Annals of Oncology

Mutations rares de l’EGFR : une importante étude rétrospective multicentrique

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
août 2022

EGFR, Biomarqueurs / Facteurs pronostiques et/ou prédictifs

Les mutations rares de l’EGFR représentent jusqu’à 10 voire 30% des mutations identifiées. L’efficacité des TKI classiques, y compris de 3eme génération, est très hétérogène et relativement mal connue. La quasi-totalité des essais récents évaluant les TKI se sont cantonné aux mutations classiques (L858R et Del19). Des données rétrospectives concernant 100 patients avec des mutations rares traitées par afatinib –TKI de 2eme génération- (n=75) ou par chimiothérapie (n=25) ont permis d’identifier 3 groupes : Groupe 1 contenant des mutations ponctuelles dans les exons 18 à 21, seules ou en association. Groupe 2 concernant les mutation T790M de novo et Groupe 3 concernant les insertions de l’exon 20 (InsEx20).

L’étude a montré un potentiel bénéfice pour les mutations les plus fréquentes du groupe 1

(G719X, L861Q et S768I), alors que les patients des groupes 2 et 3 n’ont pas tiré de bénéfice.

L’étude rapportée ici concerne des résultats rétrospectifs issus de 12 centres en Allemagne et regroupe les données de 856 patients dont 276 mutations rares (ou commutations). Les patients étaient répartis en trois groupes : 

  • Les mutations les plus fréquentes dont G719X, S768I, E709X et L861Q, soit seules soit associées aux mutations classiques (L858R et Del19).
  • Les insertions de l’exon20
  • Les mutations très rares (Délétions exon 18, Insertions exon 19 insertion et mutations complexes).

Les données cliniques et le devenir des patients est connu pour 260 patients. L’âge médian au diagnostic était de 64.4 ans. Les adénocarcinomes représentent 90% des cas. On retrouve moins d’adénocarcinomes dans le groupe 3 (avec plus de carcinomes épidermoïdes et plus de co-mutations KRAS). Au total 234 patients ont été traités, 95 par TKI, 123 par chimiothérapie, et 16 par immunothérapie en première ligne. On note que 139 patients ont ensuite été traités en 2eme ligne, 71 en troisième ligne et seulement 27 en 4eme ligne ou au-delà. 

Les insertions de l’ Exon 20 étaient plus volontiers traitées par chimiothérapie (69%) alors que les mutations rares et très rares (groupes 1 et 3) étaient traitées aussi fréquemment par TKI que par chimiothérapie. Au total ce sont donc les données de PFS et d’OS concernant 445 traitements. 

Pour les mutations du groupe 1, les TKI permettent d’obtenir une meilleure PFS en première ligne que la chimiothérapie (HR 0.53; 95% CI 0.30-0.93, P= 0.028). Le bénéfice se retrouve quelle que soit la ligne (HR 0.54, 95% CI 0.35-0.81, P=0.003). L’afatinib était la molécule la plus utilisée. Les patients traités par afatinib avaient une médiane de de 12.0 mois (95% CI 4.0-20.0 mois) alors que l’erlotinib était uniquement de 3.8 mois (95% CI 2.7-5.0 mois). Très peu de patients étaient traités pas gefitinib ou osimertinib. Le bénéfice des TKI par rapport à la chimiothérapie se retrouve en OS, avec respectivement 18 mois, (95% CI 11.7-24.4 mois) et 13.9 mois (95% CI 1.7-26.1 mois).

Les patients du groupe 2 (insEx20) ne tirent pas de bénéfice des TKI en dehors de très rares exceptions (par exemple 763_764AYinsFQEV est sensible aux TKI de première génération, ou encore une médiane de PFS de 25.4 mois sous afatinib pour insertion 773_774HVinsAH). La chimiothérapie permet d’obtenir une médiane de PFS de 6.9 versus 4.0 mois pour les TKI, mais la différence n’est pas significative du fait de trop petits effectifs. La différence de PFS se traduit en OS avec respectivement 28.7 versus 15.0 mois. 

Pour les patients du groupe 3, les TKI semblent numériquement supérieurs, avec une médiane de PFS de 6.7 versus 5.5 mois pour les patients sous chimiothérapie (HR 0.71, 95% CI 0.42-1.18, P = 0.187) en première ligne. Toutes lignes confondues, la différence devient significative (HR 0.67, 95% CI 0.47-0.95, P = 0.025). L’avantage se traduit numériquement en OS (20.5 mois versus 12.3 mois, HR 0.65, 95% CI 0.37-1.14, P = 0.131). 

La présence de co-mutations (p53 ou KRAS notamment) impactent négativement sur le devenir des patients. Ces mutations sont plus souvent retrouvées dans le groupe 3. 

Il s’agit de la plus grande étude rétrospective concernant le sujet. Les données sont en phase avec ce qui a déjà été rapporté. Elle montre la diversité des choix des cliniciens et le peu de données solides permettant de guider la décision thérapeutique. L’afatinib semble être le traitement le plus efficace pour les mutations rares. Néanmoins des données récentes d’une étude de phase II avec l’osimertinib montrent également une certaine efficacité (sur de petits effectifs). L’arrivée de nouveau TKI de 3eme voire 4eme génération sera certainement une voie thérapeutique à évaluer pour ces mutations particulières.

Reference

Treatment outcome of atypical EGFR mutations in the German National Network Genomic Medicine Lung Cancer (nNGM). 

Janning M, Süptitz J, Albers-Leischner C, Delpy P, Tufman A, Velthaus-Rusik JL, Reck M, Jung A, Kauffmann-Guerrero D, Bonzheim I, Brändlein S, Hummel HD, Wiesweg M, Schildhaus HU, Stratmann JA, Sebastian M, Alt J, Buth J, Esposito I, Berger J, Tögel L, Saalfeld FC, Wermke M, Merkelbach-Bruse S, Hillmer AM, Klauschen F, Bokemeyer C, Buettner R, Wolf J, Loges S; National Network Genomic Medicine Lung Cancer (nNGM). 

Ann Oncol 2022; 33 : 602-615

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