Thorax

Changement de stades des cancers broncho-pulmonaires en Angleterre après une campagne d’information sur les symptômes.

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
novembre 2018

Imagerie : Radiologie, Diagnostic précoce

Nous avions commenté il y a 5 ans un travail qui montrait que les inégalités de survie des patients atteints de cancer broncho-pulmonaire restaient importantes, même dans les pays les plus économiquement favorisés : en Angleterre par exemple, le taux de survie à un an de 2004 à 2007 était de 28% vs 46% en Suéde ou 41% en Australie (cliquer ici)

L’hypothèse retenue pour expliquer ces différences est qu’elles seraient dues à un retard au diagnostic et en faveur de cette hypothèse une importante différence de la répartition par stades dans ces pays au moment du diagnostic a été notée. 

Pour tenter de diminuer ce retard au diagnostic, un certain nombre d’initiatives régionales ont été financées en Angleterre et en 2012 et 2013 une campagne d’information nationale a été lancée. Cette campagne était destinée à accroitre les connaissances du public sur les cancers les plus courants pour tenter de diagnostiquer plus tôt ces cancers à un stade précoce. Pour le cancer du poumon, cette campagne a été financée à Leeds. Elle avait deux objectifs principaux : déterminer l’influence de cette campagne sur le nombre de radiographies thoraciques effectuées et sur la répartition par stades des cancers. Les objectifs secondaires étaient de préciser les modalités de la filière diagnostique (notamment des consultations en urgence, dont on sait qu’elles sont associées à un mauvais pronostic), les PS, les taux de traitements et de survie. 

Cette campagne était destinée à informer à la fois :

  • Les professionnels de santé de Leeds  (généralistes, pharmaciens, infirmières) sur l’importance de détecter un cancer broncho-pulmonaire de stade précoce. Au total, 21 présentations ont été organisées en 3 ans).
  • Le grand public sur l’importance d’explorer les symptômes par des messages du genre "si vous toussez ou si vous avez une douleur thoracique depuis trois semaines, vous devez avoir une radiographie thoracique" ou bien "vous toussez, faites un bilan". Un accès direct à la radiographie thoracique était même organisé pour les patients qui, âgés de plus de 50 ans, présentaient des symptômes respiratoires depuis plus de 3 semaines (à condition qu’ils n’aient pas déjà et de radiographie thoracique dans les 3 derniers mois). 

Le nombre de radiographies thoraciques réalisées dans les CHUs de Leads :

  • Etait avant la campagne d’information autour de 18 000.
  • Pendant la campagne, passait de 29 000 à 35 000.
  • Et restait autour de ce chiffre après la campagne, 1000 à 2000 de celles-ci étant demandées directement par le malade. 

Au total, 5800 cas de cancer broncho-pulmonaire ont été enregistrés de 2008 à 2015. Parmi ceux-ci, dans 343 cas l’examen anatomo-pathologique ou la discussion multi-disciplinaire ne retenait pas ce diagnostic et 698 cas ont été pris en charge dans d’autres hôpitaux. Finalement 4759 cas ont été retenus. Ceci représente :

  • 577 diagnostics par an avant la campagne
  • Et 590 pendant et après la campagne.

Le nombre de cancers de stade I et II augmentait significativement passant de 

  • 16,6 et 8,7% avant la campagne 
  • A 24,6 et 9,4% à la fin de la campagne et se maintenant à ces chiffres ensuite. 

En même temps, le nombre de cancers de stade III et IV diminuait significativement en passant de 22 et 51 à 19 et 45%. 

Dans le même temps les modalités d’accès aux soins étaient modifiées avec notamment une réduction significative de 7% de la proportion de patients dont le diagnostic était fait à la suite d’une consultation aux urgences. De même, le nombre de patients recevant un traitement à visée curative augmentait significativement. 

Les taux de survie à un an augmentaient significativement dans la région de Leeds en passant :

  • De 31,8% en 2008-2010,
  • A 40,3% en 2013-2015. 

Dans une discussion très détaillée les auteurs pensent que, sans pouvoir l’affirmer avec certitude, le lien existant entre l'augmentation du nombre de radiographies thoraciques et l'amélioration de ces résultats est plausible. Ils discutent la possibilité qu’un surdiagnostic soit en cause, celui-ci étant à l’origine d’une augmentation du nombre de cancers de stade précoce lié à des cancers qui ne seraient pas susceptibles de s’aggraver et à terme de causer le décès. Ils réfutent cette hypothèse par le fait que le nombre de cancers de stade IV a diminué de près de 10%, alors que si cette hypothèse était vraie ils n’auraient eu aucune raison de diminuer.

Cette étude est particulièrement intéressante car elles démontre une fois de plus combien l’organisation de l’accès au soin est importante. 

En France la situation n’est pas ce qu’elle était en Angleterre il y a 5 ans, mais on voit encore trop de patients accéder à une prise en charge efficace très tardivement. 

Il est même possible qu’en France aussi la pratique de la radiographie thoracique diminue, alors que sa réalisation dans l’exploration initiale des symptômes respiratoires qui durent plus de 3 semaines nous semble rester prioritaire, même à l’heure du scanner. 

Peut-être cette diminution est-elle liée à la démonstration par l’étude PLCO de de l’inutilité de la radiographie thoracique pour  le dépistage (cliquer ici), une confusion existant souvent entre dépistage et diagnostic précoce. Il est probable aussi que les discours trop longtemps tenus sur le pronostic constamment fatal du cancer broncho-pulmonaire ont contribué à donner une image trop négative du cancer du poumon auprès des médecins généralistes et du grand public. Si on pense qu’une maladie n’est jamais curable quelle est l’utilité d’un diagnostic rapide ? Or en France une enquête effectuée chez 1500 personnes a montré que l’image du cancer du poumon est très négative y compris pour les cancers broncho-pulmonaires de stades précoces (cliquer ici). Le fait que les cancers de stades précoces soient guéris dans un pourcentage de cas élevé doit donc être communiqué le plus largement possible et cette communication large auprès du public et des médecins généralistes est prioritaire tant pour le dépistage que pour le diagnostic précoce. 

 

 

Reference

Lung cancer stage-shift following a symptom awareness campaign.

Kennedy MPT, Cheyne L, Darby M, Plant P, Milton R, Robson JM, Gill A, Malhotra P, Ashford-Turner V, Rodger K, Paramasivam E, Johnstone A, Bhartia B, Karthik S, Foster C, Lovatt V, Hewitt F, Cresswell L, Coupland VH, Lüchtenborg M, Jack RH, Moller H, Callister MEJ.

Thorax 2018; 73 : 1128-1136

 

93 lectures

Coup de ♥ du mois

Risque de cancer du poumon chez les mineurs exposés à de faible taux de radon

novembre 2015

Si les données concernant les expositions à de fortes concentrations de radon sont bien connues,...

Lire la suite
Thématiques : Épidémiologie, Prévention
Revue : British Journal of Cancer