Lancet oncology

Radiochimiothérapie avec une radiothérapie en mode bifractionné à 45 Gy comparée à 60 Gy dans les CBPC. Une étude randomisée de phase 2.

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
avril 2021

Radiothérapie / Radiofréquence, Cancers à petites cellules

Approximativement 13% des cancers broncho-pulmonaires sont des cancers bronchiques à petites cellules et ces cancers sont responsables de 4% des décès par cancer. Si le pronostic des patients atteints de cancer bronchique à petites cellules localisé est meilleur que celui des patients atteints de cancer bronchique à petites cellules disséminé, il ne faut pas oublier que seulement 25 à 36% des patients atteints de formes localisées sont vivant à 5 ans. 

Pour améliorer la survie de ces malades qui sont traités par radiochimiothérapie, une des voies de recherche les plus explorées a été l’augmentation des doses de radiothérapie ou l’administration de celle-ci sur un mode bifractionné qui permet, avec des doses réduites d’obtenir des résultats identiques à ceux d’une radiothérapie appliquée avec des doses plus élevées sur un mode classique. C’est ce qu’a démontré l’étude CONVERT (cliquer ici) en démontrant que l’administration de 45 Gy  (1,5 Gy en 30 fractions sur 19 jours) comparée à celle de 66 Gy en 33 fractions de 2 Gy sur 45 jours donne des résultats qui n’atteignent pas la significativité mais sont un peu meilleurs. 

Le but de l’étude dont les résultats sont présentés ici est de savoir si l’administration d’une dose totale de 60 Gy sur un mode bifractionné est susceptible d’améliorer la survie. C’est une étude randomisée de phase II académique qui a été menée dans 22 hôpitaux publics de Norvège, Danemark et Suède. 

Pour être éligibles les patients devaient avoir plus de 18 ans, n’avoir reçu au préalable aucun traitement, et avoir un cancer à petites cellules de stade limité. Leur PS devait être de 0 à 2. Outre un bilan classique ils devaient obligatoirement avoir une IRM cérébrale et un TEP-FDG. S’ils présentaient un épanchement pleural,  un examen cytologique négatif était exigé.

Les patients éligibles étaient randomisés sur un mode 1/1  pour recevoir :

  • Soit une radiothérapie thoracique de 60 Gy en 40 fractions,
  • soit une radiothérapie de 45 Gy  en 30 fractions. 

Le PS (0-1 vs 2), le stade (II-II vs III) , et la présence ou non d’un épanchement pleural étaient des critères de stratification.

Les patients recevaient 4 cycles d’une chimiothérapie par 75 mg/m2 à J1 de cisplatine et 100 mg/m2 de VP16 de J1 à J3 et il était possible de remplacer le cisplatine par du carboplatine en cas de toxicité sévère. L’utilisation de GCSF ou d’érythropoïétine n’était pas autorisée. 

La radiothérapie commençait de 20 à 28 jours après le J1 de la chimiothérapie..les patients recevaient 2 fractions par jour séparées d’au moins 6  heures. Le GTV était définie par la tumeur primitive et les ganglions fixant le FDG. Le CTV était défini par chaque volume de GTV en y ajoutant une marge de 5 mm dans toutes les directions. Des doses à ne pas dépasser étaient définies pour les poumons, le cœur, l’œsophage et la moelle épinière. Pour le bras à 45 Gy,  la radiothérapie ne devait pas être administré pendant plus de 22 jours et pour le bras à 60 Gy plus de 29 jours. Une irradiation prophylactique cérébrale de 25 Gy en 10 fractions ou 30 Gy en 15 fractions était proposée aux patients répondeurs.  Le scanner de réponse était réalisé trois semaines après le quatrième cycle de chimiothérapie et l’irradiation prophylactique cérébrale commençait 6 semaines après ce quatrième cycle. 

L'objectif principal était le taux de survie à 2 ans qui pour qu’il soit atteint devait passer de 53 à 66%. Les objectifs secondaires étaient la survie globale,  le taux de réponse,  la survie sans progression et le pourcentage de patients en contrôle local.

Résultats

Sur 176 patient enrôlés dans l’étude, 170 ont été randomisés, 89 dans le bras 60 Gy et 81 dans le bras 45 Gy. Leur âge médian était de 65 ans, le tiers des patients ayant plus de 70 ans. Cinquante-sept % étaient des femmes, 98 % était fumeurs ou anciens fumeurs et 89 % avait un PS à 0 ou 1. Les caractéristiques des patients des deux groupes étaient bien réparties. Il y avait notamment une répartition par stades comparable.  

Respectivement 97% des patients du bras 60 Gy et 91% des patients du bras 45 Gy  ont reçu les doses prévues et 89 et 95% dans le temps prévu. Une proportion similaire de patients dans les 2 groupes (85% ont reçu une irradiation prophylactique cérébrale et aussi une proportion similaire de patients dans les 2 groupes (46 et 48%) ont reçu une chimiothérapie de deuxième ligne. 

La durée médiane de suivi était de 49 mois et comme le montre le tableau ci-dessous l’objectif principal de l’étude était atteint avec un taux de survie à 2 ans augmentant de 48 à 74% : 

 

60 Gy

45 Gy

p

Taux de survie à 2 ans (%) (95%CI)

74,2 (63,8-82,9)

48,1 (36,9-59,5)

 

OR de survie à 2 ans (95%CI)

3,09 (1,62-5,89)

0,0005

Survie médiane (mois)

37,2

22,6

 

HR de survie (95%CI)

0,61 (0,41-0,90)

0,012

PFS médiane

18,6

10,9

 

HR de PFS (95%CI) 

0,75 (0,52-1,09)

0,13

De même la durée médiane de survie et de survie sans progression étaient significativement augmentées. 

Les principales toxicités de grade 3 et 4 observées respectivement chez les patients du bras 60 Gy et du bras 45 Gy étaient hématologiques. Ces toxicités n’étaient pas significativement  plus fréquentes chez les patients du bras à 60 Gy avec : neutropénies (81% dans les 2 bras), neutropénies compliquées d’infection (27 et 39%)  thrombopénies (24 et 25%) et anémie (16 et 20%). Il en était de même des effets adverses sévères et des décès rattachés au traitement qui étaient au nombre de 3 dans chaque groupe. Il n’y a eu aucune œsophagite de grade 4 ou 5 et dans le bras 60Gy un peu moins de grades 1 et 2 (37 vs 44%) mais un peu plus de grades 3 (21 vs 18%). En ce qui concerne les pneumopathies, elles étaient un peu plus fréquentes et graves dans le bras 60 Gy (grades 1-2 : 9%, grade 3 21%, grade 4 0%, grade 5 : 1%) que dans le bras 45 Gy (grades 1-2 : 5%, grade 3 : 0%,  grade 4 : 0%, grade 5 : 0%)

Cette étude de phase II randomisée compare deux doses totales de radiothérapie administrées sur un  mode bifractionné, soit à 60Gy, soit à 45 Gy. Elle démontre la possibilité d’administrer dans ces conditions 60 Gy. Parce que cette démonstration est faite avec des effectifs nettement inférieurs à ceux de l’étude CONVERT (170 malades alors que l’étude CONVERT en comptait 547) son niveau de preuve reste modeste. Néanmoins la méthodologie est différente puisque l’étude CONVERT comparait 45 Gy en bifractionné à 66 Gy administrés sur un mode classique alors que cette étude compare deux doses de radiothérapie administrées sur un mode bifractionnée pendant un temps court (dans l’étude CONVERT les 66 Gy étaient administrés sur 45 jours ; 60Gy le sont ici sur 29 jours). 

Il est probable que les résultats d’une étude de phase II randomisée, - même si ces résultats sont particulièrement brillants et même si la méthodologie de l’étude ne nous parait pas critiquable -, ne changeront pas le standard de l’administration de la radiothérapie des cancers bronchiques à petites cellules dans notre pays. Ceci  d’autant plus qu’administrer deux doses de radiothérapie espacées d’au moins 6 heures serait peu compatible avec le système français. Il reste néanmoins que cette belle étude doit nous faire réfléchir. 

 

Reference

High-dose versus standard-dose twice-daily thoracic radiotherapy for patients with limited stage small-cell lung cancer: an open-label, randomised, phase 2 trial.

Grønberg BH, Killingberg KT, Fløtten Ø, Brustugun OT, Hornslien K, Madebo T, Langer SW, Schytte T, Nyman J, Risum S, Tsakonas G, Engleson J, Halvorsen TO.

Lancet Oncol  2021; 22 : 321-331

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