Lung Cancer

Quelle deuxième ligne chez les non mutés ? Critiques de l’étude TAILOR

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
mai 2014

Thérapeutique ciblée

L’étude TAILOR publiée l’été dernier dans Lancet Oncol (1) (/les-femmes-dont-le-tabagisme-est-eleve-ont-elles-un-risque-de-cancer-broncho) est une étude prospective, randomisée, multicentrique qui a été menée en Italie. Les critères d’inclusion sélectionnaient  les patients présentant un cancer bronchique non à petites cellules étendu, progressifs après une ligne de chimiothérapie. Seuls les malades sauvages pour l’EGFR ont été inclus, et ils ne devaient pas avoir reçu ni taxanes ni erlotinib préalablement. Lors de la progression, les patients pouvaient recevoir du pémétrexed, de la gemcitabine ou de la vinorelbine ; il n’y avait donc pas de possibilité de crossover pour la troisième ligne. La randomisation était stratifiée sur l’état de performance, l’introduction de la deuxième ligne en situation de rechute ou de progression et le type de doublet initial. L’objectif principal était la survie globale (SG) ; la survie sans progression (SSP) était l’objectif secondaire. L’étude comportait une randomisation en 2 groupes, soit erlotinib à 150 mg par jour, soit docetaxel (75 mg toutes les 3 semaines ou 35 mg toutes les semaines). Cette étude conclu à une supériorité de la chimiothérapie par docetaxel en deuxième ligne sur l’erlotinib chez des patients dont on est certain qu’ils n’ont pas de mutation activatrice de l’EGFR.

L’étude TAILOR est probablement un des sujets les plus polémiques de l’année 2013, elle fait l’objet d’un éditorial favorable dans le même numéro de « Lancet Oncol » (2) et de 2 publications critiques défavorables dans « Lung cancer » (3, 4).

Deux cent vingt deux malades ont été inclus, dont 219 évaluables. Les caractéristiques cliniques étaient celles attendues dans une telle population : prédominance masculine, plus de 70 % de fumeurs ou anciens fumeurs, plus de 20 % de sujets atteints d’un cancer épidermoïde. Les résultats de SSP montrent une réduction du risque de progression plus importante dans le bras docétaxel (HR = 0,71 ; IC95 : 0,53-0,95 ; p = 0,02). Les taux de réponse (15,5 versus 3 % ; p = 0,001) étaient également en faveur du docétaxel. Les résultats de SG montrent une tendance à la limite de la significativité (p = 0,05 en faveur du docétaxel). Les résultats de cette étude n’appellent cependant pas à modifier les standards thérapeutiques en seconde ou en troisième ligne ; les prescripteurs peu convaincus de l’efficacité de l’erlotinib dans cette indication vont simplement penser trouver, dans cette étude, une justification à leur scepticisme. Cela ne nous semble pas fondé, car l’objectif principal de l’étude a été changé au bout de 4 années d’inclusion initialement prévu pour apprécier l’effet des biomarqueurs sur l’évolution sous traitement, il a été modifié au profit d’une comparaison de la survie chez les patients EGFR sauvage. Ce changement d’objectif intervenu presque à la fin de l’étude génère à la fois l’hypothèse et le résultat, avec un risque très important que la différence observée relève de l’artéfact. Parmi les autres nombreux biais de cette étude, on reste dubitatif devant le taux de réponse complète observé avec le docetaxel (5,2 %), qui dépasse de beaucoup tout ce qui a été observé dans cette population. De même, il existe une différence de suivi entre les 2 groupes de patients, le groupe erlotinib a été mieux surveillé, augmentant d’autant la probabilité de déceler une progression et donc d’influencer la SSP. Enfin l’impossibilité de donner un taxane en 3éme ligne aux patients du groupe erlotinib a pu contribuer à biaiser les résultats, surtout dans la population souffrant d’un cancer épidermoïde. On notera enfin la présentation des résultats du sous-groupe de patients avec une mutation de KRAS au congrès de l’ESMO, sous-groupe pour lequel on n’observe aucune différence de SG ni de SSP entre les 2 traitements.

Cette étude ne changera pas les pratiques au quotidien, car, souvent, chez les patients en bon état général, la chimiothérapie est préférée en seconde ligne et l’erlotinib est proposé en troisième ligne.

Références

1-Garassino MC, Martelli O, Broggini M et al. Erlotinib versus docetaxel as second-line treatment of patients with advanced non-small-cell lung cancer and wild-type EGFR tumours (TAILOR): a randomised controlled trial. Lancet Oncol 2013:14(10): 981-8.

2-Jassem J, Dziadziuszko R. EGFR inhibitors for wild-type EGFR NSCLC: to use or not to use? Lancet Oncol 2013;14:916–7.

3-Moro-Sibilot D, Perol D, Chabaud S, Cadranel J, Audigier Valette C, Perol MThe TAILOR study: To agree or to disagree? Lung Cancer. 2014 Mar 26. On line publication

4-Dafni U, Karlis D, Smit E, Peters S. Second line treatment for EGFR wild-type advanced NSCLC: The Jury is Still Out. Lung Cancer. 2014 Mar 15. On line publication


Professeur Denis Moro-Sibilot

Département de Médecine Aiguë Spécialisée

Hôpital Albert Michallon, CHU de Grenoble

Reference

The TAILOR study: To agree or to disagree?

Moro-Sibilot D1, Perol D2, Chabaud S2, Cadranel J3, Audigier Valette C4, Perol M5.

Lung Cancer 2014 Mar 26. [Epub ahead of print]

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Thématiques : Épidémiologie, Prévention
Revue : British Journal of Cancer