Journal of Clinical Oncology

Traitement adjuvant par Gefitinib ou Cisplatine et Vinorelbine pour les patients opérés d’un CBNPC muté EGFR de stade II ou IIIA ? Résultats de l’étude IMPACT

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
novembre 2021

Thérapeutique ciblée, Traitement péri-opératoire, EGFR

Nous avons commenté sur ce site en décembre 2017 les premiers résultats de l’essai adjuvant chinois ADJUVANT-CTONG 1104 comparant en adjuvant géfitinib à chimiothérapie (cliquer ici) puis en janvier 2021 les résultats définitifs de cette étude qui montraient une prolongation significative de la survie sans maladie (HR = 0,56 (0,40-0,79)), ne se traduisaient pas en revanche par une modification significative de la survie globale (HR = 0,92 (0,62-1,36). Ceci est probablement en lien avec le traitement reçu en crossover à la récidive (cliquer ici). D’autres études ont comparé cette même chimiothérapie adjuvante à l’erlotinib, comme  l‘étude de phase II EVAN (cliquer ici) ou à l’icotinib dans l’essai de phase III EVIDENCE (cliquer ici)

L’essai IMPACT est un essai académique japonais randomisé de phase III qui compare à nouveau chimiothérapie par cisplatine et vinorelbine à gefitinib chez des patients opérés d’un cancer bronchique non à petites cellules muté EGFR  de stade II ou IIIA. 

Pour être éligibles à cette étude, les patients devaient avoir un cancer bronchique non à petites cellules de stade II ou III avec mutations usuelles de l’EGFR (Del19 ou L858R)  complétement réséqué par lobectomie ou pneumonectomie. Un curage ganglionnaire devait être effectué. Ils devaient avoir de 20 à 75 ans, un PS à 0 ou 1,  ne devaient avoir ni cancer synchrone, ni métachrone dans les 5 ans. Ils ne devaient pas avoir eu de complications post-opératoires importantes. Ils étaient randomisés pour recevoir des traitements identiques à ceux de l’étude ADJUVANT-CTONG 1104 à l’exception du platine qui était un peu plus dosé , à 80 au lieu de 75 mg, c'est à dire :

  • soit gefitinib à 250 mg/jour pendant 2 ans,
  • soit 4 cycles de cisplatine à 80 mg/m2 (J1-J22) et vinorelbine 25 mg/m2 (J1,J8, J22).

La radiothérapie post-opératoire n’était pas autorisée chez les patients qui ne récidivaient pas. 

L'objectif principal était la survie sans maladie. Les objectifs secondaires étaient la survie globale, la toxicité et le types de récidives. Pour faire passer la durée médiane de survie de 28 à 43 mois, c'est à dire pour obtenir un HR de survie sans maladie à 0,65, 169 événements devaient être observés ce qui nécessitait de suivre au moins 217 patients pendant 5 ans.  

Résultats

Finalement 234 patients ont été inclus par 25 institutions japonaises dont 232 seulement étaient éligibles du fait de 2 retraits de consentement. Parmi ceux-ci quelques patients ont été a posteriori considérés aussi comme inéligibles mais ont été gardés dans l’analyse en intention de traiter. Les caractéristiques des patients des deux groupes étaient bien réparties. Il y avait 61 et 62% de femmes, l’âge médian dans les 2 groupes était de 64 ans, 55 et 52% de délétions 19, 99% de lobectomies et 64% de stades III dans les deux groupes. 

Seulement 71 patients (61,2%) du bras gefitinib ont reçu le traitement pendant 2 ans et seulement 78% des patients du groupe chimiothérapie ont reçu la totalité du traitement qu’ils devaient recevoir. 

Les courbes de survie sans maladie  étaient au début meilleures chez les patients du bras gefitinib cependant les courbes se croisaient à 4 ans de sorte que les différences n’étaient pas significatives comme le montre le tableau ci-dessous : 

 

Gefitinib

Chimiothérapie

p

DFS médiane (mois) (95%CI) 

35,9 (30-47,7)

25,1 (17,7-41,8)

 

HR de DFS (95%CI)

0,92 (0,67-1,28)

0,63

Taux de DFS à 5 ans (%)

31,8

34,1

 

HR de survie (95%CI)

1,03 (0,65-1.65)

0,89

Taux de survie à 5 ans (%)

78

74,6

 

Dans des analyses de sous-groupes, aucune différence significative de survie globale ou de survie sans maladie n’a été mise en évidence, à l’exception des sujets âgés d’au moins 70 ans qui semblaient bénéficier de la randomisation dans le bras gefitinib (0,58 (0,10-0,98). Cependant les effectifs étaient peu importants puisqu’il n’y avait que 46 malades dans cette analyse. 

Les données de toxicité les plus importantes concernent la fréquence des effets adverses de grade ≥4 : en effet :

  • seulement 4,3% des  patients du bras gefitinib ont eu des événements adverses de grade 4. Il s’agissait uniquement d’augmentation des transaminases. En revanche dans le bras chimiothérapie adjuvante, c’est 59,1%  des patients  qui ont eu des événements de grade 4 : il s’agissait essentiellement de leuco/neutropénies. 
  • Trois malades sont décédés tous 3 dans le bras chimiothérapie par hémorragie cérébrale chez un malade de 71 ans, pneumopathie chez un malade de 60 ans  et suicide chez une malade de 66 ans. 

Les modalités de récidives locales ou métastatiques ne différaient pas dans les 2 groupes de patients. Seuls le nombre de métastases cérébrales différait : il était plus élevé chez les patients du bras gefitinib (26 vs 14). Lors de la récidive 11 et 7 patients des bras gefitinib et chimiothérapie ont reçu une radiothérapie et/ou une chirurgie. Le crossover vers un inhibiteur de la tyrosine kinase de l’EGFR a été de façon attendue beaucoup plus fréquent dans le bras gefitinib que dans le bras chimiothérapie (83 vs 35%). 

Bien qu’elle ait montré un bénéfice de survie sans maladie de l’ordre d’un an (35,9 mois vs 25,1 mois), ce bénéfice n’est pas significatif alors qu’il l’est dans l’étude de phase III ADJUVANT menée également avec le gefitinib, dans l’étude de phase III EVIDENCE menée avec l’icotinib et dans l’étude de phase II-R EVAN menée avec l’erlotinib. Ceci n’est pas très important car le problème principal n’est pas la comparaison  de l’inhibiteur de la tyrosine kinase à la chimiothérapie adjuvante. Le problème essentiel est de savoir si après un traitement standard des cancers de stade II et III par chirurgie et chimiothérapie adjuvante l’apport d’un inhibiteur de la tyrosine kinase prolonge significativement la survie sans maladie et la survie globale : l’étude ADAURA a déjà démontré une augmentation  considérable de la survie sans maladie sous osimertinib (HR = 0,17 (0,11-0,26) ce qui est déjà un point suffisamment  important pour que la FDA n’attende pas les chiffres de survie globale pour autoriser ce traitement (cliquer ici). Celui-ci a également obtenu une extension d’AMM en France pour le traitement adjuvant après résection tumorale complète et chimiothérapie adjuvante si indiquée, des patients adultes atteints d'un cancer bronchique non à petites cellules avec mutations activatrices de l’EGFR (délétion de l'exon 19 ouL858R) et présentant un PS à 0 ou 1. 

 

Reference

Randomized Phase III Study of Gefitinib Versus Cisplatin Plus Vinorelbine for Patients With Resected Stage II-IIIA Non-Small-Cell Lung Cancer With EGFRMutation (IMPACT).

Tada H, Mitsudomi T, Misumi T, Sugio K, Tsuboi M, Okamoto I, Iwamoto Y, Sakakura N, Sugawara S, Atagi S, Takahashi T, Hayashi H, Okada M, Inokawa H, Yoshioka H, Takahashi K, Higashiyama M, Yoshino I, Nakagawa K; West Japan Oncology Group.

J Clin Oncol. 2021 Nov 2. Online ahead of print.

100 lectures

Coup de ♥ du mois

Risque de cancer du poumon chez les mineurs exposés à de faible taux de radon

novembre 2015

Si les données concernant les expositions à de fortes concentrations de radon sont bien connues,...

Lire la suite
Thématiques : Épidémiologie, Prévention
Revue : British Journal of Cancer