Beaucoup d’arguments suggèrent que les patients qui présentent un cancer oligométastatique pourraient bénéficier de traitements locaux à visée ablative et notamment d’une radiothérapie stéréotaxique qui, probablement en partie du fait de l’essor des thérapeutiques ciblées et de l’immunothérapie, est de plus en plus souvent utilisée.
L’étude de l’impact de ces traitements sur la survie repose en général sur des études rétrospectives non comparatives. Cependant, en mai 2019 nous avons commenté ici les résultats de l’étude de phase II randomisée multicentrique internationale SABR COMET. Dans cette étude les patients étaient randomisés pour recevoir soit un traitement palliatif, soit une radiothérapie stéréotaxique ablative sur tous les sites métastatiques (dont le nombre ne devait pas dépasser 5). La durée médiane de survie était de 28 mois dans le bras contrôle et de 41 mois dans le bras expérimental mais cette différence n’atteignait pas la significativité probablement par manque de puissance car il n’y avait que 99 patients randomisés sur un mode 2/1 (cliquer ici).
L’étude dont les résultats sont présentés aussi est encore une étude observationnelle non comparative. Elle est toutefois prospective et réalisée à partir d’un registre mis en place dans ce but dans 17 centres anglais. Enfin, parce qu’elle est prospective, elle comporte des données sur la toxicité et la qualité de vie qui manquent en général dans les études de cohortes disponibles.
Pour être inclus, les patients devaient :
- avoir au moins 18 ans.
- Avoir reçu un traitement « radical » pour un cancer primitif prouvé par histologie ou cytologie (une suspicion clinique avec un taux de PSA <50 ng/ml suffisait pour le cancer de la prostate). Seules les tumeurs solides étaient autorisées.
- Avoir au maximum 3 sites métastatiques, et au maximum 2 sites médullaires.
- Ne pas avoir de métastases cérébrales.
- La taille des lésions ne devait pas dépasser 6cm en général et 5cm pour le foie et le poumon.
- Un PS ≤2.
Le traitement systémique devait être interrompu depuis au moins 4 semaines pour la chimiothérapie et 2 semaines pour les thérapeutiques ciblées.
L'objectif principal de cette étude était les taux survie à 1 et 2 ans calculés à partir de la radiothérapie stéréotaxique. Les objectifs secondaires étaient la survie médiane, le taux de contrôle local, la toxicité et la qualité de vie. Les taux de survie « cible » estimés à partir de la littérature étaient de 70% à un an et 50% à deux ans.
Les données de 1422 patients atteints de cancer oligométastatique ont été recueillies. L’âge médian de ces patients était de 69 ans. Le cancer primitif le plus fréquent était le cancer de la prostate (28,6%) suivi des cancers du colon et rectum, du rein, du sein, du poumon (4,5%) et du mélanome. Les premiers sites métastatiques traités étaient les adénopathies (31%) suivies du poumon (29,3%) puis par les métastases osseuses (12%), hépatiques (9,6%), médullaires (9,4%), et surrénaliennes (2,9%). Les 3/4 des patients (75,6%) n’avaient qu’une métastase. Respectivement 19,6% et 4,8% en avaient 2 ou 3. La durée médiane de suivi était de 13 mois.
Les taux de survie à 1 an et 2 ans étaient respectivement de 92,3% et 79,2%. Des variations étaient observées selon le site de cancer primitif : les meilleurs taux de survie à 2 ans étaient observés dans le cancer de la prostate (94,6%) puis dans les cancers du colon, du rectum, du rein, du sein, du poumon (65,4%) et dans le mélanome.
Le taux de contrôle local n’a pu être déterminé que pour 80% des patients : 226/1137 (19,9%) avaient une progression locale et les taux de contrôle local à 1 an et 2 ans étaient respectivement de 86,9 et 72,3%. Enfin le taux d’apparition de nouvelle métastase qui n’a pu être déterminé également que pour 80% des patients : les taux de survie à 1 an et 2 ans sans métastase chez ces malades étaient respectivement de 84 et 52%.
L’effet adverse de grade III le plus fréquent était la fatigue chez 2% des patients et aucun décès lié au traitement n’a été observé. La qualité de vie est restée le plus souvent stable durant ce traitement.
Cette étude est intéressante parce qu’elle est prospective et parce qu’elle porte sur un grand nombre de patients. Elle confirme que ces malades, atteints de cancers oligométastatiques et dont la métastase est extra-cérébrale, ont une longue survie mais ne démontre pas que le traitement par radiothérapie stéréotaxique est la cause de cette longue survie. Cela seule une étude randomisée de phase III pourrait le démontrer. On notera que les taux de survie à 1 an et 2 ans sont très différents selon le siège du cancer primitif : c’est dans le cancer de la prostate qu’ils sont les plus élevés ce qui conduit à deux remarques : 1) il y a dans cette étude 2 fois plus de malades atteints de cancer de la prostate que dans l’étude COMET. 2) il faudra que si un jour une étude randomisée de phase III était entreprise que le siège du cancer primitif soit un critère de stratification : dans l’étude COMET 21 % des malades du bras expérimental ont un cancer de la prostate alors que c’est le cas de seulement 6% de ceux du bras contrôle. On conçoit que cette différence importante peut avoir modifié les résultats de cette étude de phase II et ceci démontre une fois encore que seules des études randomisées de phase III ont un niveau de preuve nécessaire à la démonstration de la supériorité d’un nouveau traitement, ce que ne peuvent faire ni les registres, ni les études de phase II .
Reference
Stereotactic ablative body radiotherapy in patients with oligometastatic cancers: a prospective, registry-based, single-arm, observational, evaluation study.
Chalkidou A, Macmillan T, Grzeda MT, Peacock J, Summers J, Eddy S, Coker B, Patrick H, Powell H, Berry L, Webster G, Ostler P, Dickinson PD, Hatton MQ, Henry A, Keevil S, Hawkins MA, Slevin N, van As N.
Lancet Oncol 2021; 22 : 98-106.