc un excès de pneumopathie lorsqu’on compare les malades traités par immunothérapie et chimiothérapie aux seuls malades traités par immunothérapie, mais cet excès est faible.
Finalement la conclusion de cette étude ne pourrait -elle pas être pas plutôt qu’il faut être extrêmement prudent chez les malades qui ont des antécédents de pneumopathie interstitielle ou de radiothérapie ?
Reference
Pembrolizumab plus chemotherapy-induced pneumonitis in chemo-naïve patients with non-squamous non-small cell lung cancer: A multicentre, retrospective cohort study.
Fujimoto D, Miura S, Yoshimura K, Wakuda K, Oya Y, Yokoyama T, Yokoi T, Asao T, Tamiya M, Nakamura A, Yoshioka H, Haratani K, Teraoka S, Tokito T, Murakami S, Tamiya A, Itoh S, Yokouchi H, Watanabe S, Yamaguchi O, Tomii K, Yamamoto N.
Eur J Cancer 2021; 150 : 63-72